« La Voix du Nord » : départs anticipés, gros déménagement, quotidien du 7e jour…

« La Voix du Nord » lance lundi 25 septembre les négociations sur l’application du « plan de modernisation sociale », qui se traduira par des départs anticipés non remplacés. Le CE extraordinaire de mardi 19 septembre a par ailleurs permis d’annoncer un déménagement d’une grande partie du siège lillois dans la zone de la Pilaterie, à Marcq-en-Barœul, où est installée son imprimerie. Ainsi que le projet d’une septième parution dans la semaine, le lundi.

Photos Eric Pollet & Gérard Rouy

Que de réunions ! Lundi 25 septembre, la direction de La Voix du Nord rencontrera les représentants syndicaux pour entamer les négociations sur la déclinaison interne du « plan de modernisation sociale » signé en juillet dernier, au niveau national, dans la branche de la presse quotidienne régionale (PQR). Le lendemain, suivront un comité d’entreprise à La Voix du Nord et à Nord Eclair, comme chaque dernier mardi du mois. Tout cela vient après une première journée déjà bien chargée le mardi 19 septembre. Celle-ci avait commencé par un comité d’entreprise extraordinaire, suivi d’une assemblée générale de l’ensemble du personnel à Lille Grand Palais, puis d’une réunion du « Club des 100 », une structure qui rassemble les chefs de service du journal, les chefs d’édition et leurs adjoints.

La journée a apporté une confirmation pour commencer : La Voix du Nord programme bien l’achat de deux nouvelles rotatives pour son imprimerie de la Pilaterie (Marcq-en-Barœul). Elles devront être « impérativement installées fin 2008 », explique le directeur général du groupe, Jacques Hardoin, que nous avons joint au téléphone. L’investissement est chiffré entre 35 et 40 millions d’euros. Il permettra d’augmenter le nombre des pages en couleur. « C’est une forte demande, y compris syndicale », admet Christian Vincent, délégué CFDT chez les journalistes. Déjà, lors du passage du journal au format tabloïd en mai dernier (lire notre article), certains avaient regretté que les rotatives actuelles ne permettent pas de publier plus de 16 pages en couleur, sur un total d’une cinquantaine. D’autre part, les machines actuelles connaissent de temps à autre des soucis, qui entraînent des retards de fabrication et se répercutent sur la diffusion. Deux d’entre elles ont atteint les 15 ans ; la troisième affiche dix années au compteur. « Elles vieillissent », reconnaît Jacques Hardoin. Les nouvelles rotatives devraient également permettre d’automatiser certaines tâches et nécessiteront donc moins de personnel. L’imprimerie emploie actuellement 150 personnes.



Diminuer la masse salariale

C’est d’ailleurs dans un objectif de diminuer la masse salariale que l’entreprise ouvre les négociations sur le « plan de modernisation sociale » (PMS). Ce dispositif prévoit des départs en préretraite (non remplacés), avec cofinancement par l’Etat, dans les services techniques. Le PMS prévoit un total de 1.624 départs, à partir de 55 ans, dans l’ensemble des titres de PQR. Neuf titres, dont La Voix du Nord, ont cependant obtenu d’abaisser cet âge à 50 ans (1). Selon l’accord du 21 juillet, la dérogation a été accordée aux entreprises « ayant fait l’objet, en 2005 ou 2006, de restructurations, de réorganisations structurelles profondes ou de difficultés économiques graves justifiant la présentation d’un plan de sauvegarde de l’emploi ». Pour ces dernières, l’enveloppe globale prévoit « un financement public portant sur un maximum de 339 salariés ». La Voix du Nord pourrait ajouter à ce dispositif national son propre système de départs anticipés (2). C’est de tout cela qu’il sera vraisemblablement question à partir de lundi 25 septembre. En attendant, Jacques Hardoin se refuse à commenter certaines estimations qui circulent en interne, d’au moins 200 départs (sur un total de 1.000 salariés).

