La fête des jeunes talents du journalisme et de la communication

Les onze lauréats de la sixième édition des Grands prix du Club de la presse ont été récompensés lors de la soirée du 23 octobre. Parrainée par François Reynaert, journaliste au « Nouvel Observateur », elle a également vu se succéder sur scène les étudiants de l’ESJ, pour la présentation et le groupe Les Blaireaux, pour un mini-concert de quatre chansons.

Photos : Gérard Rouy

« Je me sentais un peu une dette envers le Club de la presse. » Voilà comment François Reynaert, chroniqueur littéraire au Nouvel Observateur, explique pourquoi il a accepté de parrainer la sixième édition des Grands prix du Club de la presse, remis mardi 23 octobre dans les locaux de France 3 Nord Pas-de-Calais, à Lille. Cette « dette » remonte à 2005 et à l’enlèvement en Irak de son amie Florence Aubenas, alors journaliste à Libération et devenue depuis sa collègue au Nouvel Observateur. François Reynaert et quelques autres avaient mis sur pied un comité de soutien. Il se souvient de l’accueil « chaleureux », reçu à Lille – de la part de la ville, du Club de la presse et de l’Ecole supérieure de journalisme (ESJ) – qui s’était concrétisé par une soirée de soutien au Théâtre du Nord (lire l’article).

Un mini concert offert par les Blaireaux aprés la cérémonie

Ce parrainage était une première pour les Grands prix des jeunes journalistes et du jeune communicant. La participation de trois médias (M6, France 3 Nord Pas-de-Calais et La Gazette Nord Pas-de-Calais) en tant que partenaires (1) également, a rappelé Hervé Robin, président de la commission Grands prix au sein du Club de la presse. A signaler également l’implication d’anciens lauréats dans le jury de cette édition 2007 (2) et d’étudiants de l’ESJ Lille dans la présentation de la soirée. L’un des anciens lauréats est par ailleurs chanteur du groupe Les Blaireaux, qui a offert au public, à l’issue de la remise des prix, un mini-concert – très applaudi – de quatre chansons, dont une évoquant sur un ton sarcastique la presse « people » et de potins.

Quant à François Reynaert, il avait décidé de faire partager quelques-uns de ses « grands moments de solitude », en clair des épisodes peu glorieux de sa carrière. Comme cette fois où il avait été envoyé, en traînant les pieds, interviewer une famille pour un papier sur un fait divers. Il avait voulu faire croire à son rédacteur en chef qu’il avait tout fait pour la convaincre de témoigner mais que rien n’y faisait. En réalité, personne n’avait répondu à son coup de sonnette, ce qui n’était pas pour lui déplaire. C’est son rédacteur en chef qui lui a alors appris qu’étant en direct au même moment au JT de 13 heures, la famille aurait eu du mal à discuter de quoi que ce soit avec lui… Autre épisode qu’il n’oubliera pas : cette chronique de deux colonnes parue avec plusieurs dizaines de fautes d’orthographe, qui lui a valu bon nombre de courriers et de coups de téléphone. Les correcteurs avaient pourtant prévenu le journaliste : à force de rendre sa copie en retard chaque semaine, il arriverait un jour qu’elle ne soit pas corrigée… Ce qui vaut à cet article de François Reynaert de servir aujourd’hui de « contre-modèle » dans de nombreuses écoles de journalisme !

Bref, tout a concouru à faire de cette remise des Grands prix une soirée réussie. L’événement ne pourrait être organisé sans l’implication des partenaires et le dévouement de l’équipe permanente et bénévole du Club, a tenu à rappeler le président, Philippe Allienne. « On nous reproche souvent de faire de la sinistrose, a-t-il ajouté. Rachats de titres, concentrations, pressions qui peuvent en découler, précarité… Oui, tout cela fait partie de nos préoccupations et débats. Cela ne nous empêche pas d’aborder les côtés positifs de nos métiers. »
« L’info sur le Nord-Pas de Calais, vue depuis Paris, c’est l’inceste ou les familles qui se suicident », a embrayé François Reynaert, soulignant a contrario la qualité des articles et reportages primés. Ce qui ne signifie pas que tous abordent des sujets souriants.

