30 ans de CAUE fêtés à Lille : le rôle du sage qui sait est de montrer la voie 16 décembre 2009

Les CAUE (Conseils d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement) se plaignent de l’isolement. Ils écrivent en 2008 dans leur brochure nationale, « Les CAUE ne sont pas ce que vous croyez ». Ils ont raison, mais au bout de 30 années d’existence, ils vont faire connaître leur bilan . Ils ont déjà à conseiller les acteurs de terrain, les élus, les partenaires de toutes sortes, au moment où approche le très novateur Grenelle de l’Environnement. A conseiller et surtout à interroger sur leurs réelles volontés.

Le CAUE n’est pas Google. C’est une loi du 3 janvier 1977 qui crée ces CAUE. Le ministre d’alors, Michel d’Ornano, porte déjà le titre de ministre de la Culture et de l’Environnement alors qu’une petite poignée de germanistes à peine, connaît le mot Ecologie. Personne ne fait attention à tout cela, ni au fait que l’architecture militante, dont est né le courant d’idées menant à ces CAUE, est un produit du bouillonnement d’idées nées en 1968. Bref, c’est un Giscard visionnaire qui associe Culture et Environnement. 30 ans après, les CAUE, et surtout celui du Nord, ont respecté l’esprit dans lequel désormais, il fallait penser en termes globaux, l’habitat dans son espace via les nécessités et le choix des hommes. Mais il faudra encore du temps pour, même dans les rangs des professions étroitement liées au bâtiment, on cesse de prendre les CAUE pour Google…Non, ils ne répondent pas d’emblée aux questions impatientes, immédiates et pratiques. Oui, ils renvoient le questionneur à l’essence même de son projet, à sa pertinence et son utilité, avant même les prémices de la construction elle même. Les CAUE conseillent, mais en amont. Forts de 30 ans d’observation de l’espace qui se modifie sans cesse, des traditions et du patrimoine recensé et analysé, de l’évolution des techniques, de l’état des ressources, et de l’obligation de mêler tout cela, ils deviennent via leur forte puissance de fédération des hommes et des structures (élus nationaux, territoriaux, intercommunaux, locaux, structures publiques, professionnels du bâtiment et des filières de la nature et de l’environnement, associations les plus hétéroclites…) le sage qui montre dès aujourd’hui la voie à suivre, et sans attendre la date fatidique de 2012.

Bernard Derosier a retracé 30 ans de CAUE avec le président Serge Van Der Hoeven.

La politique dans son vrai rôle : innover et accompagner. Créé par le département du Nord, la loi l’a ainsi voulu pour tous les CAUE, celui du Nord occupe un place particulière. D’abord par la qualité et la force de sa relation avec le Conseil général. Le 3 décembre 2009 , le président Bernard Derosier a évoqué quelques moments de cette relation, 30 ans après. «  Le CAUE nous fait rêver  » dit-il. Il le présida à ses débuts. Lui qui attend beaucoup de Copenhague, veut des décisions mais en même temps, reconnaît qu’on est encore «  A l’âge des projets ». Pendant ces 30 ans, le Conseil général a porté et accompagné le CAUE, le voilà à l’âge adulte grâce à ces liens de filiation institutionnelle. Via bien sûr la taxe assurant le financement, contenue dans la loi de 77. Elle dit qu’il faut prélever une taxe sur les permis de construire de chaque bâtiment , parce que les CAUE ne sont ni des administrations, ni des bureaux d’étude, mais des associations. Via aussi des liens de partenariats techniques comme «  Septentrion ». Ce programme d’étude naît en 2002, s’achève en 2007, il procède à une étude commune de l’environnement, en particulier en matière de villes fortifiées, entre tous les pays du Bénélux et le grand nord de la France. Le Département a tout coordonné, grâce au CAUE.

