Pour le collectif « Une école pour toutes et tous » - « L’école publique ne doit pas choisir son public » - 30 septembre 2004

Le collectif de la métropole lilloise « Une école pour toutes et tous - contre les lois d’exclusion » qui regroupent des élèves, des enseignants, des parents d’élèves et tous les citoyens attachés aux libertés individuelles, a fait son premier bilan de la rentrée 2004 au Club de la Presse.

Avec ou sans le voile, « la rentrée ne s’est pas bien passée ». Beaucoup de filles ont choisi d’enlever le voile avant d’entrer au lycée. D’autres se sont présentées portant le foulard. Elles entraient ainsi dans une semaine de dialogue.

Zakia Meziani, de l’« Association pour la reconnaissance des droits et libertés à la femme musulmane » estime au contraire qu’on est plus proche d’une mise à l’écart. « Les filles sont seules dans une salle de permanence. Elles n’ont même pas le droit de prendre leur récréation ou d’aller aux toilettes en même temps que les autres élèves ».

Selon elle, c’est pour pousser ces filles à l’auto-exclusion. Soit elles enlèvent leur voile, en se sentant humiliées, soit elles quittent le lycée d’elles-mêmes, « cela fait moins de vagues ». Des alternatives - lycées privés, cours par correspondance - existent mais sont très loin d’être satisfaisantes. Le collectif revendique d’abord le droit à l’éducation pour toutes et tous et estime que cela ne peut pas être remis en cause ; « l’école publique ne doit pas choisir son public ».

Le collectif dénonce aussi une mauvaise évaluation de la rentrée : le 20 septembre, cent un cas « problématiques » étaient dénombrés mais il n’y a eu aucune prise en compte des élèves manquantes. Combien de filles voilées ne sont pas retournées en cours cette année ?

Il souligne aussi les discriminations et dérives supplémentaires qui prennent forme à la suite de cette loi. Des femmes voilées se sont vues refuser l’autorisation d’entrer dans l’école de leurs enfants. De nombreux règlements d’établissements interdisent désormais tout couvre-chefs (pourtant le bandana n’a jamais été un signe religieux).

Nelly Bourguet-Canale, membre du collectif droits des femmes sur Lille et d’« Une école pour tous », explique que la question n’est pas d’être « pour ou contre le voile ». Même si on considère que le voile est une atteinte à la liberté des femmes, « on ne peut pas libérer en excluant. C’est une honte que la spécificité franco-française se révèle avec une loi d’exclusion ». Elle ajoute que les deux mille cas de filles en âge d’aller à l’école qui sont voilées ne peuvent pas représenter un danger.

Le sociologue Saïd Bouamama cite Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix et prix des droits de l’homme de la République française en 2003, qui estime que le droit de ne pas porter le voile implique le droit de le porter. Bien qu’elle se soit battue contre son obligation en Iran, elle défend la liberté des musulmanes en Europe.

Le chercheur rappelle que la laïcité est sensée s’appliquer aux locaux, aux programmes scolaires et aux enseignants et non pas aux élèves. « La laïcité consiste à vivre ensemble dans une société diverse, culturellement, religieusement. La réponse rapide donnée ici est de supprimer cette diversité. » Or l’exclusion est source de repli identitaire.

Aux yeux du collectif, cette loi alimente l’intégrisme et les communautarismes, au lieu de les affaiblir. Elle renforce du même coup les points de vue racistes.

La loi du 15 mars 2004, d’ailleurs en contradiction avec la convention internationale des Droits de l’enfant, fait des victimes : les filles voilées qui voudraient poursuivre leurs études. Elles ont un choix à faire entre deux droits fondamentaux : leur foi et une éducation laïque.

Si certaines se sentent humiliées de devoir porter un foulard, pour d’autres, l’humiliation c’est d’être forcées de le retirer.

Claire Carpentier

Quelques opinions :

- Selon un sondage CSA (dans Le Parisien, le 20/09/04), 76 % des Français se disent favorables à loi sur la laïcité.

- Aux États-Unis, le ministère de la Justice a donné gain de cause à une élève musulmane exclue à deux reprises pour port du foulard. L’adjoint du ministre de la Justice américaine a déclaré qu’« aucun élève ne devrait être forcé de choisir entre sa foi et les bénéfices de l’éducation publique » (dans L’Express du 19/04/04).

- En Grande-Bretagne, la loi a été relativement incomprise. D’ailleurs, une campagne pour demander à la France, via le parlement européen, de la reconsidérer se développe sous l’influence de l’association britannique Pro Hidjab (dans Lilleplus du 24/09/04).

- En Allemagne, dans certains länder, des campagnes sont menées pour interdire le foulard.

Contact :
Web : www.ecolepourtoutes-tous.org
E-mail : ecolepourtou-tes.lille tiscali.fr
Siham Andalouci : 06 63 87 96 42
Jan Pauwels : 06 32 67 77 98

En savoir plus :
Film : Un racisme à peine voilé, réalisé par Jérôme Host, La Flèche Production
Livre : L’affaire du foulard islamique - la production d’un racisme respectable, de Saïd Bouamama, Éditions du Geai bleu


 

 

 

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