Photo Gérard Rouy
Pour l’instant, personne ne sait précisément qui partira. Seront concernés les employés, les ouvriers et les cadres techniques. Reste à déterminer le périmètre exact des postes. Exemple : les assistantes d’édition y seront-elles intégrées ? Une trentaine d’entre elles (sur la centaine que compte le journal) pourraient quitter l’entreprise, croit savoir Michèle Pierre, déléguée CFDT. « Dans certains bureaux, toutes les assistantes d’édition sont susceptibles de partir », estime-t-elle. Ce qui nécessiterait une redistribution des postes, alors que certaines effectuent déjà deux mi-temps dans deux agences différentes du même secteur (3). Quant au travail qu’elles effectuent, il faudrait alors le répartir. Pour la saisie des petites annonces ou encore des nécrologies, la direction envisage la création d’interfaces internet, pour une saisie directe par les clients. « Dans trois ans, toutes les annonces seront saisies à l’extérieur, aussi bien pour les particuliers que les professionnels », commente Jacques Hardoin. Les assistantes d’édition assurent également un travail important de collecte et de saisie de l’« info-service » (horaires de permanences, fêtes, services de garde, programmes de cinéma…). « Les journalistes ont déjà beaucoup de travail, remarquait pour sa part Vincent Tripiana, délégué SNJ, quelques jours avant le CE extraordinaire. Si on doit en plus répondre au téléphone, ça deviendra compliqué. »

Seuls les journalistes et les commerciaux de la locale resteront à Lille

Toujours au chapitre des confirmations de ce mardi : c’est bien le projet de quotidien gratuit du matin porté par Le Monde et l’industriel Vincent Bolloré (déjà créateur du gratuit Direct Soir et de la chaîne de télévision Direct 8) qui a été retenu pour devenir la « tête de pont » du réseau Ville Plus à Paris. Le Figaro et M6 avaient un temps annoncé travailler sur leur propre projet, avant de jeter l’éponge. Depuis longtemps, le réseau Ville Plus, constitué de quotidiens gratuits adossés à des quotidiens régionaux (dont Lille Plus pour le groupe Voix du Nord), (4) espérait la naissance d’un titre parisien pour attirer des budgets publicitaires nationaux. En effet, ces titres, créés en réaction à l’arrivée en province de Metro et de 20 Minutes, coûtent parfois cher à leurs éditeurs. La Voix du Nord a ainsi dû combler, en 2004 et 2005, un trou de plus d’un million d’euros à chaque fois.

Mais la journée de mardi a aussi amené des surprises, certes plus ou moins grandes. Le groupe s’apprête ainsi à mettre en location une partie des bureaux de son siège lillois (qui totalise 16.000 m2 en plein centre), dont l’imposante façade créée dans les années 1930 par le Grand Echo du Nord et du Pas-de-Calais surplombe la Grand’place. Bref, un vrai symbole. La partie qui sera louée est située à l’arrière du bâtiment, du côté des rues Saint-Nicolas et du Sec-Arembault. Parallèlement, un bâtiment sera construit à côté de l’imprimerie, à la Pilaterie, pour accueillir une part importante des services du siège : desk rédactionnel, services administratifs, du marketing, des ventes... La Voix du Nord dispose là-bas de 10 hectares de terrain (dont un hectare occupé par l’imprimerie). Le déménagement devrait être bouclé courant 2009. Seuls resteront à Lille la rédaction et les commerciaux de l’édition locale.

Photo Gérard Rouy Première étape avant une vente de l’immeuble ?

