La pandémie de Covid-19 a fragilisé la liberté de la presse. L’indépendance des médias n’est pas seulement menacée dans les pays notoirement répressifs. Un peu partout dans le monde, plusieurs États profitent de la crise sanitaire pour renforcer leur contrôle sur l’information. La Chine et la Hongrie n’ont par exemple pas tardé à serrer la vis.
« Étant donné que les circonstances ne sont pas ordinaires, des difficultés et des restrictions particulières peuvent se justifier, mais toute restriction doit être soigneusement pesé, analyse Denis Masmejan, un des secrétaires généraux de Reporters Sans Frontières. C’est précisément dans les périodes de crise comme celle que l’on vit, que les libertés publiques sont plus que jamais importantes ».
Un site de vigilance
En réaction, Reporters Sans Frontières a récemment lancé l’Observatoire 19, un site internet qui évalue les impacts de la pandémie sur le journalisme. Ce dispositif a mis en lumière de nombreuses atteintes à la liberté de la presse. « Les pays qui ont adopté les mesures les plus répressives étaient déjà problématiques en temps normaux, comme on le constate dans notre classement mondial de la liberté de la presse, analyse Denis Masmejan. Ceci nous amène à dire que la crise a démultiplié des failles et des problèmes préexistants ».
La Chine en est un exemple. Dans ce pays, l’information est totalement contrôlée depuis des années, notamment grâce aux nouvelles technologies. Le pouvoir chinois s’est empressé de faire taire les signaux d’alerte émis au début de la crise, ce qui a considérablement retardé la prise de conscience de la population et l’adoption de mesures pour endiguer la crise. Cela montre que le droit à la santé passe aussi par un droit à l’information libre, critique et indépendante.
Cinq ans de prison
Autre exemple avec le Parlement hongrois, qui a approuvé une loi qui prévoit des peines de cinq ans de prison pour diffusion de « fausses nouvelles » sur le virus ou les mesures du gouvernement. « Cette loi exploite des phénomènes dans l’air du temps pour créer une infraction dans le code pénal, réagit Denis Masmejan. Il s’agit d’une atteinte massive à la liberté de la presse. Elle est particulièrement préoccupante parce qu’elle se cache derrière une action, la lutte contre les fake news, actuellement assez valorisée ».
L’Irak a de son côté ordonné la fermeture du bureau de Reuters, parce que l’agence avait publié une dépêche critique sur le décompte des cas fourni par les autorités. Enfin, en Italie, un journaliste qui a enquêté sur les liens entre la crise sanitaire et la mafia a reçu des menaces.
M.P