EDITO

Nord Littoral : les pieds dans le plat des réseaux sociaux

« Les journalistes n’ont pas de leçons à donner mais beaucoup de choses à montrer et y compris les plus nauséabondes, qu’elles se trament dans la jungle de Calais comme sur les réseaux sociaux ». Ce sont les propos de
David Guévart, directeur général de Nord Littoral, lors du "face cam" de mercredi soir dans le Petit Journal de Yann Barthès sur Canal + (à la 11e minute).

En dévoilant, à la une du journal Nord Littoral du 7 novembre dernier, les identités d’internautes ayant tenu des propos racistes vis-à-vis des migrants de Calais, le patron de presse a mis en lumière l’exaspération quotidienne de beaucoup de journalistes nordistes. Surtout les modérateurs, confrontés quotidiennement à des commentaires haineux, et pas seulement pour des articles concernant la jungle de Calais.

Cette polémique reprise dans de nombreux médias lance ainsi une vraie réflexion sur les limites des réseaux sociaux. En publiant ces statuts noir sur blanc, le but de Nord Littoral était évidemment de mettre les auteurs devant leurs propres responsabilités. Pour les internautes, l’écran offre une barrière tellement protectrice qu’on en oublie parfois la loi. Pour les médias, responsables à la fois des contenus et des commentaires édités sur leurs sites, il faut à tout prix supprimer ces publications haineuses puisque le racisme et l’incitation à la haine raciale sont, il faudra toujours le rappeler, répréhensibles par la loi française (au même titre que la xénophobie, l’antisémitisme et l’apologie des crimes de guerre d’ailleurs).

A travers cette polémique, Nord Littoral pose surtout une question fondamentale : en 2015, on peut tout dire mais pas tout montrer sur les réseaux sociaux. Alors que la moindre nudité est immédiatement filtrée, les propos racistes peuvent être publiés en toute impunité. La réponse du réseau social faite par Facebook à Nord Littoral sur le signalement de ces propos haineux est d’ailleurs tout simplement édifiante : selon le géant américain, ces propos n’ont pas été supprimés car ils n’enfreignent pas « les standards de la communauté Facebook ».

D’autres questions se dessinent en filigrane. En publiant ces propos, n’incite-t-on pas à la haine de ceux qui provoquent la haine raciale ? Supprimer les publications n’encourage-t-il pas à plus de haine, parfois même ailleurs sur les réseaux sociaux, là où les médias n’ont plus de prise ? Limiter la liberté d’expression a-t-elle au final plus d’effets pervers que bénéfiques ?, se questionnait Atlantico en début d’année. Jusqu’où tolérer l’intolérance, se demandait France Inter hier matin, en interviewant tour à tour les modérateurs de La Voix du Nord, France 3 Nord-Pas-de-Calais et France Bleu.

Plus que jamais, les médias doivent continuer à être présents pour expliquer, modérer, argumenter, informer. Le Club de la presse Nord-Pas-de-Calais, très attaché à la liberté d’expression, n’a pas de leçons à donner. En tant qu’association de professionnels, nous sommes prêts en tout cas à lancer le débat.


 

 

 

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