Dominique Dupilet : « L’avenir du Nord appartient au Pas-de-Calais ! »

Dominique Dupilet, président du Conseil général du Pas-de-Calais, était invité au Club de la presse pour un débat, lundi 12 février. Une occasion pour lui de balayer les grands dossiers d’actualité, de préciser les orientations qui guideront le département dans l’avenir et de répondre aux questions des journalistes.

(Photo à gauche : Eric Pollet)

« Dans les dix ans qui viennent, la chance du Nord-Pas de Calais sera le Pas-de-Calais », lance en forme de boutade le président du Conseil général, précisant d’entrée de jeu « être venu à Lille avec beaucoup d’humilité ». Celui qui préside aux destinées du cinquième département français « veut montrer au pays que si Lille existe, il y a aussi d’autres territoires dignes d’intérêt dans cette région ». Même si les clichés ont parfois la vie dure, Dominique Dupilet défend les atouts de son département qui « ne veut plus être regardé avec cette gentillesse qu’on accorde aux petits ». D’ailleurs, la deuxième phase de la grande campagne d’images engagée dans la presse nationale va débuter. Objectif principal : séduire les décideurs et améliorer la notoriété du département le plus jeune de France.

(Photo : Eric Pollet)

La première phase de cette campagne s’est notamment traduite par des diffusions d’encarts dans la presse nationale (Le Monde, Libération…) deux fois par semaine pendant plusieurs semaines. Elle a aussi donné lieu à une campagne de communication… sur la campagne de communication. Des journalistes de la région, entre autres, ont ainsi reçu systématiquement par courrier les numéros du Monde et de Libération comportant les encarts en question. « Tout est-il communication à ce point ? », s’est interrogé quelqu’un dans la salle. Il s’agissait de « vous prendre un témoin », répond Dominique Dupilet, histoire de savoir si « les messages que nous avons lancés étaient toujours pertinents. »

« Un département fait de grands espaces »

« Nous sommes un département fait de grands espaces, constitué de 894 communes, dont 600 appartiennent au monde rural. C’est ce qui va nous booster dans les prochaines années », explique celui qui a succédé à Roland Huguet à la tête du Département en 2004.
A force de parler de relief et de talents du Pas-de-Calais (« Le relief des talents » est le nouveau slogan du département), il aimerait ancrer de nouveaux réflexes dans le crâne de ses administrés et leur faire retrouver une fierté d’habiter « l’autre département de la région ». Car l’enjeu est là. L’année 2006 a permis au Conseil général du Pas-de-Calais « de poser les fondations de la territorialisation et de la contractualisation avec les premières intercommunalités, en engageant les réflexions sur le projet stratégique départemental ».
Territorialisation et contractualisation sont les deux maîtres-mots de ce Boulonnais âgé de 63 ans, resté pendant dix ans à la présidence d’Espace Naturel Régional et qui présida neuf ans après le parc régional des Caps et Marais d’Opale. Cet ancien maire de Wimereux et ancien député de la sixième circonscription explique au passage qu’il a « appris par la presse en 2004 que Jack Lang briguerait la sixième circonscription ! » (1)

(Photo : Gérard Rouy)

Il explique axer sa nouvelle politique de développement sur la notion de territoires. « On ne peut pas travailler seul à la tête d’un Conseil général. On doit tenir compte de l’avis de tous ses collègues », précise-t-il en poursuivant : « Un conseiller général est élu sur son territoire, sur son nom, au terme d’une campagne électorale qu’il a menée personnellement. C’est le suffrage universel direct qui nous procure ainsi notre légitimité. »
« Comment adapter notre politique générale aux spécificités de chacun de nos territoires et faire en sorte que la politique départementale ne se décide pas une et indivisible ? » Le Conseil général a créé neuf territoires, « parce qu’on ne réagit pas de la même façon dans le bassin minier que dans le Montreuillois », explique-t-il. Depuis 2006, le département a donc contractualisé avec les intercommunalités. Le premier contrat a été signé avec la Communauté d’agglomération d’Hénin-Carvin, le 26 juin 2006. Depuis, huit autres « contrats territoriaux de développement durable » ont suivi. Il n’en reste plus que… 31 à signer en 2007.
« Nous sommes là pour partager des projets, non plus pour subventionner, et parfois à fonds perdus, des opérations ponctuelles ». Le projet stratégique départemental, qui doit faire l’objet d’une large concertation en 2007, servira de clef de voûte aux interventions publiques du département.

