- (photo : Philippe Armand)
« Je ne savais pas que j’allais faire la plupart de ces photos le jour où je les ai prises ». Ordinairement, le travail de Philippe Frutier, photographe aérien, consiste à prendre des clichés des routes, des zones industrielles, des chantiers, etc., selon les commandes passées par les collectivités territoriales et autres industriels. Irrésistiblement cependant, « je m’échappe et je prends un tas d’images qui ne sont pas commandées… », confie-t-il. Comment résister à la beauté ou à la singularité des paysages qui défilent sous ses ailes ? L’artiste prend alors le pas sur le technicien. Et, onze ans plus tard, il nous livre un très bel ouvrage, « Le Nord-Pas de Calais à tire d’aile » (1), qu’il présentait ce 10 décembre dans le cadre des Lundis du Club. Point d’orgue d’une belle histoire appelée à connaître d’autres épisodes.
200.000 clichés
Personnage chaleureux s’il en est, Philippe Frutier est cadre commercial dans une entreprise de matériaux de construction quand il décide de « s’envoyer en l’air » comme il dit, pour « vivre de [ses] passions : la photo et le vol léger ». En 1996, il crée sa propre entreprise, Altimage, et réalise sa « première pige », une photo du mémorial canadien de Vimy pour le magazine Pays du Nord. Depuis, il accumule les heures de vol et les kilomètres à bord de son ULM (ultra léger motorisé), engrangeant près de 200.000 clichés. Ses périples l’emmènent parfois très haut, au dessus du Mont-Blanc, et très loin, au cœur du Sénégal. Ce dernier voyage – 15.000 kilomètres, 200 heures de vol en 30 jours – participait d’un projet de construction d’école (2).
La photographie aérienne est un art très particulier, qui se pratique en avion, en hélicoptère ou avec un ballon télécommandé. Les professionnels comme Philippe Frutier, qui se comptent sur les doigts d’une main dans la région, doivent s’accommoder de « beaucoup de contraintes réglementaires, pour le survol des agglomérations par exemple, et météorologiques. Dans la région, on dispose de 30 à 50 jours par an pour faire notre métier ». Quand la réglementation ne l’autorise pas à utiliser son ULM, il embarque à bord de l’avion piloté par son ami et « concurrent » Francis Bocquet. Cependant, « mon atout, c’est mon autonomie complète » avec son ULM stationné sur l’aérodrome d’Arras-Roclincourt, explique-t-il. « En règle générale, le vol s’effectue à deux. Je place l’appareil et je cède les commandes au copilote pour effectuer la prise de vue. Mais j’aime le faire seul. »
De l’expo au bouquin
De là à produire un livre il y a cependant un grand pas, une démarche qu’il n’imaginait pas au départ. Jusqu’à ce qu’un ami lui suggère d’exposer ces photos inutilisées. Une première exposition, en 2006, puis une autre, la sélection de plusieurs clichés pour les deux expositions du Club de la presse (« Le Nord-Pas de Calais vu par ses photographes »), une commande pour l’agenda 2008 du Conseil régional… Et la même question à chaque fois : « Est-ce qu’il y a un bouquin ? » La décision est prise l’été dernier. Elle se concrétise en ce mois de décembre, avec la parution de ce bel album : 200 photos accompagnées de textes écrits par un ami, Jean-Jacques Damore. Philippe Frutier ne cache pas sa « fierté d’avoir fait ça avec l’image du Nord » et annonce une seconde édition consacrée à la Picardie, vue d’avion elle aussi, qui pourrait bien marquer la naissance d’une nouvelle collection, intitulée « A tire d’aile »
M. D.
(1) « Le Nord-Pas de Calais à tire d’aile », éditions Degeorge, 144 pages, 200 photographies. Prix public : 30 euros.
(2) Vol effectué dans le cadre de l’opération « Les ailes de la connaissance », imaginée par le Rotary Club de Lens-Liévin.
|