Formés à la Gazette Nord-Pas de Calais en janvier et février 2014, ils travaillent depuis près de dix mois à partir du Maroc. Comment s’effectuent la prise de contact avec les interlocuteurs, les entretiens, les reportages ? Quid de la vérification des infos et du croisement des sources ? Toutes les étapes se font à distance, par mail ou téléphone. Quel lien entretiennent-ils avec la rédaction ? Comment et combien sont-ils rémunérés ? Aucun membre de la direction de la Gazette n’a répondu à nos sollicitations. Idem du côté des jeunes rédacteurs.
Tous les titres concernés sont liés à Arnould Méplon, gérant et directeur de publication de la Gazette Nord-Pas de Calais. Cette vieille dame de l’information économique régionale, spécialisée dans les annonces légales et l’information financière, est partenaire de quelques événements de prestige ou réseaux d’influence, comme la Nuit des autodidactes ou le Club des entreprises centenaires.
Son dirigeant, lui, cultive la discrétion. Arnould Méplon, 61 ans, fréquente peu les réseaux patronaux nordistes. A la tête de la Gazette et de la holding SPID, il a pris part au lancement de Grand Lille TV. Cet expert-comptable de formation, ancien responsable des services financiers de Transpole, l’opérateur de transport en commun de Lille, est aussi à l’origine de la réorganisation et du développement de Douriez-Bataille, devenu le groupe DB Print, présent dans l’impression, les travaux pré-presse et le routage. Le groupe dispose de sites d’impression à Halluin, près de Lille, et Varsovie, ainsi que des studios et agences commerciales à Amiens, Bruxelles et... Marrakech.
« Ça tue le journal »
Réduire les tarifs des piges ou faire écrire les sujets hors de la région n’est pas une première pour la Gazette. Pendant longtemps, les journalistes qui pigeaient pour le titre étaient invités à recourir au portage salarial, aux droits d’auteur ou au statut d’auto-entrepreneur, et à renoncer à la fiche de paie. A 40 euros le feuillet, moins les cotisations sociales, le reportage coûte presque plus qu’il rapporte. Il y a plusieurs années, Arnould Méplon avait aussi tenté de faire rédiger une partie du contenu de la Gazette via un prestataire au Canada. Mais cette idée n’a jamais été concrétisée, semble-t-il. Avec le recours à ces nouveaux collaborateurs au statut flou, on imagine que les pigistes réguliers ont vu leurs commandes diminuer.
La pratique « commence à se savoir, tant chez les journalistes que chez les acteurs économiques », observe une journaliste de la région. « Vous l’avez rêvé, Méplon l’a fait », ironise un acteur économique. « Ça tue le journal », pronostique une consoeur. Un autre professionnel est plus tranché : « exécrable, odieux, épouvantable ! »
Le statut de VIE, une aubaine ?
Sur les réseaux sociaux, les deux jeunes hommes, l’un diplômé de Sciences Po Toulouse et l’autre de l’Institut des relations internationales et stratégiques, se présentent comme « rédacteurs économiques » sous le statut de volontaire international en entreprise (VIE). Ce statut, accordé à des jeunes de moins de 28 ans, s’intègre au dispositif de soutien de l’Etat aux entreprises qui souhaitent engager une démarche internationale, en vue d’exporter ou de nouer un partenariat avec des entreprises étrangères. « Cela concerne uniquement une mission à l’étranger. Dans l’autre sens, ce n’est pas possible », indique-t-on chez Ubifrance, qui coordonne le dispositif VIE.
Le VIE, qui ne suppose aucun contrat entre le jeune et l’entreprise, présente d’autres avantages pour un employeur. Outre l’appui d’Ubifrance, il peut donner lieu à des aides supplémentaires selon les régions. Le Conseil régional Nord-Pas de Calais accorde ainsi, pour les entreprises qui en font la demande, une aide forfaitaire de 15.000 euros dans le cas d’une mission réalisée hors Union européenne.
Selon nos informations, au moins l’un des deux VIE concernés a fait l’objet d’une aide de la Région Nord-Pas de Calais.
Mathieu Hébert