Mauvais temps, chômage, passé industriel…

(Photo : Eric Pollet)

Même si la voie est tracée, les obstacles seront encore nombreux : les images et les clichés ont la vie dure. D’après une enquête récente, le mauvais temps, le chômage et le passé industriel caractérisent encore le département dans la tête de beaucoup et l’affaire d’Outreau (2) n’aura pas contribué à les atténuer. Et puis il y a les nombreux bras de fer entre l’Etat et les départements, à propos des transferts de moyens liés à la décentralisation. D’où les « coups de gueule » du président. Marie-Candice Delouvrié, journaliste au bureau d’Arras de France 3, qui co-animait le débat, a ainsi rappelé qu’il était « allé jusqu’à amener une vache devant la Préfecture », histoire de rappeler à l’Etat que les collectivités ne sont pas des vaches à lait. Faut-il y voir une stratégie pour assurer des retombées dans la presse ? « C’est vous [les journalistes, NDLR] qui choisissez les sujets », remarque Dominique Dupilet… qui n’ignore sûrement pas, cependant, que les journalistes sont souvent plus sensibles aux coups d’éclat. « Nous subissons un traitement différencié de l’information entre le Nord et le Pas-de-Calais », ajoute-t-il, visant en priorité les médias régionaux ayant leur siège à Lille (La Voix du Nord, France 3, France Bleu…).

Récemment, Dominique Dupilet a fait parler de lui en décidant de taxer les radars automatiques, en dénonçant la rétrocession des routes nationales aux départements ou encore en suspendant les contrats d’avenir (3). Il s’agit là, comme pour Bernard Derosier dans le Nord il y a quelques mois, de protester contre les missions supplémentaires fixées par l’Etat aux départements, sans que les moyens alloués ne suivent. Sur ce dernier point, Bernard Derosier aurait estimé que son collègue du Pas-de-Calais s’était « fait endormir par les belles paroles de Jean-Louis Borloo ». « J’y ai cru », reconnaît Dominique Dupilet. Et sur le fond ? « Soit nous prenions en otage les 563 personnes en voie de réinsertion, soit nous prenions en otage l’ensemble des contribuables du Pas-de-Calais en augmentant les impôts, palliant ainsi aux manques de financements de l’Etat. En 2007, l’Etat devra au département du Pas-de-Calais 106 millions d’euros, soit plus de 26 points de fiscalité ! »
On devrait en savoir un peu plus lors des séances plénières consacrées au budget des 19 et 20 février prochains, au cours desquelles le Conseil général présentera officiellement son projet stratégique.

Thierry BECQUERIAUX

(1) Interrogé sur les libertés avec la réalité que prend parfois Jack Lang dans ses déclarations à la presse, Dominique Dupilet a aussi souligné, ironiquement, que ce dernier est « le premier à se lever » pour applaudir Ségolène Royal après avoir eu des commentaires peu amènes à son égard. « C’est une capacité d’adaptation que seuls les hommes de théâtre sont capables d’avoir… », commente-t-il.

(2) Si les journalistes et les juges peuvent se poser beaucoup de questions sur leur rôle dans l’affaire d’Outreau, les services sociaux du Conseil général ont également été mis en cause, concernant notamment l’influence des assistantes maternelles sur les témoignages des enfants. Cette affaire est « un grand traumatisme », reconnaît Dominique Dupilet, qui estime cependant que « l’Inspection générale des services n’a pas conclu à quelque chose de trop dur » pour les services du Conseil général. Une remise à plat du a tout de même eu lieu : « Je viens de recruter le vice-président du tribunal pour enfants de Bobigny comme directeur de l’enfance dans le Pas-de-Calais ».

(3) Institués par la loi de « cohésion sociale » (janvier 2005), les contrats d’avenir (temps partiels) sont destinés notamment aux allocataires du RMI. Selon le ministère de l’Emploi, ils doivent « porter sur des emplois visant à répondre à des besoins collectifs non satisfaits ».

(Photo : Eric Pollet)

Verbatim

Canal Seine-Nord Europe
« C’est un chantier exceptionnel pour le département comme l’a été en son temps celui du tunnel sous la Manche. »

Les routes nationales d’intérêt local
« Avec le montant de compensation accordé annuellement par le gouvernement, il faudrait 150 ans pour réaliser les travaux nécessaires sur le réseau des anciennes routes nationales. Il faut trouver un moyen pour mettre à niveau au plus vite ce nouveau réseau avec des priorités comme l’axe Arras-Le Touquet ou Calais Béthune Lens. »

Jeux olympiques 2012 de Londres
« Le Pas-de-Calais jouera un rôle essentiel dans l’accueil des équipes participantes, des journalistes, des spectateurs. Nous construirons un terrain d’athlétisme et un vélodrome qui nous permettront d’accueillir plus tard des compétitions internationales. Nous y réfléchissons avec le Kent et la Flandre maritime belge. »

Année de la Pologne
« Nous travaillons à l’installation d’une maison de la polonité à Hénin-Beaumont et accueillerons lors des Assises du journalisme, le 8 mars prochain, des journalistes polonais à Arras. »

Les fêtes du souvenir à Vimy
« Nous accueillerons 30.000 personnes le 9 avril prochain à Vimy, dont plusieurs chefs d’Etat. »

Site des deux Caps
« Cap Blanc Nez et Gris Nez furent le premier grand site national lancé à l’époque par Michel d’Ornano. L’année 2007 verra la mise en place des parkings et des aménagements piétons et handicapés sur le Blanc Nez. »


 

 

 

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