Hervé et Stéphane, otages en Afghanistan
Près d’un an et de nombreuses questions

Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier sont maintenant retenus en Afghanistan depuis près d’un an. Depuis que le comité de soutien a été reçu à l’Elysée, voici deux semaines, et depuis que le président afghan Hamid Karzaï est entré « dans la boucle des négociations », on parle beaucoup d’espoir pour une libération prochaine. Mais personne, dans les rangs du pouvoir, ne risque de se prononcer sur une date possible. Ce 1er décembre, encore, la ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot- Marie, assure que les otages français en Afghanistan et au Mali sont vivants. Mais la discrétion reste de mise.

Les initiatives, à l’approche de ce malheureux anniversaire, se multiplient à travers toute la France. Elles sont le fait des associations et des collectivités qui ont compris l’importance de se mobiliser. Comme l’écrit fort justement Aline Chenon Ramlat, spécialiste du monde arabe, sur le site d’information Médiapart, « Il aura fallu 328 jours de détention d’Hervé, Stéphane et leurs accompagnateurs pour que le choses « rentrent dans l’ordre »… (…) 328 jours pour que le pouvoir en place se conduise « comme il se doit » face au drame que vivent ces hommes et leurs familles. (…) Mais en quoi le fait de se conduire « comme il se doit » empêcherait le moins du monde à la diplomatie d’agir ?  » demande-t-elle. Et de juger que, jusque là, « le pouvoir ne se sentait concerné par cette histoire que pour taper sur le dos de la presse et a traité le problème avec une bien légère attitude. C’est accablant. »

Discrétion nocive

La rencontre organisée à Lille, ce 29 novembre, par les étudiants d’ISCT a permis de revenir sur plusieurs questions de fond. Ainsi, sur cette attitude de la France vis-à-vis des journalistes otages. Personne n’oubliera les mots très durs prononcés par l’Elysée et l’ancien chef d’Etat major des armées, au début de cette année, à l’égard des otages. Personne n’oubliera que cette discrétion demandée au plus haut niveau de l’Etat, et aussitôt trahie par lui-même, n’a donné aucun résultat. On peut même se demander si elle n’a pas été nocive pour les otages.

Aujourd’hui encore, malgré les assurances qu’auraient données le président de la République, on peut craindre que, une fois de retour en France, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier n’aient à s’expliquer et à rendre des comptes sur leur décision de poursuivre leur reportage, fin décembre 2009, sans l’encadrement de l’armée. « Si cela venait à se produire, soyez assurés que nous ne laisseront pas faire ! », promet Jean-Louis Normandin, créateur de l’association « Otages du Monde ».

On peut cependant s’étonner que Thierry Thuillier, directeur de l’information de France Télévisions, éprouve le besoin, à l’occasion d’un témoignage de soutien recueilli par le quotidien « L’Humanité », de revenir sur ce thème. « Je ne valide pas la polémique qui a entouré leur enlèvement car nul ne sait ce qui s’est réellement passé, nul ne sait les conditions dans lesquelles ils ont pris leur décision. Il faut donc attendre, dit-il, de les voir rentrer libres en France pour les interroger à ce sujet (…)  »

Construction d’une détestation

Certes, on peut penser que Thierry Thuilliez ne donne pas au mot « explications » la connotation fautive qui transparaissait dans les propos de Nicolas Sarkozy. Mais une fois encore, l’attitude de l’Elysée laisse des traces indélébiles. Comment ne pas voir, finalement, que cette attitude à l’égard des journalistes otages ne s’inscrit pas dans une logique qui s’est construite tout au long de ces dix dernières années. Celle qui a conduit à la construction d’une détestation des journalistes et des médias. Ministre de l’Intérieur, président de l’UMP, candidat à l’élection présidentielle et, pour finir, président de la République, Nicolas Sarkozy s’est toujours montré très intéressé par la question. On l’a d’abord entendu plaisanter sur les journalistes. Puis il a raillé, il a piqué des colères (les confrères de France 3 Nord – Pas de Calais ont eu leur part), il a menacé, il a insulté, il s’est fait donneur de leçons, il a influencé des exécutions (comme celle d’Alain Genestar). Enfin, à travers les Etats Généraux de la presse de fin 2008, organisés par lui-même, il a voulu transformer le paysage médiatique.

Comment, dans ces conditions, s’étonner des propos tenus en début d’année à l’égard de Ghesquière et Taponier dont l’attitude ne correspond pas à son idée de l’information et des journalistes ? Comment s’étonner, dès lors, que le public se mobilise aussi faiblement (jusqu’à juillet) alors qu’on lui répète sans cesse que les journalistes sont nuls, riches et prennent des risques pour flatter leur égo et leur image tout en faisant prendre des risques inutiles à nos soldats et au prix de transactions coûteuses (nos impôt !) pour leur libération ?

Lorsque Stéphane et Hervé reviendront, il importera décidément de veiller à ce qu’on leur fiche la paix, ainsi qu’il a été dit l’autre lundi soir à l’ISCT. Il importe aussi que l’ensemble des journalistes, des médias, des associations concernées continuent à réfléchir sur leurs conditions de reportage et à défendre le droit de leur libre choix.

Philippe ALLIENNE

Prochains rassemblements de soutien pour Hervé et Stéphane :
Flashmob à Hazebrouck ce samedi 4 décembre, à 17 heures
Rassemblement devant la Grande Roue, place de Gaulle, à Lille, jeudi 16 décembre, à 12h00


 

 

 

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