Cité Philo : pour que la gauche reste à gauche 19 novembre 2009

Après avoir lancé « l’appel des appels », « pour une insurrection des consciences », Cité Philo s’attaque au mythe de la gauche. Mais peut-être s’efforce-t-elle plutôt de restaurer un mythe qu’elle juge détruit par le temps.

« L’appel des appels », lancé lundi par Roland Gori et Serge Portelli, s’adresse aux professionnels du travail social de la justice de la culture… et de l’information. Il les invite à rejoindre le mouvement pour s’opposer « à la transformation de l’Etat en entreprise », « au saccage des services publics » et « à la destruction des valeurs anthropologiques majeures de solidarité, de liberté, de justice et de responsabilité ».

La conférence sur « que signifie être de gauche ? », mercredi soir à Lille, renvoie aux valeurs républicaines, celle de la révolution de 1789, une gauche suspectée d’avoir trop souvent cédé aux compromis de la lutte pour le pouvoir.

Trois intellectuels, le philosophe Jean Michel Salanski, l’historien Vincent Duclerct et le sociologie Philippe Chanial se sont succédés au chevet d’une gauche pourtant reconnue « en assez bonne santé ». Jean Michel Palanski le rappelle : « la gauche jouit de bons scores électoraux, elle dispose d’une capacité de contestation forte et elle s’appuie sur un monde d’intellectuels sans cesse renouvelé ». Mais elle subit en même temps le doute de ceux qui la portent et hésitent à lui confier les rênes du pouvoir.

Les trois intervenants appellent la gauche à retrouver ses valeurs propres pour regagner le peuple de ceux pour qui ces valeurs sont fondamentales. En même temps, tous trois font fi d’une gauche souvent qualifiée de « plurielle  » mais qu’ils réduisent volontiers au seul parti socialiste, élément central d’une gauche, bordée à sa droite par des réformateurs qui ne se conçoivent que comme une force d’alternance politique et à sa gauche par ceux qui veulent une modification en profondeur des règles sociales et politiques.

Alors quelles sont, ou quelle devraient être, les valeurs d’une gauche régénérée ? Pour Jean Michel Salanski, c’est d’abord le principe d’égalité qui fonde la gauche. « La liberté et la fraternité sont des valeurs partagées par la droite ». Or, la gauche se serait laissée convertir aux vertus de la compétition, et partant de l’inégalité. Il faut en revenir à une notion d’égalité, non pas d’égalitarisme. La compétition entre individus justifie les différences mais elle doit fonder l’échange, le don de ceux qui ont gagné, matériellement ou intellectuellement, et le refus de la relégation des perdants.

Historien, Vincent Duclert note que la gauche a vraiment été elle-même lorsqu’elle a obéi à ses choix idéologiques et à son sens de la justice. Il cite l’affaire Dreyfus, la guerre d’Algérie ou Mai 1968, autant d’événements qui ont permis à la gauche d’exister sur un fondement idéologique et non pas comme une simple alternative politique à la droite.
Philippe Chanial ne pouvait qu’abonder dans ce sens. « Il y a aujourd’hui, dit-il, un divorce entre la gauche et les socialistes ». Pour lui le fondement d’une gauche se situe dans la démarche « associationniste  » celle du lien social et de la solidarité. Il s’agit de réconcilier l’émancipation et l’autonomie des individus, condition de leur liberté, avec la solidarité et le retour aux liens sociaux noués entre les citoyens.

Encore faut-il mettre ces beaux principes en œuvre. Le mot de la fin revient peut-être à Jean Michel Salanski : « les philosophes n’ont pas la capacité à déchiffrer les volontés transposables », comprenez le jargon : s’il s’agir de transformer les idées en actes, en décisions et en compromis, il ne faut plus guère compter sur l’apport des philosophes. Que messieurs les politiques se débrouillent avec ça…

RV

* Cité Philo se poursuite jusqu’au 29 novembre.
Dimanche 22 novembre : journée Berlin.
Programme : www.citephilo.org


 

 

 

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