Photo : Philippe Frutier survole la Picardie

Le photographe aérien Philippe Frutier vient de publier un nouveau livre (1). Après Le Nord-Pas de Calais, c’est la Picardie que le photographe nous invite à survoler, presque par tous les temps. Il est venu le présenter au Club le 1er décembre.

Photos : Gérard Rouy

Du ciel, on ne voit d’abord qu’une épaisse couche brumeuse. Puis l’œil est attiré par deux pics qui percent : la flèche de la cathédrale et la Tour Perret. La ville est donc là-dessous. Amiens sous la brume, c’est l’une des photos favorites de Philippe Frutier, qui vient de publier un nouveau recueil de photos. Après Le Nord-Pas de Calais à tire d’aile, sorti il y a un an, le photographe aérien consacre un livre à la Picardie.
La région n’est pas bien loin de sa piste d’envol, à Roclincourt, près d’Arras, où Philippe Frutier a établi sa base. En Picardie, le photographe arrageois n’est pas en terre inconnue. Le créateur de l’agence Altimage, qui travaille notamment pour les aménageurs publics, y travaille depuis dix ans. Une autre commande émanait, elle, de la presse régionale, lorsque le Courrier Picard lui a demandé de photographier chaque commune ou presque de la Somme, l’Oise et l’Aisne. Certaines de ces images ont été reproduites dans son dernier ouvrage.

Philippe Frutier, qui « (a) fait (ses) premiers pas dans l’air » au-dessus d’Abbeville, a survolé à nouveau la Baie de Somme, la côte et son « camaïeu de bleus », l’hippodrome de Chantilly, les églises de Thiérache, les cathédrales et les abbayes, les vignes de champagne, dans le sud de l’Aisne, les canaux, les forêts… Les vues aériennes montrent les incontournables de la région : le familistère de Guise, le château de Chantilly, les grandes cathédrales gothiques d’Amiens, Beauvais ou Laon, les grandes cultures et la verdure. « A la différence du Nord-Pas-de-Calais, très marqué par l’économie, ici se sont imposées la nature, les rivières », explique Philippe Frutier.

La Picardie compte aussi beaucoup de châteaux. Les photographier n’a pas été le plus difficile. Le plus compliqué fut « de trouver les propriétaires, pour leur demander l’autorisation de publier », confie Philippe Frutier. La famille Grimaldi, propriétaire d’un château dans l’Aisne que connaissent bien les paparazzi, n’a pas montré la moindre opposition, paraît-il.

Le pilote s’est aussi éloigné des couloirs battus. En témoigne le petit clocher de l’église du Bois de Cise, perdu au milieu du vert de la forêt. « Celle-là, j’ai mis du temps à la trouver  », souligne Philippe Frutier. Autre surprise : les dessins formés dans les champs par les vestiges enterrés du passé, comme cette sépulture préhistorique, voisine d’un temple romain. Plus de mille ans séparent les deux constructions, aujourd’hui réduites à de légères empreintes dans la terre.
Le photographe avoue aussi s’émerveiller des dessins formés par les cultures, les étonnantes formes géométriques que prennent les champs, le bocage et les hortillonnages. D’en bas, on ne voit que de longs alignements. D’en haut, Philippe Frutier en fait de petits tableaux.
Régulièrement, Philippe Frutier travaille sur commande, pour le compte d’entreprises ou d’institutions. Photos verticales ou photos obliques, ces images vues du ciel servent surtout aux projets d’aménagement. Elles requièrent clarté et précision. Ce n’est pas forcément ce que Philippe Frutier recherche. Il revendique une démarche « complètement différente  », « plus artistique ». La Picardie à tire d’aile «  n’est pas une commande, tient-il à préciser. Sur les quelque 100 000 clichés que le photographe possède sur la Picardie, de nombreuses photos réunies dans ce livre « ont été prises au hasard, avec la bonne lumière, au bon moment ». « J’aime prendre mon temps. C’est un luxe, mais c’est une question de respect vis-à-vis des gens qui vont voir ce travail. J’ai du mal à imaginer qu’on se plante deux mois dans une région et à faire des photos  ». Si le photographe conserve la même technique de prise de vue – verticale ou oblique –, il se laisse aller le long du cours paresseux de l’Oise, pas pressée de regagner son lit, et cherche la belle image cachée sous la brume. « 2008 a été une mauvaise année : on a eu environ vingt jours de beau temps… Mais ça m’a permis de faire des photos comme celles-là  », lâche Philippe Frutier.

Pilote et photographe, Philippe Frutier ne voit la terre que de son ULM. Pas de repérage au sol. «  Jamais !  » Les méandres des rivières et les alignements des jardins et des champs, de toute façon, ne révèlent leur beauté que vus d’en haut.

La Picardie à tire d’aile est un livre de photos, certes. Mais le lecteur trouvera aussi quelques courtes explications, grâce aux textes de Jean-Jacques d’Amore, « un ami », et Delphine Vasseur, pour le compte des éditions Degorge, à Arras (2).
Philippe Frutier a encore d’autres projets en tête. Il aimerait publier un recueil de « photos artistiques, qui n’aient pas de logique géographique ». Alignement végétaux, courbes d’eau, taches colorées des étangs et des bassins de décantation – un sujet de prédilection –, « pour ça, j’ai déjà la matière  », indique le photographe. Reste à le mettre en forme.

Dans sa soute, Philippe Frutier conserve encore bien d’autres clichés, du Nord-Pas de Calais, de Picardie et… de Normandie, qui devrait bientôt faire l’objet d’un nouveau livre. Quand ? « Je veux prendre mon temps », répète le pilote. On lui accorde, à condition qu’il revienne avec des vues aussi étonnantes.

Mathieu Hébert

(1) Philippe Frutier, La Picardie à tire d’aile, Ed. Degorge, Arras (Textes de Jean-Jacques d’Amore et Delphine Vasseur).

(2) Récemment créées au sein de l’agence de communication Cituation et Ensemble, à Arras, les éditions Degeorge publient ces jours-ci un livre de photos sur Maubeuge et le Val de Sambre : Jean-Jacques d’Amore et Delphine Vasseur (textes) et Andrea Di Nola (photos), Maubeuge, la cité réinventée, Ed. Degorge, Arras, décembre 2008


 

 

 

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