Serge July au rendez-vous du Club de la Presse

« Le plus beau métier du monde »

Pour le rendez-vous du mois de mai, un « personnage » médiatique, co-fondateur et directeur de Libération jusqu’en 2006, était au rendez-vous de la rencontre Regards de Presse : Serge July. Comme dans son Dictionnaire amoureux du journalisme paru chez Plon, le journaliste a abordé la profession par entrées. Extraits...

La création de Libé
Interrogé sur la création du quotidien, son ancien directeur affirme que « le lectorat était déjà là », signe d’un journal crée en phase avec son époque. Ce n’est pourtant pas ce qui a permis son éclosion : « En 1972, on voulait faire un quotidien, mais personne n’y croyait car cela coûtait une fortune. A l’époque, on composait encore au plomb. Libé existe aujourd’hui grâce à l’arrivée de la photocomposition. Cette démocratisation technique a permis la naissance de nombreux quotidiens ». Quant à son rôle de directeur, July résume de façon laconique : « Je n’y étais pas préparé, j’ai appris. »

Le journaliste belge Michel Paquot, animateur du débat, aux côtés de Serge July.

L’évolution des médias
« On est dans une période entre un monde qui finit et un autre qui commence. » Serge July date le début du processus de changement pour les médias aux alentours de 1995. Selon lui le changement de paradigme est similaire à celui vécu par le secteur de l’hôtellerie, bouleversé dans son fonctionnement par l’arrivée de nouveaux acteurs. « Personne ne sait comment ça va se passer, c’est exaltant, on vit un changement de monde. » Il admet par ailleurs qu’à la place d’un patron de presse d’aujourd’hui il « ne saurait pas quoi faire ». Ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas son idée sur l’avenir des médias ! « Il faut prendre beaucoup de risques et dépenser beaucoup d’argent pour des choses qui ne vont pas forcément fonctionner. On ne sait pas encore quelle direction sera prise mais on devine certaines options : l’importance des réseaux, l’arrivée de la publicité ciblée à la télévision. On vise un média global qui regroupera articles de presse, streaming de vidéos et de sons, de l’image… C’est en train de se construire, voyez Facebook, Twitter, Buzzfeed... ».
Et l’avenir du papier dans tout ça ? Serge July cite une loi de McLuhan, célèbre théoricien de la communication et des médias, selon laquelle l’arrivée d’un nouveau média ne tue pas les plus anciens avec pour exemple la télévision dont l’essor n’a pas provoqué la fin du cinéma.

La presse, 4ème pouvoir ?
Pour Serge July, « la presse a un pouvoir d’influence sur l’opinion, pas le pouvoir de défaire un gouvernement ». De même, il s’agace de la notion de « lynchage médiatique » que l’on banalise beaucoup trop selon lui, rappelant qu’elle est apparue lors du suicide de Pierre Beregovoy et qu’elle renvoie également à Roger Salengro.

L’influence américaine et les classiques.
« La profession, en France, n’a pas de classiques. Aux États-Unis, il y a un classement des meilleures prestations journalistiques du siècle », regrette Serge July. La raison est à la fois liée aux mentalités et à l’histoire. « La profession de journaliste vient des États-Unis. Le premier amendement y a instauré la liberté d’expression en 1791. La liberté de la presse y était déjà garantie avant même la naissance des grands journaux. Ils ont de l’avance ». Cette ascendance américaine se retrouve selon lui dans le vocabulaire du métier : les mots reporter, éditorial et interview ont tous une résonance anglo-saxonne.

La rédaction de son dictionnaire amoureux
Retrouvez la chronique du livre

Pour trouver le ton de son livre, Serge July n’a pas commencé la rédaction par les entrées consacrées aux journalistes les plus évidents. Victor Noir a eu l’honneur du premier article, relatant l’histoire de celui que l’auteur qualifie de « journaliste le plus bandant du siècle, mais qui n’a rien écrit » !
Tué en 1870, à l’âge de 21 ans, par le prince Pierre Bonaparte à l’occasion d’un duel opposant ce dernier au journaliste de La Marseillaise Henri Rochefort. Le jeune journaliste est resté dans les annales, car son meurtre suscita une forte indignation populaire et aussi pour son gisant entouré d’un folklore surprenant qui en fait le plus visité du cimetière du Père Lachaise.
Moins dramatique, pour le second article, la lettre T, Serge July a choisi Tintin. « Même si on ne le voit écrire que dans l’album Tintin au pays des soviets, le cœur de ses aventures c’est la curiosité. Il faut être curieux pour être journaliste. »
On aurait pu laisser Serge July parler plus longtemps mais un train l’attendait. L’heure et demie était évidemment trop courte pour aborder tous les sujets traités par le dictionnaire...
Les lecteurs présents au Furet ne se sont pas ennuyés !

Nicolas Bailly

Avant la rencontre, co-organisée par le Club de la presse et le Furet du Nord, Serge July était en interview chez France 3 Nord – Pas de Calais. A revoir ici

Aprés la rencontre, Serge July a dédicacé son livre


 

 

 

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