JFK fait l’« autocritique » de « Marianne » - La Lettre du Club n°69 - septembre 2005

Dans son numéro du 3 septembre, Marianne titre son dossier : « Médias, les grandes manip de l’été ». Hormis un papier introductif qui pour seule démonstration aligne le mot « manipulation » toutes les deux phrases, le journal décortique de façon intéressante quelques sujets qui ont rempli les colonnes cet été. Depuis les unes à scandale sur le couple Pernaut (largement alimentées par la première intéressée et par les journaux people, trop contents de vendre du papier), jusqu’à la découverte de fœtus de bébés dans un hôpital parisien, en passant par la « tentative d’OPA » (si tentative il y a bien eu) sur Danone. Résumé très succinct : les choses sont parfois beaucoup plus subtiles que ce qui transparaît dans les médias et certains sujets ne se retrouvent pas par hasard en tête des titres.
Quelques pages plus loin, le patron de l’hebdomadaire, Jean-François Kahn, un habitué des coups d’éclat, se livre à une « autocritique » - le terme est de lui - et sur cinq pages, s’il vous plaît… Marianne a en effet créé une rubrique baptisée « Osons tout dire… », sous entendu : ce que nos confrères ne racontent pas. Et cette fois-ci, JFK applique la formule à son propre journal. Certes, malgré le titre, l’exercice ne manque pas d’une certaine dose d’autocélébration. Ainsi, JFK s’autodécerne le titre de journal « en tête des news magazines pour la seule vente au numéro ». Il contient aussi quelques coups de griffe (« A chaque fois que Jacques Julliard fait un édito dans Le Nouvel Observateur, nous recevons, en réaction, plusieurs dizaines d’abonnements ») à côté de formules bien trop généralistes pour constituer une réelle « autocritique ». Exemple : « Nous sommes, évidemment, victimes […] des mêmes pesanteurs que celles qui donnent à penser à tant de confrères qu’une telle unanimité vaut évidence et qu’on ne saurait s’émanciper de cette rythmique sans se retrouver largué, sans ravitaillement, sur l’île déserte de notre marginalité. »

« Nous avons censuré notre envoyée spéciale »

Mais, au fil des lignes, les exemples se font plus précis et plus pertinents. Ainsi, JFK juge sévèrement, avec le recul, « notre absence confortable de réaction à la farce à grand spectacle montée autour du mariage gay de Bègles (attentatoire à la cause même que l’initiative prétendait défendre), et cela pour cause d’indulgence, sans doute coupable, à l’égard de Noël Mamère, mais aussi par crainte d’être "réacsisés" par les Fouquier-Tinville du "sociétalement conforme". » Pas inintéressant non plus d’apprendre que l’hebdo, « au lendemain de la guerre du Kosovo [a même] censuré, par crainte des inquisiteurs, l’article de [son] envoyée spéciale qui révélait que la plupart des charniers décrits par la presse étaient des montages, ce qui pourtant se révéla, ensuite, exact. » Mais la pudeur garde aussi ses droits. Nous ne saurons pas qui JFK vise en révélant qu’« à deux reprises au moins (deux fois de trop) des pressions familiales ou amicales nous ont conduit à "taper" un article dérangeant sur telle personnalité gouvernementale ou médiatique. On a même renoncé à une critique de livre qui aurait fait trop de peine à un ex-ministre écrivain ».
Malgré toutes ces limites, on se dit que si certains confrères de Marianne se décidaient, eux aussi, à révéler quelques secrets sur les arrière-cuisines de l’info, on serait volontiers preneur…

L. F.


 

 

 

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