L’avenir de la presse en débat

Mardi 16 décembre, l’Ecole supérieure de journalisme de Lille (ESJ) accueillait l’atelier de réflexion du Club de la presse intitulé « les Etats généraux de la presse écrite : pour qui et pour quelle information ? Dans son mot de bienvenue aux débatteurs invités par Philippe Allienne, Philippe Schröder soulignait que ces Etats généraux suscitaient de vraies questions qui demandent de vraies réponses tant pour les journalistes que pour les lecteurs. Pourtant ce débat n’a pas mobilisé les foules.

(Photos Gérard Rouy)

Philippe Allienne a rappelé le contexte. « Les Etats généraux ont été lancés le 2 octobre par Nicolas Sarkozy qui en a confié l’organisation à Emmanuelle Mignon, conseillère de l’Elysée. Quatre pôles de travail ont été constitués et un président a été désigné pour chacun d’entre eux . Mais la constitution de ces groupes, si elle fait la part belle aux patrons de presse, n’est pas représentative de la profession. Les journalistes de terrain sont très peu présents ». Parmi les intervenants invités par le Club de la presse, certains participent aux Etats Généraux (Daniel Deloit, pour l’ESJ de Lille, Thoma Zlowodski, pour l’Association pour la qualité de la presse et de sa transmission (AQIT). Pierre Le Masson, membre du Bureau national du SNJ, représentait son syndicat qui, lui aussi, participe. Egalement présent aux Etats Généraux : l’Association de préfiguration pour un conseil de presse (APCP). Jean-Luc Martin-Lagardette est venu en parler. Enfin, l’un des coordinateur du récent Rassemblement des associations de journalistes (RAJ), Lorenzo Virgili, a été audité par l’un des pôles de travail.

Manque de transparence

Daniel Deloit, directeur de l’Ecole supérieure de journalisme, explique pourquoi participe-t-il aux Etats généraux. A sa droite, Thomas Zlowodzki et Jean-Luc Martin Lagardette. (Photo Gérard Rouy)

Philippe Allienne poursuit : « ces Etats généraux doivent nous dit-on établir un diagnostic, envisager des solutions, dégager un consensus sur ces dernières pour réaliser un « Livre Vert » de propositions. Mais dès le début, les critiques sont vives : l’initiative en est élyséenne, les « pôles » souffrent d’un manque évident de représentativité et il n’y a aucune ouverture au public. La première question qui vient à l’esprit est donc : Ces Etats généraux, fallait-il y aller ou non ?  » Car Mediapart, le SNJ-CGT (puis la CFDT) ont peu à peu quitté les travaux en dénonçant tour à tour un piège et un marché de dupes. Mediapart a été le plus prompt : 17 minutes de présence à la première réunion de travail du pôle « Presse & Internet »piloté par Bruno Patino, ex-membre du directoire du groupe Le Monde et nouveau directeur de France-Culture. En cause : « la non publicité des débats, la sous-représentation des journalistes et l’absence des lecteurs et des blogueurs ainsi qu’un flou procédural associé à une absence d’ordre du jour précis. La majorité des participants aux Etats généraux sont des dirigeants de presse dont l’objectif est de mettre fin aux verrous anti-concentration, d’amoindrir les droits des journalistes et des auteurs, de se réserver les plus fortes parts des aides publiques (1,4 million € environ). Le site des Etats généraux ne témoigne pas de la réalité des débats ». Le SNJ-CGT quittera les Etats généraux le 27 novembre suivi par la CFDT le 2 décembre, mécontents de l’état d’esprit qui préside aux travaux où seuls les aspects liés à la rentabilité financière des journaux semblent avoir droit de cité.

