Libération soutient les journalistes turcs

, par Club de la presse hdf

Excellente initiative du quotidien ’’Libération’’ de ce lundi 24 juillet qui consacre sa Une et quatre pages à “Cumhuriyet”, l’un des derniers journaux d’opposition indépendant de Turquie. Libé a fait ce choix pour marquer l’ouverture, ce lundi, du procès de dix-sept journalistes et collaborateurs de ce quotidien.

En pages 2 et 3 de “Libé”, un dessin représente, souriant crânement, onze des détenus. Ils sont en prison depuis plus de neuf mois dans des conditions que l’on devine très dures. « Leur crime ? », explique l’éditorial de “Libération”, « Dire la vérité sur l’évolution du pouvoir turc. […] A la suite du coup d’État manqué des gülenistes, quelque 50 000 personnes sont en prison, leurs rapports avec le Gülen en question seraient-ils lointains ou imaginaires. « Cumhuriyet » a eu le malheur de dire que le sultan était nu. Dernier îlot de liberté d’expression en Turquie, le journal paie aujourd’hui le prix de son courage. »

« Médias pingouins »

Les quatre pages de “Libé” sont écrites et illustrées par des journalistes et dessinateurs de « Cumhuriyet ». Sous le titre « Turquie, une épine dans le pied du sultan », l’un deux, Aydin Engin, livre un récit dans lequel il explique la méthode mise au point par le président Erdogan pour museler la presse (hormis les arrestations de journalistes). « … il [Erdogan ou le gouvernement de l’AKP] n’achète plus des journalistes, mais des médias tout entiers. Officiellement, le nouveau patron n’est certes pas l’AKP (le parti présidentiel) ou Erdogan, mais un homme d’affaires serviable qui accepte de racheter des médias pour le compte d’Erdogan, en échange de l’adjudication d’énormes chantiers publics d’autoroutes, de lignes de métro ou de ponts. Grâce à cette méthode, 70 % de la presse écrite et des programmes d’information des chaînes de télévision sont devenus des “organes” d’Erdogan. Ce qui ne veut pas dire pour autant que les 30 % restants sont des médias indépendants. La plupart sont devenus des médias stériles, ou plutôt des “médias pingouins”, comme on aime les appeler en Turquie, en référence aux chaînes d’information qui diffusaient des documentaires sur la vie des pingouins au lieu des images de la révolte du parc Gezi en 2013…  ».

“Autocratie élective”

Pour sa part, l’écrivaine et journaliste Oya Baydar, explique comment le président turc a évolué vers un islamo-nationalisme maquillé. Il s’est abrité derrière la démocratie pour «  instaurer une société conforme à la vision de l’Islam  », écrit-elle. Selon elle, cela s’est fait en plusieurs étapes jusqu’au 15 juillet 2016. « Le putsch manqué du 15 juillet 2016, estime-t-elle, a été le troisième acte de sa métamorphose. Erdogan a confié que cette folle tentative de coup d’État était pour lui un ’’don du ciel”. En effet, l’état d’urgence lui a permis d’écraser tous ses opposants ».

Comme le rappelle l’universitaire Ahmed Insel, «  la trajectoire autoritaire d’Erdogan s’est accélérée en 2013, avec la révélation d’affaires de corruption concernant son entourage et lui-même, et après la tentative de putsch de juillet 2016 ». Aujourd’hui, conclut-il, « La Turquie est devenue une “autocratie élective”, où règne l’arbitraire. Tous les pouvoirs, sans exception, y compris le contrôle de la justice, sont concentrés dans les mains d’une seule personne ».

Ph.A


 

 

 

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