Invité du Club de la presse,

Chevènement livre son « diagnostic » sur la France

A la colère et l’indignation, Jean-Pierre Chevènement préfère « le diagnostic juste » : l’échec des politiques libérales « court-termistes », du G20 transformé en « GO » et des Etats européens pris « dans la main des marchés financiers ». Le président d’honneur du Mouvement républicain et citoyen (MRC) était l’invité du Club de la presse, lundi 7 mars.

lundi 07 mars 2011, Jean-Pierre Chevènement était au Club de la presse Nord - Pas de Calais

Il s’amuse avec les objectifs des photographes, prend le temps de répondre à un confrère de la télé, plaisante avec les journalistes et les étudiants venus le rencontrer, alternant ironie et bons mots. L’ancien ministre, 72 ans, dont plus de quarante au cœur de la vie politique française, semble goûter avec un brin de malice au devant de la scène.

Le sénateur de Belfort perd son sourire quand il livre son « diagnostic » sur la situation de l’Europe et de la France, dont il « ne pense pas qu’elle est finie », comme le laisse entendre le titre de son dernier essai (1). Cependant, l’ancien ministre, qui a quitté le parti, en veut encore beaucoup à ceux de ses anciens camarades – « certains socialistes devenus des socio-libéraux » - qui se sont laissé « convaincre » par « une vision court-termiste » en accompagnant « le capitalisme financier extrêmement dur qui met en concurrence les pays ». « "La parenthèse libérale" évoquée par Lionel Jospin n’a jamais été refermée », constate Jean-Pierre Chevènement.

« Je ne suis pas contre l’Europe ; je critique la méthode »

Dans son ouvrage, il se livre à une plongée dans les années 1980, évoquant Thatcher et Reagan pour expliquer « les cycles de la dérégulation néo-libérale ». C’est le même processus qui a conduit à l’Europe d’aujourd’hui, souligne le sénateur : « Je ne suis pas contre l’Europe ; je critique la méthode : on a confondu acquiescement au libéralisme et construction européenne », affirme-t-il. « Le libéralisme est devenu la philosophie maîtresse des institutions européennes, qui les conduit à proscrire les aides des Etats aux industriels par exemple ».

Dans le contexte actuel de crise économique, Jean-Pierre Chevènement fustige les plans d’austérité européens : « On prête à la Grèce à 12 % quand on prête à l’Allemagne à 2,9 % ou à la France à 3,2 %. (…) Les Etats sont sur la sellette. Les marchés financiers ont repris leur danse du scalp autour des Etats les plus endettés », lance « le Che », dans un jeu de mots dont il est friand. Quant au G20, « c’est un GO, un Gentil Organisateur, qui n’arrive pas à faire respecter ses décisions ».

« Il est facile de s’indigner »

Bref, le diagnostic du citoyen Chevènement est sévère : « ne croyez pas ceux qui vous disent que la crise est derrière nous ». Le remède ? « La croissance » plutôt que « l’austérité », « une Europe qui ne soit pas une Europe libérale », et un « nouveau modèle de développement contrôlé par les Etats, les Etats-Unis, la Chine, la France, seul pays en Europe à pouvoir tempérer les excès de rigorisme de l’Allemagne. (…) On a le droit de vouloir défendre notre modèle social ».

Jean-Pierre Chevènement, président d’honneur du Mouvement républicain et citoyen (MRC) et Philippe Allienne, Président du Club de la presse Nord - Pas de Calais

Jean-Pierre Chevènement « garde pour (lui) la colère et l’indignation. Elles nourrissent (son) ironie ». « Il est très facile de s’indigner. Il faut comprendre et agir. Mais comprendre d’abord », répète-t-il, avant de renvoyer à son essai : « comment s’en sortir, c’est l’objet de mon livre ».

Du Club de la presse, comme plus tard au Furet du Nord, à Lille, ou devant les étudiants de l’Edhec, à Roubaix, Jean-Pierre Chevènement s’est adressé autant aux « citoyens » qu’à la gauche. Jean-Luc Mélenchon et le Front de gauche ? « Très bon pour la colère et l’indignation », dit l’ancien ministre socialiste de son ancien collègue du gouvernement. « Mais je suis un peu réservé (sur sa candidature à la présidentielle, ndlr) ».

Présidentielle : « candidat en désespoir de cause »

L’essai de Jean-Pierre Chevènement servirait-il de socle d’une campagne présidentielle en 2012 ? « Je n’aurais pas grand-chose à changer par rapport à la campagne que j’ai menée en 2002 », ironise-t-il. « Je ne suis pas candidat par plaisir. Je serais candidat en désespoir de cause », poursuit le fondateur du MRC.

Ancien ministre socialiste, ancien adhérent de la SFIO qui participa à la négociation du programme commun de la gauche en 1972 et rédacteur du projet socialiste de 1980, Chevènement conseille aux partis politiques de « s’interroger sur les raisons pour lesquelles ils s’éloignent des classes populaires ». Toujours « républicain », le sénateur milite pour « une gauche unie (…) autour d’une ligne ferme ». « On ne se sauvera pas avec un candidat, prévient-il, mais avec une équipe, une volonté, un mouvement. Encore faut-il une consultation effective et un débat de fond ».

Mathieu Hébert

(1) « La France est-elle finie ? », Ed. Fayard, janvier 2011, 19 euros

« Obscures tractations » autour des otages en Afghanistan

Ancien ministre de la Défense, Jean-Pierre Chevènement plaide pour un départ programmé des forces françaises d’Afghanistan, à l’instar des Américains et des Britanniques. « Cela doit se faire en harmonisation avec eux », a indiqué le sénateur du Territoire de Belfort, qui est aussi vice-président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées au Sénat.

Interrogé sur la stratégie de la France dans la libération des journalistes français Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, retenus avec leurs trois accompagnateurs depuis décembre 2009 par les talibans, Jean-Pierre Chevènement se félicite du fait qu’« ils (soient) vivants », mais n’en dit pas beaucoup plus. « Je sais par expérience que ces affaires sont extrêmement difficiles : ce sont d’obscures tractations , qui font intervenir des services étrangers et des intermédiaires quelquefois douteux », a-t-il rappelé. « Mais l’essentiel, c’est le résultat ».

M.H.

Jean-Pierre Chevènement a signé le livre d’or du Club de la presse Nord - Pas de Calais pour soutenir les journalistes otages en Afghanistan :"Mobilisons-nous pour que vos confrères ne soient pas oubliés et que leur libération puisse intervenir par l’effet d’une politique intelligente."
Parmi le public : les journalistes de la presse régionale et de nombreux étudiants de l’Efap Lille Europe


 

 

 

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