Eviter la condamnation par contumace

Les deux syndicats de journalistes ont pourtant voulu y aller car chacun estime que ces pôles pouvaient être des lieux de négociation, voire de médiation. Pierre Le Masson remarque : «  être condamné par contumace coûte toujours plus cher qu’une condamnation en présence de l’accusé  ». Mais, SNJ et SNJ-CGT s’accorde avec Mediapart pour dénoncer la sous représentativité des journalistes et la volonté de porter atteintes à leurs droits pour conforter les profits. Par contre, ils s’accordaient à penser que l’Etat pouvait avoir un rôle de régulateur mais que l’esprit n’y était pas. Le SNJ-CGT a même demandé à participer obtenant le siège laissé vacant par une société de rédacteurs ! Daniel Deloit a saisi l’occasion de se retrouver face à un panel de dirigeants de presse pour les rappeler à leurs devoirs, notamment en termes de formation, tant initiale que continue. « La taxe d’apprentissage versée à l’ensemble des écoles de formation reconnues par la profession est à peine de 10% du total des sommes versées dans ce cadre. Nombre de dirigeants de titres – qui ne sont ni issus de ces écoles reconnues ni même journalistes – affectent leur taxe d’apprentissage à leur école ou leur corps d’origine (X, ENA, Centrale, EDHEC, etc.) ». Thomas Zlowodzki participe au nom de l’association pour la qualité de l’Information (AQIT). « Nous y avions de fortes attentes, notamment en termes de qualité de l’information. L’AQIT exerce un compagnonnage aux côtés de l’Alliance internationale de journalistes (représentée dans la région par Bertrand Verfaillie, ndlA) et d’autres associations comme l’APCP et parvenir à la création d’un Conseil de presse ». Son association (l’AQIT) milite aussi pour une meilleure transparence de la presse et de son actionnariat et une qualité accrue des contenus. Mais, lui aussi avoue regretter l’absence de représentativité des lecteurs et des journalistes, de même que la segmentation des pôles et l’absence de communication entre les divers groupes de travail.

L’information n’est pas la communication

De g. à dr. : Edwy Plenel, Lorenzo Virgili, Fernando Malverde et Pierre Le Masson. (Photo Gérard Rouy)

Edwy Plenel reprend : « ces Etats géneraux devaient être organisés par la profession. Le Tiers Etat n’est pas représenté. Il en va de même pour la presse écrite que pour l’audiovisuel. Ce qui se passe dans l’audiovisuel public ne peut être dissocié de l’état d’esprit qui préside à ces Etats généraux. Les dirigeants des titres français ne sont que rarement de vrais patrons de presse. Parmi eux, on trouve des marchands d’armes, des potentats du bâtiment et des grands travaux, soumis peu ou prou aux commandes d’Etat. La reprise du Journal du Dimanche par Bolloré est une honte ! De même la télévision publique n’appartient pas au chef de l’Etat mais aux citoyens. Les journalistes ont le devoir de se mobiliser et de se battre pour la défense de leurs métiers car personne ne le fera à leur place !  »
Lorenzo Virgili, coordinateur du RAJ, précise son combat : « Ce qui nous tient à coeur est l’émergence et le développement d’une presse indépendante et de qualité. Deux grands thèmes sur lesquels les patrons de presse n’ont jamais rien fait de concret. Les sondages-marronniers de La Croix et de Télérama quant à l’indépendance des média et la confiance accordée aux journalistes quant à la qualité de l’information délivrée restent désespérément stables. Mieux, ce sont les journaux de TF qui y arrivent régulièrement en tête ! Ce que nous vivons dans la presse écrité n’est pas lié à la crise financière ou à des problèmes de conjoncture : il s’agit davantage d’une crise liée à la dérive déontologique. Nombre des patrons de presse n’ont aucune conscience des métiers du journalisme et gèrent leurs entreprises comme n’importe quelle autre. Alors même que l’information n’est pas une marchandise comme une autre. Le RAJ n’est pas tant inquiet quant à ces Etats généraux mais bien plus sur les lois qui en découleront. Pourtant, je constate que la presse est toujours aussi peu incline à se mobiliser...  »

Une solution ? Le conseil de presse...

Jean-Luc Martin-Lagardette représente l’association de préfiguration d’un conseil de la presse en France. Ce journaliste – enseignant, auteur d’un essai sur la déontologie journalistique et du classique guide de l’écriture journalistique s’intéresse depuis longtemps au problème de la qualité de l’information. «  Un problème qui remonte à loin, très loin ! La cause en est le journaliste lui-même. Nous n’avons pas suffisamment défendu nos métiers, nos statuts.  » Avec l’Alliance internationale des journalistes, il a créé l’APCP destinée à permettre la création d’un conseil de la presse en France à l’instar des conseils de la presse existant dans une centaine de pays. Mais qu’est-ce un Conseil de la Presse ? En aucun cas, un Ordre des Journalistes comme il en existe pour les médecins, les pharmaciens et bien d’autres professions. C’est une instance de médiation où siègent des éditeurs, des journalistes et aussi des lecteurs. Son rôle est d’analyser les dérives constatées dans les médias au cas par cas. Les exemples des conseils québecquois et suisses montrent que ces instances ne remplacent pas la justice mais qu’elles permettent d’accroître la liberté de la presse face aux pressions tout comme le droit à une information vraie. Elles interviennent notamment lors d’informations inexactes ou incomplètes, lors de refus de rectification ou de droit de réponse sans nécessairement devoir requérir devant un juge. Le Conseil de la Presse du Québec se définit ainsi comme un tribunal d’honneur à ne nullement confondre avec un tribunal civil car il ne dispose d’aucun pouvoir coercitif, réglementaire ou législatif. Mais la rigueur de ses interventions et la confiance du public lui ont octroyé une réputation indéniable. Cela permet aussi de stigmatiser la confusion des genres entre information et communication ou, plus grave, information et publicité. Le Conseil de la presse hélvétique doit en partie sa crédibilité et son essor à l’initiative prise par cinq journalistes suisses regroupés au sein de l’association L’Information en danger qui, après la publication d’une lettre parodique (Le Produit), a recueilli des centaines de signatures de professionnels mobilisés pour un sursaut de leur déontologie face aux pressions qu’ils subissaient quotidiennement.
«  Dans notre pays, du fait de son statut, le journaliste n’est plus qu’un salarié au service de son entreprise de presse et non plus (ou de moins en moins) un enquêteur, un analyste et un observateur  ».

