Edito

Souffrance au travail :
Journalistes fatigués, stressés et pas toujours respectés

Comme la plupart des salariés, les journalistes n’échappent pas à la souffrance au travail. La diminution des effectifs, les nouvelles technologies, la multiplication des tâches et l’impératif de rentabilisation se traduisent immanquablement par de la tension, de la fatigue, du découragement et du stress.

Au printemps dernier, le SNJ CGT du Nord – Pas de Calais a lancé une enquête sur la santé au travail auprès des journalistes de la région. Le syndicat en a fait une restitution ce 10 février. Elle est riche d’enseignements. Nous y reviendrons dans le détail.

Que l’on se rassure. L’enquête révèle que la plupart des journalistes interrogés gardent le sentiment de faire un travail utile et intéressant. Ils demeurent fiers de leur travail. Excellente nouvelle ! Il ne faut toutefois pas s’y tromper. La souffrance au travail n’a rien d’une galéjade. Pour qui que ce soit. Certainement pas pour celles et ceux qui ont choisi un métier pour ce qu’il représente, pour ce qu’il pourra leur apporter en richesse humaine, pour ce qu’elles et ils pourront lui apporter et, ce faisant, apporter à la société humaine.

En d’autres termes, être fier de son travail, de son métier, de sa profession signifie que l’on y croit au point d’y consacrer une bonne partie de sa vie. « On sait que sens du travail et santé au travail sont étroitement liés. Là où le travail perd son sens, le travailleur perd sa santé » écrit, avec juste raison, Alain Goguey (*), initiateur de l’enquête du SNJ CGT.

Or, le sens commence à se perdre dès lors que les tâches qu’il faut accomplir deviennent multiples et chronophages au point de prendre la priorité sur le cœur du métier. Lorsque des patrons de presse, par exemple, parlent « modernisation » et prônent le « journalisme assis ».

Il existe d’autres comportements, volontaires ou non, conscients ou pas, pervers souvent, qui génèrent à la fois fatigue, stress et perte de sens. Un journaliste rémunéré à la pige, travailleur isolé et précaire dans bien des cas, appréciera très moyennement la signature d’un tiers au bas de son article. Et l’assurance, en réponse à son étonnement, qu’il sera normalement payé ne changera rien à l’affaire. Le sentiment de non reconnaissance, voire de mépris, n’est pas particulièrement bénéfique pour la santé.

Que dire de ces autres « pigistes » que l’on balade plusieurs mois avant de les rémunérer, et pas toujours au juste prix ? Le terme « mépris » prend d’ailleurs ici tout son sens ! Mépris de la législation du travail, mépris du métier, mépris de la profession. Mais il semble bien avoir de l’avenir, tant au sein des rédactions permanentes qu’à l’égard des journalistes pigistes. C’est toute une profession qui est menacée de souffrance. Avec pour consigne de « s’adapter ».

Philippe Allienne

(*) Dans un article publié dans la revue syndicale « Témoins » n°46, p.20


 

 

 

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