Le parrain de la soirée était François Reynaert, chroniqueur du Nouvel Observateur

Grand prix « presse écrite généraliste » : Raphaël Tassart

A commencer par celui traité par Raphaël Tassart dans Nord Eclair (édition des 18 et 19 mars 2007), sous le titre : « L’euthanasie que les Belges ont choisie… » Le dossier explique notamment que la législation belge dans le domaine est sensiblement différente de celle que nous connaissons en France. Une bonne partie de la force du sujet réside dans « une rencontre avec un Belge de la région de Bruxelles qui a pris un rendez-vous avec la mort. Une rencontre poignante. » Rattrapé par la maladie de Charcot, qui gagne chaque jour un peu plus de terrain, paralyse ses muscles un par un et finira par atteindre le système respiratoire, Francis Vansteenwinckel a en effet « programmé » sa mort. Raphaël a d’ailleurs appelé son témoin quelques jours avant la remise de ce prix. Il lui a appris que l’échéance était proche.

Grand prix « presse écrite locale » : Aurélie Jobard

Aurélie Jobard a, elle aussi, abordé un sujet peu réjouissant (« L’école, leur maison », Nord Eclair des 4 et 5 février 2007). « C’est un papier sur une famille angolaise, explique-t-elle. Nous avons été appelés par RESF [Réseau éducation sans frontières] (3) , qui voulait alerter sur la situation de certains enfants, notamment au groupe scolaire Saint-Exupéry [à Lille-Sud, NDLR]. Nous avons aussi rencontré des profs qui font face à des situations difficiles, avec notamment 5 enfants sur 23 [dans une des classes], qui sont sans logement le soir. » La mobilisation organisée dans cette école, autour de l’équipe enseignante et des parents d’élèves, a donné naissance à une association, Sans toit la belle étoile (4) .

Grand prix « presse écrite sportive » : Franck Seguin

Franck Seguin a signé dans les pages « sports » de Nord Eclair (édition du 20 janvier 2007) un dossier titré « Calais part à la chasse aux "Sangliers" ». Explication de texte : le club de football calaisien rencontrait le jour même, en 16e de finale de la Coupe de France, l’équipe ardennaise de Sedan. On se souvient que les footballeurs amateurs du CRUFC, le club de Calais, avait déjà fait parler de lui dans cette compétition en 2000, en rencontrant en finale les professionnels de Nantes. La victoire leur avait échappé de peu… Le journaliste a cherché à savoir si le CRUFC avait un secret pour bousculer les pros évoluant plusieurs divisions au-dessus d’eux. « Je me suis intéressé au mystère du foot à Calais, raconte Franck Seguin. [Les footballeurs calaisiens] sont des gens qui ont un travail, qui s’entraînent trois fois par semaine et qui font peur à des footballeurs qui n’ont pas du tout le même mode de vie. »

Grand prix « photographie » : Richard Baron

Appelé en reportage dans le sud de la France, Richard Baron n’a pas pu recevoir lui-même ce grand prix, pour une photo parue sur le site internet de Time Magazine, illustrant un article sur la rénovation urbaine en cours à Hem. C’est Eric Le Brun, de l’agence Light Motiv, pour qui travaille Richard, qui l’a représenté : « Richard est quelqu’un qui vit la photographie. Il a mené un travail d’un an et demi sur la rénovation urbaine à Hem. Cela n’a donc rien d’une image de passage. » Ce reportage au long cours « devrait donner lieu à un livre édité l’année prochaine par Light Motiv ».

Grand prix « presse écrite internet » : Jordan Pouille

Jordan Pouille est éclectique. Journaliste localier à Nice Matin pendant un temps, il a aussi collaboré à de nombreux titres anglophones et francophones. Récemment, il est parti à Shanghai, où il a notamment réalisé des sujets pour L’Equipe Mag, The Independent et VSD. L’année dernière, il recevait un coup de cœur du jury pour un article paru dans Le Monde 2, sur l’univers des combats de coqs. Cette année, c’est un portrait du rappeur Kamini, paru sur le site internet http://radiolibre.be qui lui a valu le Grand prix pour la presse internet. Le jury a tenu à récompenser un « portrait […] très vivant », apportant un « recul nécessaire » et « un regard neuf sur l’évolution et la gestion de la notoriété de Kamini ».

