Erreur. Car cela, c’était avant, c’est-à-dire pendant la campagne qui menait le fondateur du mouvement « En Marche » vers les plus hautes fonctions. Il lui fallait donner une image nouvelle, et surtout différente, du politique. Alors, il n’a pas hésité à mettre en scène son propre couple. Paris-Match n’a pas consacré moins de cinq couvertures à Emmanuel et Brigitte Macron. Les caméras ont été invitées à se poser au sein du domicile. Le candidat ne craignait ni la presse people, ni celle avide de questions politiques, sociales, économiques, culturelles.
Et puis, il y a eu le premier tour de l’élection présidentielle et le repas à la Rotonde, le restaurant parisien comparé du coup au Fouquets cher à Nicolas Sarkozy. Premier accroc, premier accrochage avec des journalistes devenus, déjà, encombrants. Ils avaient osé souligner que la victoire n’était possible qu’à l’issue du second tour. Elle est venue, en effet. Installation à l’Élysée, formation du gouvernement, premier conseil des Ministres. Dès lors, les portes se referment. Les journalistes ne sont plus en odeur de sainteté, le responsable des relations presse laisse son téléphone sonner. Les nouveaux ministres sont appelés à garder leurs distances avec les porteurs de micro.
- Dessin de Babouse paru dans LH n°176 du 16 juin 2017
Pour le voyage présidentiel au Mali, le chef de l’État souhaite emmener des journalistes spécialistes de la politique étrangère. A Saint-Nazaire, il entend ne parler que chantiers navals, certainement pas d’un ministre (voire deux ministres) en difficulté. En soi, on peut comprendre le besoin d’une presse qui ne se contente pas de superficialité, de course au scoop de buzz, et qui se consacre au traitement de fond de l’information.
Mais outre que cette presse existe, il ne revient pas au président et aux ministres de décider d’une refondation de ce métier. Cette forme d’autoritarisme qui se dessine est d’autant plus gênante et troublante qu’elle va bien plus loin que la crainte d’être piégé ou d’être mal entendu. Ainsi, l’attitude du Garde des Sceaux, qui se permet d’intervenir auprès de la direction de Radio France pour demander que l’on fiche la paix au Modem (dont il est toujours président) est-elle incacceptable. De la même façon, la plainte pour recel (contre X) déposée par la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, fait-elle froid dans le dos. L’indépendance de la presse et la protection des sources ne sauraient souffrir aucune exception. Les signaux qui viennent d’être donnés sont très mauvais.
Philippe ALLIENNE
(Paru le 16 juin 2017 dans LH n°176)