La presse régionale sous l’occupation (juin 2001)

Une délégation des membres du Club de la Presse s’est rendue, suite à l’invitation de la Fondation pour la mémoire de la déportation, à la Coupole d’Helfaut-Wizernes. L’occasion de revivre, entre autres, l’histoire de la presse régionale sous la Seconde Guerre Mondiale.

« Dans les premiers jours avant puis juste après l’invasion, raconte Yves Le Maner, directeur-fondateur de la Coupole d’Helfaut-Wizernes, l’ensemble des journaux de Lille paraissent sur une feuille unique. » On y trouve sous un même titre le Grand Echo du Nord, le Journal de Roubaix, le Réveil, la Dépêche et la Croix du Nord. La feuille paraît encore sous une forme unique après l’arrivée des Allemands. Se manifeste alors le premier acte de résistance. Le journaliste Lucien Dewerse fait paraître sur une page des photos du monument des fusillés lillois et de Winston Churchill. Il est arrêté et déporté en Allemagne où il va mourir.
Les journaux paraissent sous le contrôle de la censure allemande. C’est le cas pour l’Echo du Nord, le Journal de Roubaix et le Réveil. D’autres ne peuvent reparaître. L’Enchaîné, journal du parti communiste, est interdit. Dans le Pas-de-Calais paraissent d’autres journaux dont l’un des plus notable est le Télégramme de Boulogne. Son rédacteur en chef sera finalement abattu par la Résistance.

La Voix du Nord clandestine


C’est en avril 1941 que paraît le premier numéro de La Voix du Nord clandestine, d’abord simplement tapé à la machine puis composé dans des ateliers clandestins. Les deux fondateurs sont Nathalis Dumez, journaliste, ancien maire de Bailleul, démocrate chrétien, et Jules Nautour, brigadier de police, socialiste. Dumez va assurer la rédaction de l’essentiel du contenu de trente numéros. Son arrestation en septembre 1942, puis celle de Nautour quelques mois plus tard vont créer un vide et le journal ne paraîtra plus pendant un moment. Plusieurs exemplaires sont rédigés et fabriqués en 1944, en particulier après le débarquement.

Un conflit pénible


À la libération s’appliquent les ordonnances d’Alger sur la presse. Les journaux qui ont paru sous l’occupation sont mis sous séquestres. L’autorisation de paraître est accordée à des titres appartenant à des mouvements de résistance. La Voix du Nord paraît ainsi au grand jour et partage pour un temps ses locaux de la Grand Place avec Liberté, le journal du PCF. À la Libération naissent également Nord Eclair, journal du RIC (mouvement de Résistance d’inspiration chrétienne), Nord Matin, journal socialiste, ainsi qu’un journal du soir qui ne subsistera pas longtemps. La Croix du Nord reparaît également.
Les titres qui paraissent à la Libération doivent à la fois maintenir l’esprit de la Résistance et penser à la gestion. À la Voix du Nord, l’équipe qui a assuré la parution des derniers numéros clandestins se voit confier la mission d’assurer la diffusion au grand jour. Dépourvus d’expérience, ces anciens clandestins vont faire appel aux professionnels qui étaient en place. Ainsi, Jules Houcke confie la direction de la rédaction à Léon Chadé. Ce dernier qui avait été embauché par le propriétaire du Grand Echo, M. Dubar, aurait eu certaines relations avec les milieux de la collaboration. Il change pourtant d’équipe sans peine et se trouve à la tête des journalistes de la Voix du Nord.
Lorsque, neuf mois plus tard, Natalis Dumez rentre de déportation, il ne reconnaît plus son journal. Avec plusieurs amis de la Résistance il se considère spolié. Un conflit très pénible va alors naître entre anciens frères d’armes du mouvement Voix du Nord à propos, notamment, de l’orientation à donner au journal. S’en suivra un procès long et dur entre le journal Voix du Nord et le mouvement de Résistance du même nom. René Decock, autre résistant, remplacera Jules Houcke, tandis que Léon Chadé, après un conflit avec la direction et une grève, va s’en aller pour mener une autre carrière à la direction de l’Est Républicain.

Claude Vincent


 

 

 

La Vie du Club

ESPACE PRESSE