Grand prix « presse écrite d’entreprise ou de collectivité » : Marion Turban

« Dans les secrets de l’industrie dunkerquoise » : le titre de l’article de Marion Turban, paru dans Dunkerque Magazine, en résume l’ambition : « Montrer ce qui se cachait derrière les grands noms de l’industrie du Dunkerquois ». A savoir que le secteur ne se résume pas à Arcelor, mais comporte en fait un important tissu de PME. Dans ses délibérations, le jury a retenu avant tout l’« important travail de recherche et de synthèse de la part de la journaliste », ainsi que son « écriture […] très soignée ».

Grand prix « radio » : Nadia Bendaoudi

A aucun moment, la voix de Nadia Bendaoudi n’intervient dans le reportage (diffusé par France Bleu Nord) qui lui a valu ce Grand prix. Et pourtant, « il raconte une histoire », celle de ces motards qui, chaque année à Gonnehem, viennent faire bénir leur moto. « J’ai fait le choix de ne pas parler, de laisser parler les motards, de faire entendre l’ambiance… », raconte-t-elle. Elle également su trouver des voix enfantines, dans le rôle des témoins candides, racontant ce qu’ils ont sous les yeux.

Grand prix « télévision » : Mehdi Hariri

Une pièce de théâtre jouée au palais de justice, devant un public de jeunes ayant déjà eu affaire à la justice et écrite à partir des témoignages de personnes emprisonnés à Loos : il y a là, a priori, tous les ingrédients d’un sujet en or. Quand Mehdi Hariri est arrivé sur place, tout n’était cependant pas gagné d’avance. Ce reportage, c’est « le hasard du planning du jour » de la rédaction de M6 Lille qui le lui a accordé. Après avoir filmé la représentation, Mehdi a voulu recueillir les témoignages des jeunes spectateurs. Impossible, lui oppose-t-on fermement, pour des questions de droit à l’image des mineurs. Il attendra donc que les parents viennent rechercher leurs enfants pour obtenir le droit d’en interviewer quelques-uns.

Grand prix « communication » : François Annycke

Le jury des Grands prix a distingué le travail mené par François Annycke au sein de l’association CRIS, pour la sortie de l’Annuaire culturel Nord, Pas-de-Calais, Ouest de la Flandre et du Hainaut belge. Une somme qui regroupe 2 500 structures structurelles.
« C’est une aventure de deux ans, témoigne François. Je ne vois pas ce prix comme un couronnement mais comme un encouragement pour la suite. »

« Coup de cœur du jury » : Patrice Demailly

Avec Patrice Demailly, ce sont quatre journalistes de Nord Eclair qui ont été primés pour cette édition 2007. Le jury, qui lui a décerné un de ses deux coups de cœur, a été sensible à son portrait titré « Le chant solitaire du Presque Oui » (édition des 25 et 26 mars 2007). Presque Oui est un duo de chanson française, dont une moitié, Marie-Hélène Picard, a été emportée par la maladie en novembre 2006. Quelques mois plus tard, Patrice, journaliste à la rubrique « culture » du quotidien, rencontrait l’autre moitié du duo, Thibaud Defever. « C’était une rencontre humaine forte », se souvient-il. « Ce groupe [qui était passé en première partie de Vincent Delerm, NDLR] était promis à un bel avenir. La maladie et la mort sont venues ternir tout ça. »

Coup de cœur du jury : Florent Moreau

« C’est un reportage que j’ai couvert un peu en traînant les pieds », avoue Florent Moreau. A tort, car l’article qu’il en a tiré pour La Voix du Nord (édition locale de Maubeuge du 23 mai 2007) lui a valu le deuxième coup de cœur du jury. Rien qu’à la lecture du titre de son papier – « Du cinéma, des vols planés et des élus : le récit d’une amusante soirée de catch » –, on sent pourtant que le jeune journaliste a finalement pris du plaisir à suivre ce gala de catch et à écrire son article. « J’ai beaucoup ri », reconnaît-il. Mais tout le monde n’a pas ri, à commencer par les organisateurs de la soirée, sûrement fâchés par le ton très « second degré ». « J’ai reçu des courriers et des coups de fil », confie Florent.

(1) Voir la liste des partenaires des Grands prix.

(2) Voir la composition du jury 2007.

(3) Site internet de RESF : www.educationsansfrontieres.org

(4) Site internet de Sans toit à la belle étoile : www.sanstoitalabelleetoile.com

Pour lire, voir et entendre les articles et reportages primés, cliquer ici.

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