Jean-Paul Dufour quitte le journalisme mais n’abandonne pas la plume - 16 juillet 2004

Sous les pavés le journalisme ! Quand la vocation pour ce métier naît en mai 68, difficile de s’habituer à l’information spectacle ou marchandise actuelle. Alors Jean-Paul Dufour a décidé de ranger la plume du journaliste au quotidien pour sortir celle du journaliste-écrivain pour tenter de décrire à ses contemporains le monde tel qu’il le voit et le sent. Donc, ce pot offert au Club de la Presse Nord - Pas de Calais n’est pas un adieu, seulement un au revoir.

C’est un ami, un confrère, et un administrateur, que le président du Club de la Presse Nord - Pas de Calais a reçu ce lundi 28 juin : Jean-Paul Dufour offrait son pot d’adieu à sa carrière de journaliste.

Jean-Paul ne voulait pas de discours, alors Philippe Allienne fut bref. En quelques mots, il évoqua leur rencontre un dimanche après-midi pluvieux à Roubaix : Jean-Paul Dufour était de retour dans le Nord bien des années après son passage à l’École supérieure de journalisme de Lille, à Nord-Matin, et une déjà longue carrière qui l’avait vu user plumes après plumes à La Dépêche de Dijon, l’AFP, Libération, L’Express et, pour finir, Le Monde, le titre qui lui a permis de retrouver le Nord.

Pour conclure, Philippe Allienne a souligné que « c’est ainsi, à l’image d’Ulysse qui a fait un beau voyage, que tu as décidé d’avoir marre d’en avoir marre. Tu lâches le stylo de reporter pour la plume d’écrivain. Le monde du journalisme t’en veut beaucoup... Non, nous ne t’en voulons pas et même, pour aider ton entrée dans le monde de l’écriture qui prend son temps, je t’offre, au nom du Club, ce modeste stylo ».

« Mais pourquoi ? »
La question qui brûle les lèvres

Pourquoi s’en aller à cinquante sept ans, un âge raisonnable mais quand même pas canonique ! Jean-Paul Dufour pouvait répondre à la question par une pirouette, ordinaire ou très grossière... Il n’en fit rien. Non, s’il met fin à sa carrière de journaliste au Monde et change de vie, « c’est surtout dans l’intention de travailler encore longtemps. Autrement, mais sans doute pas beaucoup moins ». Et, bien sûr, il ne lui déplaira pas de pouvoir, enfin, jouer un peu plus les papys auprès de ses cinq petits enfants.

Sans entrer dans une analyse psychanalytique approfondie, il faut bien souligner que c’est sa jeunesse qui explique l’entrée de Jean-Paul Dufour en journalisme. Avec une date clef : 1968. Comme il l’explique « cette extraordinaire envolée politico-romantique immédiatement suivie d’un atterrissage non moins fracassant m’a laissé dans un tel état que le journalisme m’est apparu comme la seule activité susceptible de conjuguer durablement militantisme, thérapie mentale et gagne-pain décent. »

Militantisme à prendre au sens très large du terme, mais rien à voir, cependant, avec le journalisme d’opinion, il se disait que « la position d’observateur privilégié du journaliste, la possibilité qu’il avait de débusquer le dessous des cartes, lui permettrait sans doute de se faire une religion quant à la nature profonde de l’homme et du monde. »

Faire carrière durant les "trente glorieuses", un rêve avec un marché du travail florissant, une presse pluraliste et, donc, la possibilité de changer de secteur ou de « crémerie » dès que le plaisir au travail baissait. Du nord au sud, de l’est à l’ouest (et vice-versa), il a pu « côtoyer, pratiquer et observer de près » les grands et les petits, les « vrais gens », la mort, les explorateurs de galaxies, les secrets de la matière ou les conquérants de l’espace...

Ces pérégrinations lui ont apporté quelques petites certitudes : « Le monde est beaucoup plus compliqué que je ne l’imaginais à vingt ans ; je n’arriverai jamais à le comprendre et donc, à fortiori, à l’expliquer à mes lecteurs ; il est extrêmement présomptueux d’imaginer pouvoir le changer. »

Jean-Paul Dufour est-il philosophe ou désabusé quand il confie « Quant au militantisme journalistique, j’y ai cru longtemps. Aujourd’hui, j’ai l’impression que l’écrasante majorité des journaux se divise en deux catégories. Ceux qui appartiennent aux marchands de canons et ceux qui, pour survivre, tentent de les concurrencer en choisissant les mêmes armes, en donnant dans les mêmes travers : course à l’audimat, info marchandise, communication institutionnelle considérée comme une matière à scoop. La société du spectacle prophétisée par Debourd et Vanegem semble désormais bien établie. J’ai des difficultés à m’y habituer. »

Alors comme il a la chance inestimable d’avoir toujours pu éviter de perdre sa vie pour la gagner, il ne va pas commencer à le faire à cinquante sept ans. Il a donc décidé d’assumer pleinement son état de vieux sage en tentant de décrire à ses contemporains le monde tel qu’il le voit et tel qu’il le sent. À sa manière, pour continuer à concrétiser les rêves qu’il avait à vingt ans.

Yves LAGORCE

Parmi la nombreuse assistance... Véronique Marchand (Journaliste à France3, ... , Daniel Percheron (Président du Conseil régional), Michèle Fade (Responsable de la presse et des relations publiques au Conseil régional), Bernard Massé (Directeur de cabinet du président de Lille Métropole Communauté Urbaine), Marie-Françoise Devulder (Attachée de presse des évêchés de Lille, Arras et Cambrai)...
... Marc Bonpain (Responsable du service communication de l’école des Mines de Douai) et Alain Étienne (Attaché de presse du Comité régional de tourisme)...


 

 

 

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