Interview

Dominique Didier - Coordinateur de « Seva » pour la métropole lilloise - 18 décembre 2003

Dans la vie, vous êtes pompier professionnel. Qu’est-ce qui vous a amené à vous investir pour les sans domicile fixe ?

Tout a démarré en 1994. Avec quelques amis, nous avions rencontré les associations « Lumières de la rue » et « Seva ». C’était à Paris, à la gare du Nord. Elles travaillaient ensemble pour servir des repas aux « SDF ». En les voyant faire, nous nous sommes dit qu’une telle initiative serait utile à Lille. Après quelques hésitations, nous avons foncé. Nous avons démarré avec une table à tapisser et une marmite de soupe !

Et la soupe a pris très vite ?

Nous avons rencontré les sans-abri qui « squattaient » la gare de Lille Flandres. Nous leur avons expliqué que nous servions des repas chauds sur le parvis Saint-Maurice. Ils sont venus petit à petit. Au départ, ils étaient une dizaine. Nous avons alors commencé à nous faire connaître auprès d’associations comme l’Abej. Aujourd’hui, nous servons entre 60 et 120 repas chaque dimanche. Nous avons finalement rejoint l’association Seva. Nous faisons école puisque Seva envisage maintenant de créer des antennes à Clermont-Ferrand et à Toulouse.

Au vu de votre expérience, comment percevez-vous le monde de la rue ?

D’abord, les sans-abri sont de toutes origines sociales. .Leur situation n’est pas forcément la conséquence d’un problème d’argent. Elle résulte souvent d’un problème émotionnel : éclatement d’une famille, séparation, rejet d’un enfant, etc. Cela donne un monde hétéroclite, très dur et très ambigu. On y trouve à la fois de la violence, un grand esprit de solidarité et un comportement mafieux.

Votre association prend-elle en compte cette ambiguïté et cette violence ?

Oui. Cela entre dans le cadre de l’une de nos vocations : la défense des valeurs humaines. On essaie de faire comprendre qu’il faut respecter un minimum de règles, que l’on ne vit pas dans un monde sans foi ni loi. Mais ce n’est pas si simple. Si les SDF refusent d’aller dans les foyers, c’est qu’ils craignent d’être victimes de la violence des autres. A l’intérieur, on ne se fait pas de cadeaux. On vole les vêtements, la nourriture, les papiers… Et puis, il faut savoir que les tares de notre société sont accentuées dans celle des gens de la rue. Le délit de « sale gueule » y est une réalité. Un SDF particulièrement fragile, handicapé par exemple, sera la cible des autres. Cette violence s’ajoute à cette de la société (la notre) : ces personnes n’ont quasiment aucune chance de trouver un travail et de s’insérer. Quelles sont les chances d’un SDF « de longue durée », de surcroît handicapé ou peu instruit, de s’inscrire dans un dispositif RMA ? La violence existe tant à l’intérieur (chez les SDF) qu’à l’extérieur.

Etes-vous une association confessionnelle ?

Non. Nos statuts précisent que nous respectons et prenons en compte toutes les opinions et toutes les religions. Sans oublier la laïcité. On retrouve cela dans notre sigle. L’ensemble des symboles religieux ou confessionnels y figure. Une case blanche symbolise la laïcité. Et en bas, vous trouvez la signature de l’abbé Pierre qui cautionne ainsi notre position.

Que peut-on faire pour soutenir davantage votre action ?

Nous entrons dans l’hiver. Les gens nous apportent souvent des vêtements. Les bons sentiments ne suffisent pas. En hiver, les sans-abri n’ont pas besoin de chemisettes. Ils ont besoin de vêtements chauds : bonnets, gants, moufles, pantalons, vestes, sous-vêtements, etc.


 

 

 

La Vie du Club

ESPACE PRESSE