Le leurre de l’indépendance

Le Conseil de presse est un garant de l’information car il réduit la dépendance du journaliste face aux pressions. Dépendance car comme le stipulent les textes de loi, le journaliste est salarié d’une entreprise de presse. La loi ne fait pas référence à une qualification. Sa liberté d’expression est limitée : les journalistes ont droit à leur liberté d’opinion, mais l’expression publique de cette opinion ne doit en aucun cas porter atteinte aux intérêts de l’entreprise de presse dans laquelle ils travaillent. Ce qui n’est pas le cas des médecins dont le code déontologie indique que « le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit. » Il précise même : «  en aucune circonstance, le médecin ne peut accepter de limitation à son indépendance médicale, de la part d’un autre médecin, de l’entreprise ou de l’organisme qui l’emploie.  »
« La question de l’indépendance du journaliste rejoint celle de la qualité d’information » poursuit Jean-Luc Martin-Lagardette. «  La qualité demande une formation  ».
Les conseils de presse semblent favoriser le droit à l’information des citoyens. Théoriquement, l’information est un bien universel dont les journalistes ne sont pas seuls détenteurs. En réalité, ce sont eux ou leur encadrement qui choisissent ce qui sera publié ou non. Pour les tenants d’un Conseil de presse, l’information c’est-à-dire le « fait doit s’imposer à tous les citoyens comme une loi scientifique. Après l’Eglise, l’Etat, les partis politiques puis la presse, c’est désormais le citoyen qui doit s’arroger le droit à contrôler la diffusion des faits. C’est donc au citoyen de se constituer en contre-pouvoir. »

La question déontologique]

Philippe Allienne interroge : « Ces conseils de presse, cela fait longtemps qu’on en évoque la possibilité en France. Qu’est-ce qui bloque ?  »
Jean-Luc Martin Lagardette répond : «  peut-être n’ai-je pas su expliquer aux confrères la différence avec un Conseil de l’Ordre. Un Conseil de presse permet au public de sentir qu’il est écouté. Dans les griefs adressés à la profession par les citoyens, le premier cité est l’arrogance des journalistes qui sont les seuls à détenir les clés de l’info... Une attitude contournée par les blogueurs, les sites associatifs... Malgré l’article 3 de la Charte des devoirs des journalistes, nous n’avons pas assez saisi nos pairs sur le théme déontologique et peu à peu nous avons alors perdu en crédibilité. Certes nous ne sommes pas seuls, Au CSA (7) aussi, le public est absent et il n’y a guère de journalistes. Une autre structure a un rôle déontologique : la CPPAP (8) qui délivre le numéro de commission paritaire qui ouvre droit aux aides : c’est elle qui décide, seule, de l’intérêt général d’une publication. En conformité avec les pouvoirs en place. De fait, une revue qui traiterait de médecine naturelle n ’aura jamais de numéro de commission paritaire quand les revues érotiques l’obtiennent sans difficulté.  »
Cet appel à un sursaut déontologique des journalistes semble laisser dubitatif Lorenzo Virgili. «  Dans une rédaction, le journaliste n’a que peu de pouvoir. Notre profession est telle un iceberg. On ne voit que les quelques rares stars de l’info alors que la grande majorité des rédacteurs restent invisibles ou pire, précarisés. La première fois que j’ai ouvert ma g..., j’ai perdu 60% de mon revenu de piges. Je veux bien que les Conseils de presse soient un lieu où la déontologie soit traitée en permanence. Pour moi, ce qui bloque ce sont aussi les querelles de chapelles (éditeurs, syndicats, sociétés de rédacteurs, juges...). Le RAJ en diffère car nous sommes dans une logique de rassemblement et donc de compromis. Nous relevons ce qui nous rassemble, pas ce qui nous différencie.  »

