Jules Clauwaert :
un grand journaliste s’en est allé

Jules Clauwaert est décédé le 3 février à l’âge de 90 ans. La presse régionale perd une de ses grandes figures, homme de conviction et éditorialiste de talent.

Jules Clauwaert, en 1993, lors d’une interview pour Liberté Hebdo

Jules Clauwaert s’en est allé le 3 février, à l’âge de 90 ans. Sans aucun doute, une page importante de l’histoire du journalisme de notre région vient de se tourner avec la disparition de l’ancien rédacteur en chef et éditorialiste de Nord éclair. Son nom est «  indissociablement lié » à ce titre, « ce journal dont il fut l’un des acteurs principaux de la toute première équipe, au lendemain de la Libération du Nord, de Lille et de Roubaix, jusqu’à ce que ses forces l’abandonnent et le contraignent à poser sa plume d’éditorialiste soixante ans plus tard », écrivent dans Nord éclair de ce 4 février Jean-René Lore, ancien directeur général et rédacteur en chef de Nord éclair, et Patrick Pépin, ancien président du Conseil permanent de Nord éclair et directeur général de l’ESJ de Lille.

Attaché à la liberté et au pluralisme de la presse

Jules Clauwaert est de cette génération de journalistes issue de la guerre et de la Résistance. Fils d’un mineur flamand, il côtoie d’ailleurs dans les corons Jacques Estager, jeune intellectuel dirigeant dans la Résistance du bassin minier qui entrera dans la presse communiste et dirigera notamment le quotidien Liberté, quand Jules Clauwaert se lance « dans l’aventure Nord éclair dont le premier numéro paraît le 5 septembre 1944. L’ancien Journal de Roubaix disparaît alors, emporté dans le sillage de la Libération, et voit ses installations industrielles et commerciales confiées à une équipe du RIC (Résistant d’inspiration chrétienne) ».
Diplômé de l’Ecole supérieure de journalisme qu’il présidera quelques années, homme de conviction, démocrate-chrétien et pro européen, éditorialiste de talent, attaché à la liberté et au pluralisme de la presse, il incarne Nord éclair, «  quotidien démocrate et social d’inspiration chrétienne », un journal alors en concurrence hostile avec La Voix du Nord.

EN 1993, Jules Clauwaert participe à un débat à l’Espace Marx sur "Le siècle des communismes"

Quand les titres des quotidiens s’affaiblissent, se restructurent voire disparaissent les uns après les autres, au fur et mesure de l’abandon des orientations insufflées par le Conseil national de la Résistance, et face à la nécessité d’engager de lourds investissements, le titre est absorbé par le groupe Hersant en 1975. Jules Clauwaert contribue alors avec la rédaction à la création de l’Association de Journalistes et à la création de « deux sociétés, l’une industrielle et commerciale, l’autre éditoriale indépendante, liées par contrat pour exploiter et faire vivre Nord éclair ».
Il continuera à signer les éditos durant de longues années. Ironie de l’histoire de la presse, les rédactions de Nord éclair et de La Voix du Nord fusionnent finalement en 2013.

Nous sommes des fabricants de lien social

« Nous sommes des fabricants de lien social entre les hommes, entre les groupes, entre les communautés qui cohabitent sans se connaître », écrivait-il encore dans les colonnes du journal appartenant au groupe La Voix en 2006, au moment du passage de Nord éclair au petit format », rappelle la Voix du Nord ce 4 février.

Militant et humaniste, engagé pour sa ville de Roubaix aux côtés d’André Diligent en particulier, Jules Clauwaert assuma durant quelques années la présidence de l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille. Il se distinguait par son ouverture, son sens du dialogue, témoin «  d’un temps où le débat savait encore prendre son temps », souligne un ancien confrère. Il fut des tout premiers adhérents au Club de la presse dont il soutint la création en tant que président d’honneur en 1992. Nous tenions à saluer ici sa mémoire et à présenter les sincères condoléances du Club à sa famille et à ses proches.

M.D.

Jules Clauwaert est né en 1923 à Izel (Pas-de-Calais). Fils de mineur, diplômé de l’Ecole supérieure de journalisme de Lille, il entre à « Nord Eclair » en 1944. En 1947, il est conseiller municipal à Lens. Il deviendra rédacteur en chef, directeur général puis président du Conseil permanent de « Nord Eclair Edition ». Président (1965-1978) puis président d’honneur de l’Ecole supérieure de journalisme de Lille, président-fondateur du Groupement des rédacteurs en chef de la presse quotidienne de province, co-fondateur du Centre de perfectionnement des journalistes à Paris, premier secrétaire général de l’Association presse-éducation-jeunesse, Jules Clauwaert était chevalier de la Légion d’honneur.

Informations issues du livre « Des journalistes en Nord » publié aux Editions Trimedia ESJ Lille en 1986, dans lequel témoignent Pierre Béhal (Nord Matin puis Voix du Nord), Jules Clauwaert (Nord Eclair), Serge Contesse (Voix du Nord), Robert Décout (Voix du Nord), Marie-George Delmasure (La Croix du Nord), Jacques Estager (Liberté), Pierre Garcette (Nord Eclair), Georges Sueur (Nord Eclair, le Monde). Ce livre peut être consulté au Club de la presse.


 

 

 

La Vie du Club

ESPACE PRESSE