Daniel Carton, des corons à l’Elysée

Ancien journaliste de la Voix du Nord, du Monde et du Nouvel Observateur, Daniel Carton s’est frotté au monde politique pendant de nombreuses années. De son expérience il a tiré plusieurs ouvrages consacrés à ceux qui nous gouvernent et leur relations avec les médias, notamment « bien entendu c’est off », pour lequel il était déjà venu au Club en 2003. Avec son dernier ouvrage, « A la grâce, une enfance dans les corons », il tourne la page des livres politiques et choisit de raconter son enfance. Un changement de registre comme un retour aux sources dans les corons qui l’ont vu grandir.

Daniel Carton lors de sa venue au Club de la presse (photo Géard Rouy)

Comment explique-t’il cette envie de passer au je, au biographique, après tant d’années à décortiquer et analyser la politique de notre pays ? Daniel carton évoque son envie de parler de son enfance, de la vie et des traditions du bassin minier, un coin bien particulier du Nord. Peut-être pour rétablir un équilibre, lassé de voir la région réduite à des clichés usés : Germinal, les corons de Bachelet, Dany Boon et ses Ch’tis. Il y a pourtant tant de choses à dire.

En grandissant dans une cité minière, Daniel Carton a été témoin d’une certaine humanité qui manque aujourd’hui selon lui. A l’époque on ne parlait pas de quartier mais de cité, on vivait dans un milieu simple, modeste mais que l’on ne considérait pas comme défavorisé. Comme il le confesse, une de ses craintes était de ne pas éviter l’écueil du misérabilisme, ce qui explique le ton positif de l’ouvrage. Selon lui l’environnement, les valeurs permettaient aux gens modestes de s’en sortir. L’élitisme populaire n’était pas un vain mot et les institutions (Les partis politiques (PC et PS), les syndicats, l’école, l’Eglise) avaient une réelle influence dont elles usaient pour ouvrir les gens sur le monde extérieur.

On comprend alors mieux ce que Daniel Carton veut dire quand il déclare « on ne s’en remet jamais d’avoir grandi dans ce milieu  ». Ce milieu qui lui a permis de devenir journaliste, lui a inculqué une haute estime de la politique qu’il a recherché tout au long de sa carrière et qui ne l’a pas quitté quand il a commencé à côtoyer les ors de la république. « J’avais conservé des réflexes de pauvre, j’éteignais la lumière lorsque je quittais la salle de presse ».

un coup de projecteur sur le passé pour éclairer l’avenir

Si Daniel Carton a repris la plume, c’est aussi parcequ’il sent qu’une partie de cette richesse est en train de disparaître : « on divertit mais on n’élève plus les gens  ». Le lien social se détend aussi : « à 18h30 il n’y a plus personnes dans les cafés, ils sont tous devant des écrans « plats »  » , « tout est fait pour abrutir les gens et pour qu’ils ne réfléchissent pas trop ».

La presse, « qui commente et n’a rien à raconter », n’y est peut être par pour rien. Avec son récit, il ouvre le débat sur cette perte des valeurs avec la volonté de donner des raisons d’espérer. Le classement Unesco, l’ouverture du Louvre Lens sont des signaux positifs qui aideront peut être à rompre « une résignation tellement intégrée ». L’ancien journaliste apporte sa pierre à l’édifice : « Si j’arrive à réveiller des souvenirs chez les lecteurs j’ai réussi. On pense que ce sont des histoires mais les parents doivent raconter ces périodes, les enfants ont besoin de cette histoire ».

Évidement, changement d’époque oblige, le livre est émaillé de nombreuses anecdotes qui pourront surprendre ceux qui n’ont pas connu le noir et blanc : « les toilettes au fond du jardin », les « cinq stations de TSF, et pour voyager on passait sur les ondes courtes », « il y a avait deux catégories de gens, ceux qui attendait la tonalité et ceux qui attendait le téléphone »... Un coup d’œil dans le rétro rafraîchissant à l’heure où l’on à tendance à confondre progrès et gadgets.

« A la grâce, une enfance dans les corons » aux éditions Fayard - 18€


 

 

 

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