« Le dessin de presse peut être un éclat de rire ou un coup de poing dans la gueule »

, par communication@clubdelapressehdf.fr

La 35ᵉ Semaine de la presse et des médias à l’École s’est déroulée du 18 au 23 mars 2024, sur le thème « L’info sur tous les fronts ». À cette occasion, le Club de la presse Hauts-de-France a reçu Jean-Michel Delambre, dessinateur de presse au Canard Enchaîné depuis près de 35 ans, pour éclairer sur ce métier souvent mal connu. Il est notamment revenu sur sa carrière et les difficultés liées à son métier.

Vidéo de la rencontre

Dessinateur de presse depuis 1981, année de son arrivée au Canard Enchaîné, Jean-Michel Delambre se souvient encore de son premier dessin publié dans ce journal satirique, intitulé « Madame Bovary ratant son suicide ». Il a eu l’opportunité de collaborer avec son idole, Cabu, décédé lors des attentats de Charlie Hebdo en 2015. Ses dessins ont également été publiés dans d’autres journaux tels que Marianne ou Tnews. Le dessinateur qui était professeur et animateur d’ateliers d’écriture et d’arts plastiques, notamment en Corse-du-Sud et dans le Pas-de-Calais, intervient régulièrement auprès du jeune public et publie des poésies et des bandes dessinées. Il sera, par ailleurs, présent à la cérémonie de remise des prix du concours des journaux scolaires, Mediatiks coorganisé par le Club de la presse et le Clemi de Lille.

Pour l’invité du Club, le dessin de presse reflète l’actualité au même titre que les articles. « Il y a des choses qui passent par le dessin, qui ne peuvent passer par l’écrit », explique-t-il. Il poursuit en affirmant qu’« un dessin de presse peut être un éclat de rire ou un coup de poing dans la gueule, comme le disait Cavanna. Mais il peut aussi faire réfléchir et amener à une prise de conscience. L’idéal, c’est un dessin qui fait rire. Mais, avec les réseaux sociaux, c’est parfois compliqué parce que chacun a tendance à réagir en fonction non pas de la raison ou de l’humour, mais en fonction de ses croyances ».

« Je n’ai jamais cru qu’on pouvait mourir pour un dessin »

L’un des risques importants de ce métier est la menace constante qui pèse sur les dessinateurs, particulièrement marquée autour des années 2000. Les attentats contre Charlie Hebdo en 2015 en sont un triste exemple. Jean-Michel Delambre a lui-même été placé sous protection policière pendant six mois après ces tragiques événements. Récemment, la direction du journal Libération a dénoncé de violentes attaques, incluant des menaces de mort, visant sa dessinatrice, Coco, après la publication d’une caricature sur la famine à Gaza.

« Normalement, on doit pouvoir rire de tout », affirme l’intervenant. Toutefois, le dessin de presse peut aussi être faux historiquement ou politiquement, met-il en garde. « Je suis choqué quand je vois Sarkozy ou quand je vois Macron avec une moustache. Pour moi, ce n’est pas de l’humour, c’est une falsification de l’histoire ».

Avec l’avènement des réseaux sociaux, l’invité constate une augmentation de la censure. Ce qui contraint les dessinateurs à faire preuve de subtilité et d’ingéniosité. À titre d’exemple, Jean-Michel Delambre explique que « dans certains pays, comme l’Algérie, où critiquer le président est interdit, les dessinateurs utilisent des métaphores et des animaux pour exprimer leurs opinions sans enfreindre la loi ». En outre, il a exprimé sa préoccupation face à l’émergence de dessinateurs autoproclamés sur les réseaux sociaux, qui peuvent s’exprimer librement sans maîtriser les codes et les règles du dessin de presse. Cette tendance pourrait entraîner une dégradation de la qualité d’un métier déjà fragilisé par la précarité et l’insécurité.

L’avenir du dessin de presse : la précarité du métier

L’intervenant déplore également une disparition progressive de la profession. Les emplacements réservés aux dessins de presse sont supprimés dans certains médias, et de nombreux journaux préfèrent désormais recruter des dessinateurs en contrat précaire ou à durée déterminée. À ces défis s’ajoute la difficulté pour certains d’obtenir la carte de presse et d’être ainsi reconnus comme journalistes. Pour M. Delambre, il est nécessaire de renforcer les mécanismes de défense de celles et ceux qui exercent ce métier. Il salue par ailleurs le travail de l’association Cartooning for Peace qui œuvre pour défendre les droits des dessinateurs du monde entier.

Apprendre à lire et à créer des dessins de presse

Jean-Michel Delambre estime qu’il est primordial d’enseigner aux enfants et aux adolescents à lire et à créer des dessins de presse. Il insiste sur l’importance de comprendre le fonctionnement d’un journal, de la "Une" aux "pages intérieures". À cette fin, il intervient dans les écoles et propose des ateliers créatifs. « Lorsque je travaille avec les jeunes, je m’appuie souvent sur l’actualité. Je demande aux enseignants de faire travailler les élèves sur l’actualité avant l’atelier », déclare-t-il. Il envoie ensuite aux enseignants des dessins, soit les siens, soit ceux d’autres dessinateurs, pour qu’ils puissent les étudier ou les exposer en classe.

Par ailleurs, il est auteur de l’affiche du salon du livre de Bondues, où il a récemment présenté son livre « Chaton sous la pluie 2 ».


 

 

 

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