NORD OÙ EST TA « VOIX » ? (2001)

Suprême stupéfaction, les lecteurs de notre région n’ont pratiquement pas été informés de la véritable « guerre » qui a fait rage dans les étages de l’immeuble de la Voix du Nord situé sur la Grand Place. Il leur a fallu lire la presse... parisienne pour savoir ce qui se passait sous leurs propres fenêtres !

Ces dix-huit derniers mois, la Voix du Nord, principal quotidien de notre région, troisième titre de Province (après Ouest France et Sud Ouest), cinquième de France, a été victime d’un séisme. Conséquence de violents déchirements internes, le « Grand quotidien du Nord de la France », issu de la Résistance, a perdu son indépendance.

Pour comprendre comment on a pu en arriver là, il faut d’abord savoir où on en est actuellement et où se trouve le Pouvoir réel à la Voix du Nord. Officiellement, le Groupe Belge Rossel, du Soir de Bruxelles contrôlait, au 1er juin 2000 environ 66 % des actions du journal.
Sur 11.156 titres, la SA Rossel en possède en propre 5.549. Il faut y ajouter l’importante part de la Société CAMNOR, filiales du Crédit Agricole du Nord dont la gérance serait maintenant confiée au Groupe Rossel (1.637 titres). Le total représente 7.183 actions sur plus de 11.000 donc. Si l’on ajoute l’apport encore directement détourné par le Crédit Agricole cela représente près de 70 % des actions.

Jean Louis Prévost est encore, officiellement le second actionnaire avec 1027 parts, soit moins de 10 %, avant le Crédit Agricole, représenté au Conseil d’Administration par M. Claude Barre. Une série de cadres dirigeants du journal restent aussi porteurs de paquets d’actions, en nombre limité ainsi que Me Doussot, avocat lillois auteur de la plupart des montages juridiques qui concerne le journal depuis dès années. Certains de ces titres auraient toutefois déjà fait l’objet de vente.

UNE REDISTRIBUTION DES CARTES EN FINALE
Les actions de Rossel resteront-elles dans les mains du groupe belge ? C’est le principal point d’interrogation. Pour pratiquement toutes les sources, en particulier les syndicats de journalistes et d’ouvriers du livre, l’essentiel du pouvoir, pour les grandes décisions est confié à la Socpresse. C’est en effet Yves de Chaisemartin, administrateur du Groupe Rossel (où il représente le groupe Hersant propriétaire de 40 % du capital) qui a été désigné par la société Bruxelloise pour suivre la gestion du journal lillois. Ses interventions sont déjà effectives. Les accords de rapprochement avec Nord Eclair plaident dans le même sens.

Il semble que le groupe Belge, propriété de la famille Hurbain pour les 60 % restants, ne soit pas intéressé par la Voix du Nord. Il recherche en fait une sortie du groupe Hersant de son capital. Cela, pour éviter des problèmes ultérieurs de succession. Une redistribution des cartes est donc très probable à terme. Elle pourrait inclure sans doute aussi la cession à la Société Rossel des éditions belges de Nord Eclair.
Toutefois des retournements de situation sont toujours possibles. Notamment le groupe Hersant pourrait ne pas avoir entièrement renoncé, à prendre le contrôle du groupe Belge. Il ne lui manque que 10 % des actions et des vendeurs pourraient se trouver parmi les héritiers de la famille Hurbain ?

LE PLUS IMPORTANT : L’AVENIR DES HOMMES
Sur le plan des hommes, on sait que 67 journalistes (sur 280) sont partis, faisant valoir la clause de cession qui joue en cas de changement de propriétaire. D’autres départs sont possibles, certains ayant envoyés une lettre resservant leurs droits et leurs positions pour l’avenir.

Les embauches pour compenser ces départs se font au compte-gouttes : quarante-quatre depuis six mois quand même. Une Commission d’embauche fonctionne selon des critères de sélection qui ne tiennent pas compte que des critères d’aptitudes professionnelles mais de normes subjectives comme la coïncidence avec un « profil d’entreprise » ainsi que des notions de psychologie pas toujours très scientifiques. D’où la difficulté que rencontrerait la direction de « trouver chaussure à son pied ».

Enfin serait aussi objecté, l’engagement de la Voix du Nord d’embaucher 15 journalistes de Nord Eclair, mesures prévues dans les accords de restructuration. Pourtant, à Nord Eclair, on estime que le journal se trouve en sous-effectif. Il n’y aurait donc personnes à reclasser dans la rédaction.

Claude VINCENT


 

 

 

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