Le difficile chemin de la liberté d’expression au Congo

Le journaliste congolais Freddy Mulongo était mardi 27 mars au Club de la presse, pour évoquer la situation des médias dans son pays, en particulier audiovisuels. Entre organes de contrôle aux pouvoirs démesurés et non prise en compte des réalités quotidiennes dans le contenu des antennes, il a présenté une situation peu réjouissante.

(photo : Charles Dos Santos)

Freddy Mulongo, président de l’Arco (Association des radios communautaire du Congo-démocratique) et initiateur de la radio Réveil FM (première radio associative et communautaire du Kinshasa), insiste : la situation de la presse n’est « vraiment pas facile » actuellement au Congo. Après plus de 40 ans sans aucune élection, des dialogues inter-congolais plus ou moins officiels et réguliers ont été mis en place, avec l’aide et l’intermédiaire de l’Organisation des Nations Unis (ONU). Selon Freddy Mulongo, la transition vers une réelle démocratie sera « longue » car le secteur des médias et de l’audiovisuel est à la fois complexe et très contrôlé par l’Etat. Le journaliste déplore le fait que la télévision congolaise soit « totalement étatisée » et qu’elle ne reflète absolument plus la « réalité ».

« Les médias communautaires sont marginalisés »

Ce tableau, Freddy Mulongo l’a brossé à l’occasion d’une conférence de presse organisée au Club de la presse, mardi 27 mars. Il a ainsi eu l’occasion de détailler la complexité des institutions régulant la presse au Congo. Le pouvoir sur les médias est régi par cinq « hautes autorités », décidées et instaurées par le pouvoir politique. La plus importante, la Haute Autorité des Médias (HAM), est une instance « entièrement contrôlée par l’Etat ». Elle « applique au Congo, à quelques petites différences près, la même loi sur les médias [que celle] en place au Bénin ». Cette HAM « ne tient absolument pas compte des réalités congolaises », martèle-t-il. Elle décrète ainsi des lois et des règles qui ne sont que celles que le gouvernement et le président congolais veulent voir appliquer. Freddy Mulongo déplore qu’au Congo, « il n’y [ait] absolument ni diversité ni pluralité dans les opinions de la population », avant d’ajouter que « beaucoup de médias y sont créés et dirigés par les personnalités du pays ». Au Congo, « les médias communautaires sont marginalisés », déplore t il.

En plus du peu de liberté dans le secteur audiovisuel, Freddy Mulongo se dit « inquiet, très inquiet » pour l’état des « outils de contrôle » des médias. Il espère qu’à l’avenir, le « CSA » du Congo ne sera pas une simple « copie » de la HAM actuelle.
Le président de l’Arco a également évoqué la formation des journalistes au Congo. Actuellement, elle est dispensée dans cinq écoles et facultés, dont principalement l’Université de Kinshasa et les facultés catholique et protestante de la capitale. Pour Freddy Mulongo, les journalistes congolais sont assez correctement formés au pays. Mais pour lui, la formation doit tout de même être soutenue et renforcée. Il cite en exemple les journalistes français, évoquant notamment les règles d’équité et d’égalité qui doivent prévaloir dans le traitement de l’actuelle campagne présidentielle. Il est par ailleurs reconnaissant envers la France pour sa coopération dans la sauvegarde et l’amélioration de la pluralité des médias dans son pays.

Organiser des états généraux ?

Même si leur état actuel reste inquiétant, Freddy Mulongo souhaite que les futurs pouvoirs en place au Congo aient la possibilité de créer et surtout de « démultiplier, de différencier et d’adapter les médias congolais aux attentes et à la réalité de la vie des Congolais ». Mais pour vivre, cet espoir nécessite de significatives avancées en termes de démocratie et de liberté d’expression. Ainsi, il estime « urgent de restructurer en profondeur les médias congolais dans les prochaines années, tout en gardant et en accentuant autant que possible les différences culturelles, ethniques, sociales des citoyens congolais ».
Mais, pour obtenir une meilleure qualité de l’audiovisuel congolais, il est urgent de tout remettre sur table, lors de véritables états généraux des médias. Pour lui, ces états généraux doivent permettre de réduire l’étendue du pouvoir politique sur les radios et télévisions alternatives et locales. Pour exemple des atteintes à la liberté d’expression, Freddy Mulongo explique que Réveil FM a dû couper son émetteur, au motif qu’il « brouille les fréquences et les ondes de la radio interne de l’aéroport international de Kinshasa »...

Charles DOS SANTOS


 

 

 

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