BENCHICOU EST LIBERE (14 juin 2006)

Après deux années d’incarcération, le directeur du quotidien algérien « Le Matin », Mohamed Benchicou, est sorti ce matin à 11 heures, sous les acclamations et les cris de joie. Une foule d’amis l’attendait à la porte de la prison d’El Harrach et l’ont accompagné jusqu’à la place de la Liberté de la presse.

Jointe au téléphone peu après la sortie de Mohamed Benchicou, son épouse, Fatiha, ne prend même pas la peine de vérifier à qui elle a affaire. Elle hurle sa joie et parle de « jour de réussite ». Elle s’interrompt pour lancer un long et vibrant youyou. Mohamed est à ses côtés. Il se dirige vers la place de la Liberté de la presse où il était attendu avec les membres du comité qui porte son nom. Il y a rendu hommage aux journalistes assassinés par les terroristes islamistes.

A partir de 12h30, il était attendu à la maison de la presse Tahar Djaout afin d’y remettre le prix Benchicou de la plume libre au journaliste marocain Ali Lamrabet et au journaliste algérien Bachir Laârabi ».

Mohamed Benchicou aura donc purgé la totalité de sa peine. Officiellement, il avait été condamné pour une affaire de trafic de « bons de caisse », des reçus bancaires trouvés dans sa mallette lors d’un contrôle à l’aéroport d’Alger, alors qu’il rentrait d’un voyage en France. La direction des douanes algériennes elle-même avait alors assuré que M Benchicou n’avait commis aucun délit, ces bons de caisse n’étant en aucun cas négociables à l’étranger.

En fait, M Benchicou était depuis longtemps dans le collimateur du pouvoir. Le journal qu’il dirigeait et dans lequel il publiait des articles très critiques, Le Matin, indisposait les autorités. Le ministre de l’Intérieur avait juré qu’il lui ferait payer des révélations le concernant. Enfin, la publication du livre, « Bouteflika : une imposture algérienne », peu avant la présidentielle de 2004, ne peut laisser aucun doute sur les réels motifs qui lui auront valu une aussi longue peine.

Depuis ce mercredi 14 juin, Mohamed Benchicou est libre. Mais, comme le signalent nos confrères algériens, au même moment, d’autres journalistes comparaissent devant le tribunal d’Alger pour diffamation. Par ailleurs, durant ces deux dernières années, le directeur du « Matin » a été extirpé à de très nombreuses reprises de sa cellules afin de comparaître devant les juges pour des délits de presse. Et il a accumulé d’autres condamnations.
Enfin, le quotidien « Le Matin » ne paraît plus depuis deux ans.

En Algérie, la presse souffre plus que jamais. « L’aventure intellectuelle » de 1990, et qui avait vu l’avènement de la presse privée et l’éclosion de titres, est aujourd’hui bien loin. Les textes de loi, les pressions politiques et financières ont rattrapé la volonté de liberté exprimée au lendemain de la crise de 1988.

Philippe Allienne

Liste des journalistes condamnés à despeinesde prison ferme :

Inaugurée en 2005, la liste des journalistes condamnés à la prison ferme ne cesse de s’allonger. A ce jour, ils sont au moins vingt journalistes à avoir écopé d’une année à 2 mois de prison ferme. Ayant fait appel à ces sanctions, la plupart de ces journalistes ne sont pas éligibles à la décision de grâce présidentielle, annoncée le 2 mai 2006.

Il s’agit de :

Farid ALILAT (1 année), Fouad BOUGHANEM (1 année), Sid Ahmed SÉMIANE (1 année), Kamel AMARNI (1 année), Ali DILEM (1 année), Malika BOUSSOUF (6 mois), Hakim LAALAM (6 mois), Nacer BELHADJOUDJA (6 mois), Mohamed BENCHICOU (en prison depuis 2004) (5 mois), Yasmine FERROUKHI (3 mois), Youcef REZZOUG (3 mois), Djameleddine BENCHENOUF (3 mois), Abla CHERIF (2 mois), Badis MASSAOUI (2 mois), Hassane ZERROUKY (2 mois), Ghanem KHEMIS (2 mois), Abdelkader DJEMAA (2 mois), Abder BETTACHE (2 mois), Chouireb Mohamed Benhamed (3 mois), Hadj Daoud Nedjar (6 mois).

A cette lise s’ajoute le cas de :
- Bachir LAARABI : incarcéré pendant un mois suite à une exécution d’une condamnation pour diffamation.
Kamel Bousaâd et Berkane Bouderbala : mis sous mandat de dépôt pendant 3 semaines, avant d’être relâchés et mis sous contrôle judiciaire.
- Mourad M’hamed : mis sous contrôle judiciaire après avoir subi un interrogatoire musclé dans un commissariat de police, selon son témoignage à la presse.

En outre, 5 directeurs de journaux sont poursuivis, à ce jour, dans pas moins de 88 procès pour délits de presse. Il s’agit de :
- Mohamed Benchicou (32 procès - son journal a cessé de paraître).
- Fouad BOUGHANEM (13 procès)
- Ali DJERRI (11 procès)
- Omar BELHOUCHET (10 procès)
- Hadj Daoud NEDJAR (22 procès - son journal a cessé de paraître).

Source : Comité Benchicou


 

 

 

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