S’agit-il d’une première étape avant une vente pure et simple ? Certains en interne s’interrogent (5). D’autant que la question des moyens financiers nécessaires aux différents projets de La Voix du Nord se pose. Jacques Hardoin estime qu’ils seront trouvés dans les « résultats dégagés par l’entreprise et si besoin le recours à l’emprunt ». Dès le rachat (fin août 2005) du groupe Voix du Nord par le groupe belge Rossel, certains se demandaient comment ce dernier pouvait se permettre de racheter aussi gros que lui. D’autant qu’une première fois, en 1999, il avait déjà servi de « cheval de Troie » pour permettre à la Socpresse de racheter le titre peu de temps après. Les rumeurs sur de nouvelles entrées au capital du groupe sont reparties depuis plusieurs mois. On a d’abord évoqué France Antilles (de Philippe Hersant). Aujourd’hui, on avance le nom du groupe Ebra (Est Bourgogne Rhône-Alpes), constitué conjointement par le Crédit Mutuel et L’Est Républicain pour le rachat du pôle Rhône-Alpes de la Socpresse (Le Progrès à Lyon, Le Dauphiné libéré à Grenoble…). Autant d’hypothèses que Jacques Hardoin qualifie d’« élucubrations ». Selon lui, le groupe Rossel « a dit clairement qu’il entend rester l’actionnaire majoritaire. S’il a des opportunités, il jugera.  »

« Travailler plus »

Photo Eric Pollet Les salariés de La Voix du Nord ont également appris qu’une réflexion était engagée sur la création d’un « quotidien du 7e jour », qui paraîtrait le lundi, en parallèle de La Voix des Sports. « Il faut savoir si l’idée est faisable et à quelles conditions », confie Jacques Hardoin. Reste effectivement à savoir avec quel budget et quelles équipes ce journal se ferait. La rédaction (un peu moins de 270 journalistes aujourd’hui) est concernée au premier chef. Comme elle est concernée par le projet de portail régional, dévoilé par Jacques Hardoin cet été dans les colonnes de Libération et qu’il prévoit entre 2007 et 2009. La direction attend par ailleurs des rédacteurs qu’ils alimentent régulièrement, au long de la journée, le site internet du journal. Jusqu’à aujourd’hui, la confection des brèves propres au site (en plus, donc, des articles repris de l’édition « papier ») s’est heurtée à des oppositions au sein de la rédaction. Un syndicaliste fait ainsi remarquer que l’accord de droits d’auteur signé avec les journalistes ne mentionne que la reprise sur le site des articles écrits pour l’édition « papier ». Une nouvelle négociation devrait donc s’ouvrir. Mais des participants au comité d’entreprise de mardi ont bien noté que Bernard Marchant, qui représente Rossel au conseil d’administration de La Voix du Nord, avait fait des allusions insistantes sur la nécessité de « travailler plus »…

Ludovic FINEZ

(1) Les autres titres concernés sont : L’Alsace, Le Berry républicain, Le Bien public, Le Courrier picard, Le Dauphiné libéré, Presse Océan, Le Progrès et La Provence.

(2) Entre 2004 et 2006, le secteur prépresse de La Voix du Nord a déjà fait l’objet d’un plan de départs anticipés, qui a pris en compte l’intégration des personnels techniques de Nord Eclair.

(3) La Voix du Nord a divisé son territoire en quatre zones : Artois, Hainaut, Littoral, Métropole.

(4) Les autres titres du réseau Ville Plus : Lyon Plus (lancé par Le Progrès), Marseille Plus (La Provence), Bordeaux 7 (Sud-Ouest) et Montpellier Plus (Le Midi libre).

(5) Dans son livre « La Voix du Nord histoire secrète », paru en août 2005 aux éditions Les Lumières de Lille (www.leslumieresdelille.com), Frédéric Lépinay laissait entendre qu’André Soleau avait quitté le journal en 2004, trois mois après avoir été nommé directeur général, pour s’opposer à un « plan drastique d’organisation financière qui heurtait ses convictions », demandé par le propriétaire de l’époque, Serge Dassault. « S’agissait-il de la vente de l’immeuble de La Voix du Nord et d’un déménagement sur le site industriel de la Pilaterie à Marcq-en-Barœul ?, s’interrogeait le journaliste. Ce plan, prévu de longue date, avait déjà été envisagé par Jean-Louis Prévost [ancien PDG du journal, NDLR]. »


 

 

 

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