Son passeport lui a été rendu : Mohamed Benchicou bientôt au Club de la presse (14 décembre 2006)

photo Gérard Rouy

Son passeport lui a été rendu : Mohamed Benchicou bientôt au Club de la presse (14 décembre 2006)

Il aura fallu plus de cinq mois et demi pour que les autorités algériennes restituent son passeport à Mohamed Benchicou. Libéré de la prison d’El Harrach (Alger) le 14 juin, après deux années d’incarcération, il n’a retrouvé son précieux document que le 20 novembre. Son interdiction de sortie de territoire n’a été levée que le 27 novembre. Deux jours plus tard, il prenait l’avion pour l’Espagne. Son combat pour la liberté de la presse continue. Il le mènera dans le Nord dès ce dimanche, pour une émission de Radio Campus. Il devrait également figurer parmi les invités du Club de la presse le 9 janvier, pour un moment fort consacré à la liberté de la presse dont le programme reste à préciser.

Son combat, Mohamed Benchicou ne l’a jamais cessé (lire l’encadré). C’était vrai avant la prison ; c’était vrai pendant, ça l’est toujours après. A présent qu’il peut de nouveau voyager, ayant récupéré son passeport, sa lutte est plus que jamais d’actualité. Dès le 29 novembre, il a pris l’avion pour l’Espagne où il était invité par le journal La Voz del Occidente pour la remise, à titre posthume, du prix international de la liberté d’expression à la journaliste russe Anna Politkovskaïa. L’an dernier, c’est à Mohamed Benchicou lui-même que le journal espagnol décernait ce prix. Le directeur du Matin, qui signe désormais une chronique hebdomadaire et décoiffante pour le quotidien Le Soir d’Algérie, s’est ensuite rendu à Grenoble pour assister au 27ème congrès de l’Union des clubs de la presse de France (UCPF). Il est bien sûr intervenu pour la liberté d’expression. Il regrette de n’avoir pu, comme son programme le prévoyait, aller au Liban pour participer à un colloque intitulé « La presse [arabe] en état de siège ».

Au micro de Radio Campus dimanche 17 décembre

Ce dimanche 17 décembre, il sera au micro de Radio Campus, à Villeneuve d’Ascq, qui réalise chaque semaine depuis une dizaine d’années une émission intitulée « La Voix de la Berbérie » (1). Enfin, Mohamed Benchicou devrait faire partie des invités d’un temps fort sur la liberté de la presse, le mardi 9 janvier au Club de la presse, dont le programme précis reste encore à déterminer. En juin dernier, juste après sa remise en liberté, il avait approuvé la décision du Club de laisser son affiche sur la façade de notre bâtiment afin de réclamer le retour à la libre expression des journaux et des journalistes. « Aujourd’hui, dit-il, la presse algérienne sort de trois années terribles qui ont commencé en plein cœur de l’été 2003. Cinq quotidiens avaient alors été suspendus et des journalises étaient interpellés. En 2004, sept journalistes ont été condamnés et 23 autres interpellés. Le harcèlement s’est poursuivi jusqu’au 3 juillet 2006, date à laquelle le président Bouteflika a décidé une amnistie pour les journalistes poursuivis ».

Mais, outre que le problème de la liberté de la presse n’est pas réglé pour autant, « ces trois années ont laissé des traces sérieuses, ajoute-t-il. La presse a peur pour son devenir. L’exemple donné avec la suspension du Matin et l’incarcération de son directeur ont montré jusqu’où le pouvoir peut aller. Cela n’avait jamais été autant violent. » En Algérie, les relais et les soutiens ne sont pas évidents. Ils ne le sont pas non plus venant de l’extérieur. Mohamed Benchicou le regrette. Raison de plus pour ne pas retirer son portrait de la façade du Club de la presse. Un portrait qui s’affiche avec toute la symbolique que cela suppose pour l’ensemble des journaux et des journalistes poursuivis dans le monde.

Philippe ALLIENNE

(1) L’émission est programmée de 13h30 à 15h sur FM 106.6.
Site internet de Radio Campus : www-radio-campus.univ-lille1.fr.

Un long combat pour la liberté d’expression

Mohamed Benchicou commence sa carrière de journaliste en 1972, à 20 ans. Il est d’abord correspondant pour le quotidien oranais El Djoumhouria, au service des sports, avant de créer et d’animer Le Canard, une revue interne de la Direction des affaires sociales de l’entreprise publique Sonatrach. En 1975, il entre pour un an à l’agence Algérie presse service (APS), à la rubrique sportive, avant d’être embauché par l’hebdomadaire Algérie Actualités.

En 1977, il intègre la rédaction du quotidien El Moudjahid où il dirige la rubrique économique. Trois ans plus tard, l’Algérie vit les émeutes, violemment réprimées, du « printemps berbère », en Kabylie. Il signe alors une pétition, adressée au ministère de l’Information, qui dénonce le traitement des événements par la presse. Ce qui lui vaut une mutation avant d’obtenir sa réintégration au journal.

Lorsque le monopole de la presse publique est brisé, en 1989, il participe à la relance du quotidien Alger Républicain, qui avait été interdit en 1965 et dont l’un des fondateurs était Henri Alleg. Mais en juin 1991, des divergences avec la direction l’amènent à quitter ce titre, avec une majorité de la rédaction. Il crée alors Le Matin, qui restera l’un des principaux quotidiens francophones d’opposition au pouvoir jusqu’en juillet 2004.

Mohamed Benchicou est condamné à deux ans de prison ferme, officiellement pour « infraction régissant le contrôle des changes et les mouvements des capitaux » (l’affaire des « bons de caisse » évoquée dans les articles précédents) et il est incarcéré en juin 2004. Fin juillet de la même année, Le Matin cesse de paraître, officiellement suspendu pour des raisons financières. On sait que le ministre de l’Intérieur n’a jamais pardonné à Mohamed Benchicou ses articles sur la corruption, dans lesquels il est personnellement mis en cause. On sait aussi que le pouvoir n’a pas supporté la publication, durant la campagne présidentielle, du livre « Bouteflika, une imposture algérienne ».

Ph. A.


 

 

 

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