Edito

Anomali et Graines de druides : un chicon dans la potion

Chaque année, lorsque le Club de la presse remet ses prix Chicon et Houblon, la question est immanquablement posée. Le Chicon, qui souligne des relations presse défaillantes, ne relève-t-il pas d’un règlement de compte des journalistes à l’encontre d’un communicant ? L’endive ne recèlerait-elle pas quelques graines de mauvaise foi ?

Cette année, le panier est allé à une association qui œuvre en faveur d’une société dégagée de la marchandisation et pour le développement durable. Une cause noble qui ne mérite pas de moquerie. Une éthique et un engagement qui ne peuvent que susciter le respect.

L’objet du prix Chicon 2011 n’est pas là. Pour noble qu’elle soit, une action associative gagne certainement à être portée à la connaissance du public. On peut certes, pour des raisons idéologiques, ou éthiques, choisir de se tenir éloigné du monde médiatique et nourrir de la méfiance à l’égard des journalistes. L’actualité hélas foisonne d’exemples de mauvais comportements journalistiques, de dérapages, d’angles malheureux.

Mais si l’on choisit de ne pas communiquer, il convient alors d’aller au bout de son choix et de ne pas décider pour le public ce qui est bon ou ce qui n’est pas bon pour lui. En l’occurrence, la réponse apportée par « Anomali et Graines de Druides » à la sollicitation d’une journaliste de 20 minutes n’a pas manqué d’impressionner le jury du club de la presse.

L’hiver dernier, à l’approche de Noël, cette journaliste avait souhaité écrire un article sur la manière de passer les fêtes sans acheter. Idée originale et intéressante. Pour ce faire, elle avait pensé réaliser un reportage en assistant à un atelier d’ « Anomali et Graines de Druides » dont les activités semblaient correspondre à son sujet : « Fabriquer des cadeaux soi-même ». Comme l’on dit, cela ne casse pas forcément trois pattes à un canard, mais la démarche journalistique avait l’immense mérite de l’originalité. Elle portait un regard neuf sur le marronnier de fin d’année. Elle permettait d’informer sur des pratiques fort éloignées de l’ultra-libéralisme qui nous dévore tout cru.

Chez Anomali et Graines de Druides, on ne l’a pas entendu de cette oreille. Reproches en vrac et en détails : 20 minutes est un journal gratuit. Il vit de la publicité. Il n’est pas « écologiquement correct ». Il « impose son information ». N’en jetez plus. La journaliste a été éconduite. Alors, question : De quelle éthique parle-t-on ici ? Sur quelle réalité s’appuie une telle volée de bois vert ?

Est-on mauvais journaliste dès lors que l’on écrit pour un journal vendant des espaces publicitaires ? On sait que le combat -fort rude- est ailleurs. Faut-il nécessairement écrire pour un organe de presse « écolo », défendant les valeurs du développement durable et pourfendant la marchandisation de notre société ? Mais alors, un tel journal -idéal pour certains- n’impose-t-il pas lui-même sa propre information ?

Informer, c’est choisir. Tout journaliste a appris cela. Ce sont certes les titres de presse et les journalistes qui sélectionnent et qui hiérarchisent l’information. L’essentiel est que le lecteur ait le choix entre les titres. Si, en revanche, une association « écologiquement correcte » veut imposer un choix de lecture au public (lisez tel journal ou telle revue, mais surtout pas celui-là), elle penche alors vers un comportement sectaire : « Ce que je fais ne concerne qu’un public choisi, un public de qualité ».En fonction de quels critères ? Comment alors critiquer les grands groupes capitalistes qui interviennent au sein des rédactions ?

Choisir ce qui est bon ou pas bon pour le public revient à choisir entre bon public et... mauvais public. Nous sommes à des lustres de l’information citoyenne. Le mépris pour le peuple n’est pas loin.

Philippe Allienne


 

 

 

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