Grand Orient de France

« Ne pas confondre liberté de conscience et liberté religieuse »

Qu’est-ce qu’une « Loge » ? Combien le Grand Orient de France compte-t-il de membres dans la région ? A quoi servent les rites ? Quel partage entre laïcité et spiritualité ? La Franc-Maçonnerie sert-elle à « faire des affaires » ? Quelle est la place des femmes ? Deux représentants du Grand Orient de France sont venus répondre à ces questions et d’autres, le 17 novembre au Club de la presse, à la veille d’un congrès organisé à Lille.

Photos : Eric Pollet

Démythifier, dédouaner aussi, brosser à grands traits, mais de l’intérieur, ce qu’est la Franc-Maçonnerie, expliquer qu’en son sein laïcité et spiritualité ne s’opposent pas mais constituent au contraire le cadre même du cheminement des « Frères »… Voilà ce à quoi se sont employés des représentants du Grand Orient de France, alias le « G.O. », vendredi 17 novembre au Club de la presse, à l’occasion d’une conférence de presse organisée la veille d’un colloque ouvert au public, à Lille, sur le thème « Laïcité et spiritualité ».

L’initiative est d’actualité, dans une France où la laïcité devient (re-devient) une question de société et surtout à l’aube d’une campagne électorale où le sujet risque d’être brandi comme un étendard d’un bord à l’autre de l’éventail politique. Si on cédait à la tentation de schématiser, entre les deux présentateurs du colloque, Daniel Morfouace, Premier Grand Maître Adjoint du Grand Orient de France, incarnerait « la Laïcité » et Philippe Raffin, Grand Prieur du Grand Prieuré Indépendant de France, « la Spiritualité ». Sauf qu’ils les revendiquent l’une et l’autre, ensemble et en parfait accord.

57 Loges en Nord-Pas de Calais et Picardie

Le Grand Orient de France, première obédience maçonnique d’Europe, est une fédération de « Loges » (57 en Nord-Pas de Calais et Picardie, pour 5.000 membres environ). Ces Loges travaillent selon des « rites » variés, et le « Régime Ecossais Rectifié » (R.E.R.) est l’un d’eux, un des plus attachés au symbolisme et à l’ésotérisme, et dont les membres du Grand Prieuré Indépendant de France sont les plus hauts représentants. Le colloque était co-organisé par le G.O. et le R.E.R., qui marquent aussi en l’occurrence le 230e anniversaire de leur vie commune.

Daniel Morfouace et Philippe Raffin sont unanimes : laïcité et spiritualité sont indissociables, dans la démarche maçonnique au Grand Orient. Le Franc-Maçon y a « une démarche spirituelle, symbolique », mais « dans un cadre laïque, c’est-à-dire non clérical, indépendant de toute teinture religieuse », souligne Daniel Morfouace. Le G.O. ne confond pas « liberté de conscience » et « liberté religieuse », insiste-t-il, et le colloque lillois voulait notamment « montrer que la spiritualité n’est pas l’apanage des religions ».

Les rites sont « des manières de faire »

Les rites sont « des manières de faire », mais l’esprit de la démarche, c’est de « se retrouver soi-même, s’interroger, pour devenir un homme digne de ce nom », renchérit Philippe Raffin. Cela ne veut pas dire que le G.O. soit anti-religieux ou fermé à la religion : des « ministres du culte » de différentes religions comptent parmi les Maçons du G.O., indiquent-ils ensemble. Et la « tolérance » est un maître-mot chez eux, rappellent-ils. « Le socle, c’est le questionnement », et « les hommes qui se questionnent, qui acceptent de ne pas savoir, sont déjà moins dangereux que d’autres », conclut Philippe Raffin.

Qu’en est-il maintenant du fameux « secret » ? « Le secret ? Ca bouge, ce colloque en est l’illustration », sourit Philippe Raffin, en rappelant que le rendez-vous du Nouveau Siècle était ouvert au public « profane », que le G.O. a une émission régulière sur France-Culture (le premier dimanche de chaque mois à 9h40) et qu’il organisera au printemps prochain un colloque public à Paris, sur la liberté de la presse. Par ailleurs, le G.O. communique abondamment par internet...

Le secret est surtout une question « d’intériorisation », soulignent-ils. Et Daniel Morfouace rappelle qu’en son temps, le gouvernement de Vichy avait commencé à publier au Journal Officiel les listes des Francs-maçons : « Ils ont cessé assez rapidement car cette publication produisait un effet contraire, déplorable pour leur discours politique, en ce sens que le public y découvrait des gens qu’il considérait comme "des gens bien" ».

Les « affaires », la place des femmes…

Autre question, souvent débattue : les « affaires », les « fraternelles » organisées notamment pour organiser des partages de marchés. Le G.O. est « très clairement contre les fraternelles », tranche Daniel Morfouace. « Les fraternelles, certes, sont anodines pour 95% d’entre elles. Il y a celles des fumeurs de pipe ou de cigares, d’amateurs de chocolat ou de golf, mais il y en a une frange que nous regardons avec inquiétude. S’il se crée des choses comme celles-là, c’est justement parce que la Maçonnerie ne permet pas ces arrangements entre amis », poursuit-il.

Et enfin, quelle est la place des femmes ? Pour Daniel Morfouace, « elles ont une grande place. Le G.O. les accueille, et leur ouvre ses travaux, bien qu’il ne les initie pas ». Philippe Raffin va plus loin : « Le Rite Ecossais Rectifié est pratiqué par des femmes dans d’autres obédiences. Cela nous pose matière à réflexion sur la montée de la Maçonnerie féminine ». La position du R.E.R. n’est pas « statique », selon lui.


 

 

 

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