Entrer dans l’écrit - Quand les élèves allophones apprennent le français

L’ouvrage est unique pour plusieurs raisons. Il rend hommage à sept projets originaux réalisés dans les dispositifs qui accueillent les élèves allophones dans le Nord-Pas de Calais. Il est aussi le résultat d’une collaboration unique entre le Crédit agricole Nord de France, le Rectorat de l’Académie de Lille et les journalistes du Club de la Presse. Bel exemple d’un travail collectif entre structures publiques, privées et associatives travaillant rarement ensemble.

La présentation officielle de l’anthologie « Entrer dans l’écrit » a eu lieu au Club de la Presse, le lundi 24 novembre, en présence de Viviane Olivo du Pôle communication du Crédit Agricole Nord de France, mécène et coordinateur du projet, d’Eric Bacik, inspecteur d’académie, de Jean-Christophe Planche, inspecteur d’académie, et de Marc de Langie, vice-président du Club de la presse Nord-Pas de Calais.

L’anthologie « Entrer dans l’écrit » est consacrée à des initiatives menées dans sept établissements scolaires de la région, dans lesquels des unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UP2EA) ont été mises en place. Il en existe d’ailleurs une cinquantaine dans l’académie de Lille, régies par le Centre académique pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage (CASNAV) et son directeur Georges Prpic.

L’objectif est de donner à ces élèves qui proviennent de plus de soixante pays, la connaissance du français. « On ne parle pas ici d’analphabétisme, explique Eric Bacik, inspecteur d’académie, car ces élèves maîtrisent une autre langue, parfois même plusieurs, mais ne connaissent pas ou très peu le français. De plus, si certains étaient scolarisés dans leur pays d’origine, d’autres prennent le chemin de l’école pour la première fois ». Réfugiés ou enfants de travailleurs étrangers, ils apprennent ou approfondissent la langue de Molière par le biais de la poésie, du slam, du conte, de jeux ou de la bande dessinée, tout en poursuivant les cours de leur niveau.

Georges Prpic, directeur du CASNAV, Viviane Olivo, directrice de la communication du Crédit Agricole Nord de France, Eric Bacik et Jean-Christophe Planche, inspecteurs d’Académie, et Marc De Langie, vice-président du Club de la presse, ont présenté l’anthologie "entrer dans l’écrit" en novembre 2014

« Entrer dans l’écrit » met en lumière les dynamiques engagées par des enseignants du primaire au lycée et illustre bien la capacité de l‘Ecole à réussir dans ses missions fondamentales. Cet ouvrage circulera dans les familles et permettra de favoriser l’échange sur ce qui se passe à l’école. « Pour certains, il s’agira du premier livre en français qui entrera à la maison », poursuit Eric Bacik.

L’anthologie sera valorisée au-delà des murs des établissements concernés. Le livre *, édité à 3.000 exemplaires, sera diffusé auprès de tous les recteurs de France et aux partenaires de l’Education nationale de l’académie, ainsi que dans le réseau du Crédit agricole. Une version numérique devrait bientôt être mise en ligne. Aux trois organismes engagés dans cette démarche se joint la Fondation de Lille, qui soutient des projets d’études de jeunes défavorisés.

Mathieu Hébert et Marc de Langie

* Largement illustré « Entrer dans l’écrit » a été mis en page par un professionnel (Jean-François Planche de l’agence Gamine) et édité sur papier de qualité.

Les projets des élèves

Des journalistes du Club de la Presse ont été mis à contribution pour réaliser « Entrer dans l’écrit ». Une participation qui a obligé l’Education nationale « à nous ouvrir, à sortir de notre langage parfois jargonnant », estime Jean-Christophe Planche, inspecteur. « L’intérêt de faire retranscrire ces initiatives par des journalistes nous oblige à être compris par le plus grand nombre ».

C’est ainsi que six journalistes membres du Club ont réalisé les reportages dans les sept établissements recensés dans le recueil : Calais (collège République) ; Lens (collège Jean Zay) ; Lille (école Wagner) ; Roubaix (collège et lycée Van der Meersch) ; Saint-Pol-sur-Mer (école Jules Verne) et Valenciennes (collège Eisen).

Pour mener à bien ce projet, Philippe Allienne, Daouda Coulibaly, Gaëtane Deljurie, Marc de Langie, Aurélie Flamey et Coline Léger se sont déplacés dans sept établissements de la région à la rencontre de ces jeunes allophones. Ils ont passé plusieurs heures dans les classes pour discuter, échanger avec eux et leurs enseignants. Ils en ont rapporté des photos et des témoignages mettant en lumière une grande motivation de la part des élèves. Guidés par les enseignants, ils ont travaillé à de nombreux projets, tous originaux. L’objectif : maîtriser une langue, le français.

La discussion avec les élèves s’est engagée à chaque rencontre, « même s’il est parfois délicat de faire parler des jeunes pas toujours à l’aise avec le français », explique Marc de Langie, vice-président du Club de la Presse, en charge du programme « Presse à l’école ».

Chaque projet est original. A la description s’ajoutent de nombreux témoignages d’élèves, des exemples de travaux , le tout bien illustré (photos et clichés).

Ainsi à l’école Wagner de Lille, les élèves (âgés de 8 à 11 ans) ont créé de courts poèmes sur le modèle des haïkus qu’ils ont présenté sous forme d’une danse. Au collège République de Calais, les 14 élèves (âgés de 11 à 16 ans) ont produit des écrits en slam qui leur ont permis de s’exprimer sur leurs souffrances et se libérer. Un spectacle a ensuite été mis au point et présenté.

Au collège Eisen de Valenciennes, les sept élèves ont édité leur première bande dessinée : une histoire de Roméo et Juliette réinterprétée en fonction de leurs codes, leur culture et leur personnalité. Humour et goût du manga pour ce projet original.

Les références culturelles sont également à l’origine d’un conte inventé par la douzaine d’élèves du collège Jean-Zay de Lens.

Au collège Van der Meersch de Roubaix, les élèves ont décrit en quelques lignes leur pays d’origine qu’ils ont ensuite mis en pas de danse. Les dix élèves de l’école primaire Jules Verne de St-Pol-sur-Mer, ont réalisé un album dans lequel ils sont partis à la découverte des prépositions et déterminants. Enfin, au lycée Van der Meersch de Roubaix, les trente élèves répartis en deux groupes ont fait un travail d’écriture et de mise en voix de textes en slam à partir de poèmes de Rimbaud.

Ces échanges ont été riches. Et malgré les difficultés, ces jeunes ont pu faire part de leur ressenti, de leur situation de vie parfois délicate. Et en aucun cas cela ne vient entacher leur forte volonté d’apprendre une langue, afin de mieux s’intégrer dans une société dont les us et coutumes sont bien éloignés des leurs.


 

 

 

La Vie du Club

ESPACE PRESSE