Philippe Beele : Un regard sensible s’est éteint

(photo à gauche : Philippe Beele, en compagnie de Carl Cordonnier)

C’est un portrait en couleur, sur fond bleu, posé sur un chevalet. Celui d’un photographe. Le sourire est discret. Un rien ironique, peut-être. Le regard : profond mais interrogatif. Un peu désabusé. Un peu tourmenté. Peut-être. Mais c’est le portrait d’un homme débordant d’humanité. Sans l’ombre d’un doute. Il est là, ce lundi 24 novembre au matin, dressé à l’entrée de l’église Saint-Sauveur. Comme pour saluer une dernière fois celles et ceux –très nombreux- qui sont venus lui rendre hommage. C’est lui, Philippe Beele, qui nous dit au revoir en nous offrant un ultime clin d’œil.

Des rencontres humaines

Sait-on jamais pourquoi l’on choisit de quitter la vie ? Celle-ci avait infligé à Philippe des blessures cruelles. Affectif, sensible à l’extrême, écorché vif, il souffrait. Il a décidé de mourir. A 54 ans. Il l’a fait sur son lieu de travail, à la mairie de Lille. Sans laisser de message. Certainement « pour ne blesser personne  », disent ses amis de « Lille Magazine ». C’était le 14 novembre. La veille au soir, il réalisait encore des photographies dans le quartier de Wazemmes. Les dernières.

Lors d’une assemblée générale du Club de la presse, à l’époque de la section « Images ».

Depuis une trentaine d’années, Philippe était reporter-photographe pour la ville de Lille. Emmanuel Crapet, journaliste à La Voix du Nord, écrit de lui qu’il « avait l’humanité d’un regard sensible sur le monde et les hommes. » Ses reportages étaient avant tout des «  rencontres humaines » ajoute-t-il. « Il était les yeux de la ville qu’il connaissait dans ses moindres recoins. Chaque Lillois a pu l’apprécier par ses images qui parlaient pour lui et pour nous tous. »

Chaleureux, intelligent, drôle, volontiers ironique, incisif et caustique, il savait toujours avoir le mot juste dont il jouait avec délectation. L’esprit constamment en alerte, il avait le sens de la formule. Un de ses amis n’hésite pas à estimer que ce grand professionnel de la photo pouvait aussi, par ses mots, prendre des allures de « tonton flingueur façon Michel Audiard  ».

Un homme entier

Surtout, Philippe Beele était un homme entier. Avec son métier, il ne plaisantait pas. Il était intransigeant avec la manière dont on traite la photo de presse. En 1993, Claude Berri réalise le film « Germinal », dans la région. La façon dont on accepte ou non la présence des photographes sur les lieux de tournage le heurte. Pire, elle le révolte. Cela le conduit à créer, avec quelques confrères, l’Association des photographes de presse du Nord – Pas de Calais.

Plus tard, sous sa présidence, cette association intègre le club de la presse Nord – Pas de Calais et en devient la section « Images ». Philippe Beele devient en même temps administrateur du Club. Chaque premier lundi du mois voit les membres de la section se réunir pour parler métier et évolution. Des expositions sont montées. On garde notamment en mémoire celle sur les bistrots lillois et celle consacrée au photojournalisme. Parmi l’équipe de la section « Images », d’autres figures : Michel Spingler, Max Rosereau, Sébastien Verdière, Carl Cordonnier, Luc Moleux, Sophie Deballe, Jean-Luc Piteux,etc.

De cette époque, on ne peut non plus oublier les soirées festives qui prolongeaient les réunions mensuelles de la section Image. Philippe tenait alors à animer personnellement ce que l’on appelait encore le « Bar du lundi ». Il venait avec ses disques préférés. Et sa joie de vivre.

Ce lundi 24 novembre au matin, nombre de ses amis qui étaient là y pensaient peut-être encore. Sous la nef de Saint-Sauveur, la voix de Jacques Brel chantait. « Quand on n’a que l’amour ».

Adieu l’Ami. On t’aimait bien, tu sais…

Philippe Allienne


 

 

 

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