Liberté de la presse : Mediacités poursuivi par deux fois par un promoteur immobilier lyonnais

, par communication@clubdelapressehdf.fr

L’entrave à la liberté de la presse prend une tournure exponentielle dans l’univers médiatique français. Hervé Legros, patron de l’entreprise Alila, intente deux procès au journal d’investigation national, à la suite des révélations de Mediacités sur « les coulisses » du succès du promoteur immobilier. Le site d’information y voit un « acharnement », et utilise le terme de « procès-bâillons »

C’est une première dont Mediacités se serait bien passé, comme il l’affirme sur son site internet. En effet, pour la première fois depuis sa création il y a six ans maintenant, une même personne ou une même institution le poursuit à deux reprises. Il s’agit selon Mediacités d’Hervé Legros, promoteur immobilier par son entreprise dont il est fondateur, Alila. Ainsi que, le 7 avril dernier, le média indépendant aurait reçu une nouvelle citation à comparaître devant la justice pour diffamation. La première avait été adressée au journal le 1er mars dernier, pour le même motif.

Certes, il s’agit de la première double poursuite, ou du moins venant de la même institution, mais il faut rappeler que le média n’en est cependant pas à sa première poursuite, loin de là. Fondé en 2016, le média enregistre déjà dix-huit procès à son actif. Mediacités affirme que six se sont terminés sans suite, et qu’il n’en avait perdu aucun. Pour le journal d’investigation, cette dernière en date laisse penser à une procédure-bâillon.

Plusieurs affaires autour d’Alila en ce début d’année

D’après Mediacités, le commencement de l’affaire résiderait dans le fait qu’Hervé Legros soit, depuis le début de l’année 2023, visé par une enquête judiciaire pour « harcèlement moral et abus de biens sociaux ». Toujours selon le média, lui et son épouse auraient même effectué une garde à vue en janvier dernier. Les révélations de Mediacités sur le 12e promoteur immobilier au niveau national ont fini par mettre en lumière les méthodes de celui qui était jusqu’alors présenté comme « un self‐made‐man à qui rien ne résiste », comme le dit le journal.

À la suite de ces révélations, Hervé Legros a assigné pour une première fois le média en justice pour diffamation. « L’enquête portait sur le fait d’un problème de factures non réglées, de la part du promoteur envers ses fournisseurs et sous-traitants ». L’avocat du PDG a déclaré, à la suite de cette première enquête, que ces informations auraient causés « un préjudice réputationnel considérable à Hervé Legros et à Alila ».

D’autres révélations ont par la suite été publiées dans la rubrique « Alila : l’envers d’une succès story » de Mediacités. Parmi elles, une longue enquête sur le supposé « management brutal d’Hervé Legros et sur son train de vie qui interroge ». D’après le site d’information, des anciens salariés du PDG auraient affirmé alors qu’il était pour le moins autoritaire. Et c’est pour ce long travail d’investigation que l’indépendant est assigné une deuxième fois par Hervé Legros et son avocat en justice pour diffamation, pour « atteinte à l’honneur et à la considération ».

« Objectif : faire couler le journal »

Même si ces procès sont dans la globalité gagnés par Mediacités ainsi que par d’autres journaux d’investigation, ces procédures ont un prix. Déjà, c’est exigeant en temps et en énergie, car le média doit bien souvent, comme le rappelle Mediacités, organiser sa défense, et prouver le sérieux et la justesse de son travail. Ce temps perdu est du temps en moins pour réaliser d’autres enquêtes, et selon le média visé, c’est le but de la stratégie de la « procédure-bâillon ».

Un prix aussi, forcément, financier. Toujours selon les intéressés, leur défense leur aurait coûté, depuis leur création, 40 000 € environ, soit le coût d’une cinquantaine d’enquêtes de même format que celle de la deuxième poursuite judiciaire. Et ceci, rappelons-le, sans aucune condamnation, mais il est bien souvent impossible de bénéficier de dommages et intérêts pour les médias, même lors d’une victoire au prétoire. De ce fait, d’un côté, les entreprises, beaucoup plus riches que des médias indépendants, affaiblissent leur cible même en perdant le procès.

Pour l’heure, concernant les deux procès intentés sur l’affaire Alila, Mediacités pourrait devoir 60 000 € de dommages et intérêts à l’entreprise d’Hervé Legros. Une somme étourdissante pour un média indépendant, qui se dit à l’économie « fragile ».

La liberté de la presse menacée

Dans ce contexte, il est bon de rappeler que les médias indépendants sont régulièrement visés par des poursuites judiciaires pour avoir fait leur travail d’investigation. Reflets-infos avait également été attaqué par le milliardaire Patrick Drahi, ainsi que Mediapart par l’homme politique Gaël Perdriau

Tout récemment, c’est le groupe Valgo qui a mobilisé le tribunal de commerce de Rouen pour bafouer la liberté de la presse. Le tribunal de commerce de Rouen a ordonné à des huissiers de fouiller les mails d’une entreprise accusée d’avoir transmis des informations au journal « Le Poulpe ». Le journal d’investigation sur l’agglomération rouennaise et la Normandie, « Le Poulpe », a publié en 2022 une enquête, remettant pour le moins en cause l’action du groupe Valgo. Le média a accusé, par ce travail journalistique, l’industriel de ne pas respecter ses engagements au niveau de la qualité de la dépollution sur le site de l’ex-raffinerie Petroplus. Une parution qui a eu des conséquences, Amazon a par exemple refusé de s’y implanter par la suite. Le journal n’a appris que des mois plus tard, et par la bande, qu’il était menacé par une procédure visant à identifier ses sources. Plusieurs médias et organisations de journalistes ont dénoncé dans une tribune cette atteinte manifeste au secret des sources, condition fondamentale d’un journalisme libre.


 

 

 

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