Aujourd’hui, dans la presse régionale - LES EDITOS DU WEEK-END - Samedi , dimanche, lundi - 8, 9 et 10 juillet 2006

Cela n’étonnera personne, les éditoriaux de ce week-end reviennent souvent sur le Mondial. C’était bien sûr avant de connaître le résultat de dimanche soir. Peu importe du reste, puisque les auteurs essaient de prendre du recul par rapport à la compétition en elle-même et à trouver des sens cachés sur notre façon de vivre.

Jules Clauwaert, dans « Nord Eclair » met l’accent sur la symbolique du drapeau. « Jamais, dit-on, on ne vit en Allemagne une telle floraison de drapeaux, comme s’il était désormais, et à juste titre, acquis qu’un peuple peut manifester son patriotisme, comme tout autre parmi ses partenaires européens, sans être soupçonné de retomber dans l’ornière du nationalisme. Il peut se comporter en gagneur sur un terrain de sport, sans être accusé de se conduire en dominateur, tenté d’abuser de sa puissance ». S’agissant de Zidane, « Nous lui saurons gré, tout simplement, écrit Jules Clauwaert, d’avoir donné aux jeunes générations cette image du football, école de volonté, mais aussi, entraînement à l’esprit d’équipe » Il conclut : « Nous ne doutons pas qu’en toutes choses, il continuera de se montrer digne de sa renommée ».

Patrick Jankielewicz, pour « La Voix du Nord » cite Saint-Exupéry : « Aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction ». Et de commenter : [« Si Saint-Exupéry avait raison, qu’est-ce qu’on s’aime en France depuis quelque temps ! ». Plein d’espoir, il tente cette explication : « Ce n’est pas qu’on soit devenus fous de foot, tous. C’est juste qu’on avait besoin d’un prétexte pour se rassembler, pour se parler, pour se sourire ; un prétexte pour échanger avec de parfaits inconnus, pour découvrir les voisins d’en face qu’on imaginait renfrognés et qui se révèlent si sympathiques… ». Mais derrière l’espoir, le journalisme retrouve son réalisme cru. « On aimerait tant que cela continue lundi, quel que soit le résultat de la veille », soupire-t-il. Las. « rien n’est moins sûr. L’élan de 1998 n’a pas débouché sur grand chose (…) On évoquait alors le triomphe de l’intégration « black, blanc, beur » à la française. La télé éteinte, on a vite zappé… » Aujourd’hui, dit-il encore, « avec la crise des banlieues, une situation économique qui inquiète, un délabrement de la vie politique… La France est comme Zidane, elle a connu sa traversée du désert,, elle doute, elle cherche les ressources du sursaut. ».

Dans La Croix du Nord, Bernard Podvin s’étonne : « En quelques jours, les Bleus qui n’étaient que des bœufs sont devenus des dieux. ». Reconnaissant la montée en puissance de l’équipe de France au fil de la compétition, il comprend néanmoins l’évolution de l’opinion. « Mais, prévient-il, mon propos ne se veut pas footballistique. Comme j’aimerais que semblable engouement se traduise en d’autres domaines plus importants que la course de vingt-deux joueurs après un ballon (…) Comme j’aimerais que l’été soit porteur d’une véritable catharsis. Car il y aurait matière à mobiliser les générosités et les espérances. ». En fait, le père Podvin souhaite que l’on mette à profit la période estivale pour réfléchir à des sujets graves comme le déficit public. Et il nous invite à lire… François de Closets. Saint-Exupéry, François de Closets : à chacun ses références et ses aspirations. A chacun ses saints.

« Vive l’entraîneur ! » s’exclame pour sa part Olivier Lepoutre, encore dans « La Croix du Nord » qui ne lésine pas sur les éditos. Cette fois, l’éditorialiste se sert du Mondial pour évoquer le rôle de Jacques Chirac. « Et si la fonction de président de la République était d’abord et avant tout celle d’un entraîneur de foot ? …) Chirac, dans son intervention télévisée a joué à fond ce rôle de coach… quitte à paraître totalement déconnecté des réalités du terrain aux yeux de l’opinion » écrit-il. « Or la difficulté particulière de cet entraîneur là, c’est qu’il doit aussi se préoccuper du moral des gens qui ne sont pas que supporters, pas même réduits au rôle de spectateurs, parce qu’ils sont aussi acteurs. Et même électeurs  », rappelle-t-il.

Le moral des Français fait aussi causer Jean-Jacques Jugié, dans « La Gazette Nord - Pas de Calais ». Le moral qui revient grâce au foot, bien sûr ! « On sait désormais que ses résultats (ceux du foot - ndlr) influencent considérablement l’activité économique : lorsque la fierté nationale est caressée dans le sens du poil, nos concitoyens claquent volontiers leurs sous », assure-t-il. « Ainsi, poursuit-il, le Français est peut-être une bonne grenouille de la météo économique, mais il est aussi peu doué que la cigale de la fable pour exploiter ses facultés divinatoires ». Heureusement, J.J Jugié nuance son propos. Les ménages demeurent en effet circonspects face à l’évolution de leurs finances personnelles. D’après l’Insee. Mais, ils estiment que le chômage va continuer à se réduire, en phase avec les prévisions officielles. Et là, l’éditorialiste de La Gazette est aux anges : « Voilà au moins un sujet sur lequel l’opinion et le gouvernement se retrouvent d’accord, preuve que tout ne va pas si mal que ça dans le pays… ».

Qu’en pense Dominique Watrin, dans « Liberté 62 » ? Il se désole en relisant les propos du ministre du budget : « Avoir une bonne équipe de foot, qui fait des matchs aussi exceptionnels, c’est bon pour le moral des Français. Et comme le moral est un moment clef dans la conjoncture économique, cela vient s’ajouter au reste. C’est bon pour la croissance ». « Affligeant », juge Dominique Watrin pour qui « Cette majorité n’en est d’ailleurs pas
à une contre-vérité près. »
Et il cite encore : « Jean-Louis Borloo exultait lundi en annonçant… une baisse du chômage en mai ! En oubliant bien sûr que le recul de 48 000 demandeurs d’emploi était uniquement un effet statistique lié aux radiations massives (36 190 en mai) et à la non-comptabilisation des 45 639 nouveaux demandeurs d’emploi bénéficiaires d’une dite « convention de reclassement personnalisé ».

Jean-Louis Bouzin, dans « Liberté Hebdo » se fend d’un copieux « Villepingre » pour épingler le « royal 2% » dispensé « aux demandeurs d’emploi dont les allocations n’avaient pas augmenté depuis deux ans. Autrement dit, écrit le rédacteur en chef de l’hebdomadaire communiste, le pouvoir d’achat des chômeurs est délibérément réduit puisque les prix ont augmenté de plus de 2% depuis deux ans. ». Il ne s’arrête pas là et dénonce la « pingrerie »] de M De Villepin qui annonçait, lundi, « la création d’un congé de soutien familial », congé durant lequel les salariés ne toucheraient pas leur salaire ! Ce congé, juge-t-il, « revient pour ce gouvernement à se décharger de la prise en charge des personnes âgées sur les familles ». Et il s’interroge sur ce qu’est devenu « l’argent du lundi de Pentecôte travaillé qui devait justement financer une vraie politique de prise en charge de la dépendance. »

Philippe Allienne


 

 

 

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