ILS L’ONT DIT AU CLUB

Les démocrates marocains dénoncent : les représentants du peuple s’agenouillent pendant que la police tabasse

Le printemps arabe, au Maroc, a pris une forme bien différente des autres mouvements en Tunisie, en Egypte, en Lybie ou en Syrie. Mais le peuple ne demeure pas les bras ballants. Le Mouvement marocain né le 20 février 2011 œuvre, pacifiquement, à faire évoluer la société et le régime vers un état de droit, la démocratie et la liberté. C’est ce qu’ont expliqué, mercredi 19 septembre, des membres du comité Nord-France.

le correspondant de l’AFP au Maroc, M Brouksy, lors de son interpellation le 21 août.

Pour Zakaria Ait Boulahsen, membre du comité de suivi du Mouvement marocain (Nord-France), « c’est au Maroc que le printemps arabe a été le mieux réussi ». L’affirmation peut sembler provocatrice quand on sait que les événements de 2011, au Maroc, n’ont rien à voir avec ceux du voisin tunisien, ni de ce qui s’est passé en Egypte. « Notre mouvement, explique Zakaria, ne possède pas de leader. Ce qui nous intéresse, c’est la conscientisation du peuple. Nous militons pour un changement qui s’inscrit dans la durée ».

Le mouvement créé le 20 février 2011 réunit des personnes de la société civile, membres d’organisations politiques pour certains, « apolitiques  » pour la plupart. Militante franco-marocaine et membre du comité du Nord, Soumia El Marbouh n’appartient elle-même à aucun parti. Mais la mobilisation du 20 février a déclenché un déclic chez cette Valenciennoise. « Lorsqu’un collectif à appelé à manifester à Lille, raconte-t-elle, j’ai rencontré des militants marocains. J’ai tout de suite rejoins le comité de suivi du Mouvement marocain qui s’est alors constitué. Cela permet de soutenir ce mouvement et de sensibiliser à l’extérieur du Maroc. Il est important que l’on manifeste en France, à Paris ou ailleurs, en même temps que les gens qui se mobilisent au Maroc ».

Journalistes molestés

Pour les membres du Mouvement, il est essentiel de manifester pacifiquement. Leurs revendications : la démocratie, la justice sociale, la liberté, la dignité. Précisément, ils ont voulu clairement s’exprimer, le 21 août à Rabat, contre la cérémonie d’allégeance au roi. Soumia El Marbouh y était. « Il est impossible de savoir combien nous étions, dit-elle Dès que nous sommes arrivés, la police, qui avait encerclé le Parlement, nous a attaqué et poursuivis ». Le rassemblement, qui devait être un sit-in, a été immédiatement et brutalement dispersé.

Le journaliste Omar Brouksy, correspondant de l’AFP, a été molesté par les forces de l’ordre. Même chose pour deux de ses confrères des journaux « Assabah  » et « L’Economiste »,. Mais si « le ministre marocain de la communication s’est empressé de présenter ses excuses à l’AFP », lit-on dans un communiqué du Comité de suivi du Mouvement, il ne l’a pas fait pour les autres journalistes et photographes. Résultat, « Assabah » et l’Economiste », pourtant peu soupçonnables d’être hostileS au pouvoir, ont largement rendu compte de la répression.

Que reprochent les membres du Mouvement marocain à cette cérémonie d’allégeance ? « L’atteinte à la dignité du peuple ». Cette cérémonie annuelle voit les représentants du peuple se prosterner à tour de rôle devant le roi Mohamed VI. Celui-ci, juché sur son cheval noir, les bénit en retour. « C’est un spectacle honteux de servilité et de soumission » dénoncent les militants. Les représentants du peuple sont des hauts fonctionnaires, dignitaires et responsables de différents organismes de l’Etat, des élus, des ministres. Le ministre du l’Intérieur est, selon le protocole, le premier à se prosterner.

Prisonniers d’opinion

Les représentants du comité Nord-France du Mouvement du 20 février marocain

Voilà qui, pour le Mouvement marocain, montre que rien n’a changé véritablement depuis l’avènement de Mohamed VI, en 1999. L’avocat Moustapha Errachdi est membre du bureau national de l’Association marocaine des droits humains (AMDH). Il a en charge plusieurs dossiers de détenus politiques. Parmi ceux-ci, celui du jeune rappeur Mouad lhakéd qui a été condamné à un an de prison ferme pour une chanson critiquant le makhzen (système politique) et la répression policière. « La plainte aurait normalement du être annulée pour vice de forme », dit l’avocat

Il y a aussi de nombreuses manifestations contre la cherté de la vie. Ainsi celle du 22 juillet dernier où six personnes ont été arrêtées et gardés à vue durant 72 heures. L’une (la seule femme) a été relâchée. Les autres ont été condamnés à 8 et 10 mois ferme. Motif : «  Participation à une manifestation non autorisée, outrage à agents publics, coups et blessures ». Durant leur procès, ils ont affirmé avoir été torturés et violés lors de leur garde à vue.

Si l’on en parle peu (les moyens de communication ne sont pas les mêmes dans les grandes villes et dans les douars reculés), les manifestations se multiplient un peu partout Comme à Imider, près de Ouarzazate, où des ouvriers se battent pour leurs terres. Arrêtés en mai dernier, ils ont écopé de condamnations entre 1 an et 2 ans de prison ferme.

« Les Marocains qui ont cru au roi et au Makhzen ont été trahis », disent les militants du Mouvement de février.

Philippe Allienne


 

 

 

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