Bernard Derosier qui vient de recevoir le prix national des éco-maires, catégorie tourisme, pour son action en faveur des gîtes ruraux, ne se croise pas les bras : «  On va continuer. Mais aujourd’hui, le pari de la Culture n’est pas gagné d’avance. Mise en œuvre du Fonds d’Amélioration du Cadre de Vie ? Il y a 20 ans le CAUE nous avait suivis. Agenda 21 ? Nous allons y porter un nouveau regard. HQE ? Une nouvelle étape avec le développement durable, tout cela continue d’évoluer. La ville idéale n’existe pas par petits bouts épars. On a maudit certains architectes au lendemain de la guerre. Mais aujourd’hui, il y a dialogue entre toutes les parties.  » Tout cela est en danger, estime le président, c’est au CAUE qu’il l’a dit, «  Je reste déterminé à résister !  »

Une place à part. Mais si le CAUE du Nord est depuis quelques années cité en exemple en France, ce n’est pas seulement en raison de la personnalité combative et engagée du président du Conseil général. Mais du fait que sur cette terre industrielle, laborieuse, tant et tant de fois labourée par les engins de mort de la soldatesque, «  Il n’y a rien à faire pour un CAUE ». C’est en tout cas ce qu’un ancien a dit au jeune architecte Benoît Poncelet (aujourd’hui vice-président du CAUE) lorsqu’il a pris ses premières fonctions au CAUE du Nord vers 1997. Quelle curieuse idée pour un jeune archi , d’œuvrer pour un terroir définitivement « perdu », voué au travail et à la grisaille ! Pouvait-on parler d’architecture là où seules les usines et les basses masures de l’ouvrier rythmaient cette morne plaine, là où l’urbanisme se limitait à la seule question de savoir où loger la prochaine filature, quand les maires de Roubaix et Tourcoing, au temps jadis, s’enorgueillissaient de tracer les rues autour des usines ? Alors, il a fallu au CAUE du Nord plus de patience et d’acharnement qu’à d’autres en France, tirer une force de ces faiblesses, déceler de l’originalité là où il n’y avait apparemment que du banal. Cela forge le caractère et stimule l’imagination. L’environnement existait dans le Nord, mais on ne le voyait pas . Il était d’autant plus riche et prometteur que chaque caillou, brique et pavé, avait été témoin de la vie des hommes et du développement de leurs activités, et dès les temps les plus reculés. Un gros travail d’observation systématique a donc été fait sur le patrimoine et les ressources. Tout a été détecté, analysé, répertorié. Rien ne s’est fait ici sans les hommes, rien ne se fera sans eux. Le CAUE connaît enfin, 30 ans après, la trajectoire des transformations, il a identifié les marqueurs, il peut dire où aller à ceux qui vont ouvrir le grand livre du développement durable. Un processus nouveau qui fait que le CAUE du Nord est une sorte de leader national en la matière.

Le président du CAUE, Serge Van Der Hoeven, maire de Vieux Condé, conseiller général de ce canton et vice-président de la délégation culturelle de Valenciennes Métropole, défend avec fermeté ce lien entre architecture, aménagement de l’espace et culture. L’intérêt public prime le reste, c’est dans la loi. Il faudra aussi veiller à ce que le CAUE reste dans sa mission : « L’affirmation d’un nouveau monde encadré de normes et nourri de recettes empruntées à de multiples expériences, ne nous exonèrera pas de produire une intelligence collective, de se doter d’une culture commune. C’est la voie qu’a choisie de porter le CAUE du Nord qui, plutôt que de se disperser sur le terrain, a choisi de structurer son point de vue autour d’observations partagées.  »

Est donc réaffirmée la raison d’être du CAUE : observer, interpréter, éclaircir le sens, poser un pont qui relie l’émetteur au récepteur.

Patrick Urbain

- Le CAUE propose une exposition permanente « Saison 1 » (8 entrées de la ville nature) en son siège, 98 rue des Stations à Lille (métro Cormontaigne) 03 27 57 67 67 / www.caue-nord.com
- Une petite dizaine d’administrateurs du Club de la Presse NPDC a assisté à la soirée des 30 ans du CAUE du Nord.


 

 

 

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