Edito

Liberté Hebdo doit vivre

Créé au lendemain de la disparition du quotidien communiste « Liberté », en 1992, l’hebdomadaire « Liberté Hebdo » risque de mourir. La fusion de fait avec le périodique frère du Pas-de-Calais, « Liberté 62 », et la nouvelle formule lancée au printemps dernier, n’ont pas suffi à soulager efficacement les finances du journal. La baisse des recettes publicitaires et l’insuffisance du nombre d’abonnements sont les principaux facteurs qui ont lentement conduit à cette dégradation.

Le lancement d’une souscription auprès des lecteurs, en juillet, était un indice pouvant révéler l’état de la situation. Pourtant, l’annonce d’une mort imminente, en octobre, en aura surpris plus d’un. A commencer par l’équipe de rédaction. Comme si l’inéluctable venait de s’imposer.

La Une de Liberté Hebdo de cette semaine

L’inéluctable. C’est précisément sur ce thème que sont déclinées, chaque jour, les nouvelles de notre monde et de notre société. Restructurations inéluctables, fermetures d’entreprises inéluctables, licenciements inéluctables, plans sociaux inéluctables, réforme des retraites inéluctable, précarité inéluctable, reconduites à la frontières (ou plus simplement expulsions) inéluctables, crise du logement inéluctable, victoire électorale de l’extrême droite inéluctable, etc. La liste conjuguée sur le mode fataliste, et appelant à la résignation, n’est hélas pas exhaustive.

Comme elle le fait chaque semaine dans les colonnes de son journal, la rédaction de « Liberté Hebdo » rejette ce fatalisme. En toute logique, elle refuse l’inéluctable pour elle-même et ses lecteurs. En ayant fait le choix de se battre, et en lançant une première réunion d’information et de réflexion sur l’avenir du titre, le 11 octobre, elle a déclenché un sursaut auprès des lecteurs, des militants et des élus. Les confrères, à commencer par « La Croix du Nord » n’ont pas tardé à réagir.

« Liberté Hebdo » doit vivre parce que la disparition d’un titre de presse n’est jamais une bonne nouvelle. L’époque est bien loin, quand le Nord - Pas de Calais était champion en matière de pluralisme avec six quotidiens et une kyrielle d’hebdomadaires et autres périodiques. L’heure est au contraire aux concentrations, au formatage, à la gratuité de l’information, à la toile internet.

« Liberté Hebdo » doit vivre parce ce type de média procède du maintien d’une presse à l’écoute des préoccupations de celles et de ceux que l’on peut appeler les « sans voix ». Les reportages au sein des entreprises, les enquêtes qui s’intéressent aux conditions de vie et aux réalités quotidiennes, les papiers qui s’affranchissent de la dictature des sondages d’opinion sont indispensables.

« Liberté Hebdo » doit vivre parce qu’il serait dommageable d’aller vers un champs médiatique entièrement maîtrisé par les groupes financiers et où la qualité de l’information dépendrait des contraintes financières.

« Liberté Hebdo » doit vivre parce qu’il serait trop facile de céder au prétendu inéluctable en acceptant d’asséner un point final à un journal qui trouve ses racines dans la Résistance.

En même temps, « Liberté Hebdo » doit vivre grâce au travail de journalistes professionnels, garants d’une information rigoureuse et d’une ligne éditoriale claire. Il lui faut des moyens. L’équipe du journal ne manque ni de ressources, ni d’idées. Encore faut-il qu’on ne lui coupe pas l’herbe sous le pied. A cet égard, une réforme des aides à la presse doit absolument tenir compte de la réalité que vivent des titres comme celui-là. Et qu’elle veille à la préservation d’une vraie pluralité de la presse écrite.

Philippe ALLIENNE

Lire la lettre ouverte à Aurelie Filipetti


 

 

 

La Vie du Club

ESPACE PRESSE