La presse va mal et les dossiers sur ce thème se sont multipliés - La Lettre du Club 64 - novembre 2004

La presse va mal ; c’est elle-même qui le dit. Les dossiers sur ce thème se sont multipliés dans les quotidiens. Celui du Monde s’est attiré des réponses agacées

« Le groupe Nice Matin se classe au 4e rang de la PQR » Voici le type de réactions de triomphe qu’a pu susciter la dernière livraison des chiffres de Diffusion Contrôle (www.diffusion-controle.com). Les chiffres ne parlant jamais d’eux-mêmes, malgré un lieu commun éculé, tout est dans la façon de les présenter. Comme le montre le site satirique toulonnais Cuverville (www.cuverville.org), pour arriver à ce « 4e rang » supposé, il a fallu déployer des trésors d’inventivité, en excluant notamment le tirage du Parisien (qui est pourtant un titre de PQR en région parisienne), « additionner les 3 titres du groupe Nice-Matin » (c’est-à-dire Nice Matin, Var Matin et Corse Matin) et « dissocier par contre les journaux des autres groupes ». Ces artifices feraient sourire s’ils ne cachaient le triste état de la presse quotidienne en France. Gros consommateurs de magazines, les Français lisent peu de quotidiens. Et leur diffusion payée (en France) a encore diminué en 2003 par rapport à 2002 : - 1,88 % pour les quotidiens nationaux ; - 1,08 % pour les quotidiens régionaux et départementaux.

« Une crise profonde »

Serge Dassault a son idée personnelle sur l’état de la presse française, qu’il a jugée sur Europe 1 « vieillotte » et « plus adaptée aux besoins des lecteurs ». Ses interventions à répétition sur la ligne éditoriale du Figaro ne risquent pas de restaurer la confiance dans une presse indépendante. Quoi qu’il en soit, les journaux ont conscience de la gravité de la situation. Ces dernières semaines, les dossiers se sont multipliés dans les quotidiens nationaux. Avec parfois des télescopages malheureux. La Croix venait à peine de désigner Le Parisien-Aujourd’hui parmi les titres qui s’en sortaient bien, que ce dernier révélait une perte cumulée de 50 millions d’euros. L’exercice d’introspection s’est également traduit par de beaux règlements de compte. Dans son édition datée du 29 septembre, Le Monde publiait un dossier de deux pages titré : « La presse quotidienne nationale connaît une crise profonde ». Le début du premier article résumait ainsi la situation : « Le Parisien et Le Monde annoncent des plans de départs volontaires en raison de comptes déficitaires. De son côté, Libération, qui a cherché pendant près de deux ans un actionnaire pour se substituer au fonds d’investissement 3i, serait sur le point de boucler un nouveau tour de table. Le Figaro perd de l’argent comme la totalité des titres de la Socpresse, selon l’entourage même de son nouveau propriétaire, l’industriel Serge Dassault, et sa rédaction s’inquiète pour son indépendance. Quant à France Soir, ses salariés en sont réduits à chercher un repreneur par voie de presse. »

« Erreurs graves, omissions et amalgames »

Autant dire que le dossier n’est pas passé inaperçu. Dès sa parution, il a entraîné des réponses agacées. Dans un communiqué publié le 29 septembre, Libération confirmait rechercher « depuis deux ans à élargir [son] tour de table » mais réfutait être sur le point de signer quoi que ce soit. Le quotidien contestait également le terme de « repreneur » utilisé en « une » par son confrère. Contestations enfin sur le nombre de lecteurs perdus par le journal de Serge July (100 000 selon Le Monde). Le Parisien-Aujourd’hui employait, lui, un ton beaucoup plus courroucé pour relever « un certain nombre d’erreurs graves, d’omissions et d’amalgames artistiquement distillés » dans le dossier du Monde, « quotidien dit de référence ». La mise au point portait notamment sur la diffusion. Le Monde a en effet cité le seul chiffre de 150 000 exemplaires pour Le Parisien-Aujourd’hui, ce qui correspond aux ventes de l’édition nationale (Aujourd’hui en France). Les éditions régionales (sous le titre Le Parisien) se vendent, elles, à 350 000 exemplaires par jour. Le Parisien-Aujourd’hui admet cependant - difficile de faire autrement que « la situation est tendue dans nos journaux comme dans le reste de la presse française ». Rappelant la « perte sur trois ans de 50 millions d’euros », le quotidien explique : « À l’intérieur de la rédaction, le climat s’est durci la semaine dernière en raison d’un conflit sur la titularisation de six pigistes photographes, qui ont été finalement intégrés après une grève surprise des journalistes et une mobilisation des syndicats. » L’enquête contestée du Monde aura au moins eu un mérite : forcer deux confrères à lever un coin de voile sur leurs propres affaires. C’est assez rare pour être signalé...

Ludovic FINEZ


 

 

 

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