Interview d’ Elisabeth Borrel : la persévérance d’un combat pour la vérité et la justice 20 novembre 2009

Vendredi 20 novembre de 19 à 22h00, dans le cadre de la Semaine de Solidarité Internationale, l’association Survie-Nord avec cité philo recevra Elisabeth Borrel, la femme du juge Borrel assassiné en 1995 à Djibouti pour faire un point sur cette affaire d’état. Le Club de la presse l’a interrogée.

On a longtemps dit qu’il s’agissait d’un suicide. L’assassinat ne fait plus aucun doute ?
Nous n’en sommes plus au stade des différentes versions. Le juge d’instruction a démontré en 2007 qu’il ne pouvait s’agir que d’un assassinat, il faut arrêter de parler de suicide. Lors de la seconde autopsie, une fracture du crâne a été décelée, ainsi qu’une trace d’ADN et la présence de plusieurs produits inflammables alors qu’il n’y avait qu’un seul bidon près du corps de mon mari.


Pourquoi selon vous, la France a mis si longtemps à reconnaître qu’il s’agissait d’un assassinat ?

On saura pourquoi quand on connaîtra le mobile. Ce dont nous sommes surs, c’est qu’il s’agit d’un meurtre et qu’il y a eu des manipulations, des pressions de l’Elysée dans l’instruction. L’hôpital militaire a refusé de faire une autopsie, les reconstitutions ont été faites en l’absence de procureur, ce que je n’avais jamais vu de toute ma carrière de magistrat. Il faudrait maintenant demander à ceux qui étaient aux affaires de 1995 à 2007 pour en savoir plus.
J’ai reçu des lettres anonymes de menaces, des colis piégés, j’ai été cambriolée et jamais les enquêtes n’ont abouti. Le procureur a affirmé qu’il s’agissait de l’oeuvre d’un malade mental. Je me pose des questions : a-t-on voulu me tuer pour faire disparaître le dossier Borrel ?

Pensez vous que judiciairement la lumière sera faite un jour ?
Je me bats pour qu’elle le soit. Il y a des éléments concrets mais je ne comprends pas pourquoi le juge d’instruction n’est pas autorisé à recueillir des ADN de suspects en Tunisie. Si la justice française n’est pas capable de mener une enquête, c’est à désespérer. Dans cette affaire, ce n’est pas la France qui exporte sa justice libre et indépendante mais des Etats dictatoriaux qui importent leurs méthodes chez nous. Jusque là, je n’ai connu que des procureurs à décharge. Les réformes à venir me posent beaucoup de soucis : quand les magistrat n’auront plus de juge d’instruction pour enquêter, nous n’aurons plus de justice indépendante.

Quels sont vos sentiments, votre état d’esprit 14 ans après ?
La reconnaissance de l’assassinat est une avancée effective mais cela ne suffit pas. Je veux que la justice aille jusqu’au bout et découvre la vérité. Le complot est impossible à nier.

Propos recueillis par Sébastien Closa


 

 

 

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