EDITO

Jean-Michel Renault, l’odieux caricaturiste

Moi, qui signe ces quelques misérables lignes, journaliste de mon état, déclare mon intention de traîner devant les tribunaux M. Jean-Michel Renault, caricaturiste calaisien connu pour ses plaisanteries douteuses.

Philippe Allienne, dessiné par Jean-Michel Renault

Cet odieux personnage (encore que… « odieux » n’est pas vraiment le terme qui lui convient) s’est permis, un beau matin de novembre 2010, de me croquer en fils de satan. Oui. Vous avez lu. Il m’a représenté, crâne et oreilles pointues, doté d’un organe sensé prolonger mon coccyx et s’agitant frénétiquement en pointant le ciel. Une queue. Une queue magistralement diabolique. Et je n’ose évoquer le sourire satanique qu’il me prête.

Depuis ce jour où j’ai tenté d’interviewer cet horrible bonhomme, ce sale apôtre, plus aucune grenouille de bénitier ne daigne m’adresser la parole. Ce salaud, car il faut bien appeler un chat, un chat (autre animal satanique) m’a interdit de mosquée et, du coup, de chorba. Les descendants de Mgr Lefèvre me promettent l’enfer, le Pape pense à l’excommunication, les talibans me haïssent, mes amis juifs orthodoxes m’ignorent, Yahvé (que celle sale bête de caricaturiste a osé rebaptiser H1N1) penserait à me foudroyer. Et le diable en personne multiplie les lettres recommandées pour me réclamer une cotisation d’un montant exorbitant.

Donc, c’est entendu, j’attaque Jean-Michel Renault qui estime que « la religion nuit gravement à la santé mentale des peuples ». Les peuples, tu parles ! Que connaît-il, en matière de peuple ? D’ailleurs, c’est à un spécialiste du peuple que j’ai décidé de confier ma défense. Il s’appelle François Dubout. Un saint. Je lui fais entièrement confiance. Car cette canaille de Renault invoque la liberté d’expression à tout propos. C’est au nom de cette liberté qu’il s’est récemment attaqué à François Dubout.

C’était l’an passé, en novembre 2014. Le vil personnage n’avait rien trouvé de mieux à piger que de représenter ce pauvre François en train de ricaner (debout) dans un cercueil tout en agitant une casquette de Waffen SS. Ce lamentable dessin a été publié par le quotidien de la Côte d’Opale, « Nord-Littoral ». Le public catholique qui s’était, selon Emmanuel Todd, mobilisé en janvier contre les attentats visant Charlie Hebdo et l’Hyper Casher, ne s’en est toujours pas remis. Pire, un journaliste de Nord-Littoral s’est fendu d’une « brève » signalant que Monsieur Dubout avait été vu lors d’une manifestation hostile aux migrants. Mais c’était pour sauver Calais, espèce d’ignare !

Alors, François Dubout assigne Jean-Michel Renault pour « injures » et pour avoir nui à sa réputation. C’est que ce dessin là lui pose des problèmes sur le plan professionnel. Car pour être fachô, aujourd’hui, il faut se cacher. Bon, plus pour très longtemps à entendre les propos de Marine Le Pen (une sainte) après l’attentat de ce 26 juin, dans une entreprise de l’Isère.

Non, M. Renault. On ne peut pas rire de tout. Surtout pas d’un fils de déporté qui aurait tendance à virer au brun ou au vert de gris. D’après votre avocat, c’est la première fois depuis très longtemps que l’on attaque un caricaturiste devant la justice, en raison de ses caricatures. Ouais. Tout dépend de quelle justice on parle. L’équipe de « Charlie Hebdo » appréciera.

La caricature pour laquelle Jean-Michel Renault est convoqué au tribunal

En tout cas, M. Renault, vous ne l’emporterez pas au Paradis. J’avais oublié votre facétie à mon encontre. En vous assignant, avec deux journalistes de « Nord-Littoral », le bon Dubout me rappelle à mes devoirs. Heureusement qu’il veille. Dans sa commune de Béziers, le brave Ménard était bien en peine, bien isolé, en rappelant aux journalistes qui le critiquent qu’ils ne sont que des imbéciles profitant de cette sacro-sainte liberté d’expression, liberté de la presse.

Cette fois, vous vous êtes attaqué à plus fort que vous. M. Dubout, comme les gentils fous intégristes, vous rappelle à la raison. Je ne sais pas s’il était Charlie, en janvier dernier. Aujourd’hui, on sait de quel bois il se chauffe. Quant à toi, mon salaud, je sais qui tu es. J’ai relu ta fiche, publiée par toi-même dans cet album joyeusement intitulé « Non de Dieux ! » (en novembre 2010 aux éditions Pat à Pan) et où tu rassembles les œuvres de tes copains, un peu partout dans le monde, qui se battent pour la liberté.

Ta fiche dit ceci : tu es autodidacte, né en 1953 à Calais. Tu es néanmoins caricaturiste de talent. Tu as publié tes premiers dessins dans « Pilote » et tu as « collaboré ensuite dans la troisième chaîne de l’ORTF (sic), TF1, Tennis Magazine, L’Echo des Savanes, Sport Magazine, Télé Sept Jours Antilles, Sport Caraïbes, Le Journal de Montpellier, Midi Libre, entre autres, et Sunday Time Magazine en Grande-Bretagne ». Et bientôt, peut-être, tu seras repris de justice.

Allez, Jean-Michel, ne fais pas la gueule. Je te reprends de justesse. Quand tu veux, devant une choppe. Ou deux. Ou trois. Nous boirons en agitant nos appendices sataniques en direction de MONSIEUR Dubout. La liberté d’expression, et le sens donné à la mobilisation de janvier (dite « je suis Charlie »), te doivent une fière chandelle. Et Dubout ne réexiste déjà plus. Salut à toi et à l’équipe de Nord-Littoral !

Philippe ALLIENNE
(en hommage malicieux à JM Renault)

Non de dieux ! La religion nuit gravement à la santé mentale des peuples, ouvrage collectif conçu par Antonio, Brito et Jean-Michel Renault, éditions Pat à Pan, 2010, 128 p, 300 dessins de plus de 70 dessinateurs « du monde entier ».


 

 

 

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