Les médiateurs

Préparation d’avant débat (Photo Gérard Rouy)

Daniel Deloit remarque que « les enquêtes menées auprès des citoyens laissent entrevoir le journaliste tel un grand prêtre ou le membre d’une caste supérieure qui n’aurait de compte à rendre à personne... On y oppose souvent le phénomène des médiateurs. Ce pourrait être le cas si la signature du journaliste y dominait. Or ces médiateurs sont dépendants des éditeurs comme on l’a vu récemment avec mon prédécesseur qui a osé émettre un doute quant à l’indépendance de jugement de la journaliste n°2 de RFI également épouse de ministre. Il a été immédiatement viré. Ce qui est honteux. Cette importance de la signature du journaliste renvoie aussi à la question des droits d’auteur. La notion d’indépendance des journalistes a été évoquée dans un éditorial de Jean Daniel (Le Nouvel Observateur – Spécial Littéraire du 20 novembre 1968) intitulé « Faut-il brûler les journalistes ? ». Et je note que récemment, un des avis rendus par le conseil suisse de la presse a été utilisé par la Cour européenne de justice pour justifier un de ses arrêts. Les médiateurs peuvent aussi être une solution à condition que l’on fonde un corps de médiateurs totalement indépendants, dans son fonctionnement, des éditeurs. Tant il est vrai que la profession doit trouver un système qui permette de traiter de déontologie et d’éthique de façon permanente sans devoir en référer à la 17ème Chambre  ».

Déficit démocratique

Parmi le public, des étudiants en journalisme (photo Philippe Armand)

Edwy Plenel reprend : «  le Conseil de presse, je suis plutôt pour mais pour moi, ce n’est pas la priorité. Quant au médiateur, je suis celui qui a mis en place cette fonction au Monde. Pour moi, la crise de la presse qui a justifié la réunion de ces Etats généraux est liée à la crise démocratique. Les conseils de presse qui fonctionnent se trouvent dans des pays où il ya une forte culture démocratique, ce qui n’est plus le cas chez nous. Il y a deux questions majeures : d’abord la révolution industrielle qui secoue nos métiers et pas seulement en France : Le Tribune Publishing Company (14 000 salariés) recourt à l’article 11 (cessation de paiement) et le New York Herald est sauvé momentanément par ses actifs immobiliers. En France aussi aussi les grands groupes de presse sont touchés. Ils ont aggravé les conséquences de la crise en mettant sur site un contenu gratuit, ce qui nuit à la collecte publicitaire alors même que le prix du papier va continuer à monter. Et il y a le problème de la démocratie où le pouvoir contrôle tout dans un pays dont les patrons des groupes de presse ne sont pas principalement des responsables de médias (marchands d’armes, potentats du bâtiment, etc.) mais dépendent des commandes publiques. Le déficit démocratique est tel que nous avons le président de Public Sénat, la chaîne TV du Sénat, qui n’est autre que le conseiller spécial de Lagardère pour la stratégie des médias et qu’il est aussi le président de Lagardère News. La représentation parlementaire ne s’émeut guère des éventuels conflits d’intérêts. Pire, l’offense publique au chef de l’Etat, tombée en désuétude sur décision du président Pompidou a été remise au goût du jour en 2008 ! Alors, pourquoi pas un Conseil de presse mais celui-ci pourra-t-il se prononcer sur la nomination du président de la chaîne parlementaire Public Sénat ou sur celle de la numéro 2 de RFI ?  »

Les aides à la presse

Le représentant d’AQIT ayant maladroitement évoqué la proposition d’une niche fiscale pour les journalistes effectuant des reportages dans le groupe de travail piloté par François Dufour (Presse & Société), Eric Maitrot, présent dans la salle, s’inquiète : «  comment, des non professionnels passent du temps à étudier une proposition qui ne peut que contribuer à décrédibiliser encore davantage les journalistes ? Ne pensez-vous pas que c’est aux patrons de média à mieux les rémunérer ? Chacun des professionnels ici présents sait que pour gagner plus, les meilleurs journalistes doivent rejoindre les postes d’encadrement ! » Une réflexion partagée par Edwy Plenel qui observe : «  Ces états généraux sont un lieu de corruption auquel il faut savoir dire NON . Nul ne me fera croire que l’agenda de ces Etats généraux et celui de la réforme de l’audiovisuel public sont un pur hasard. Or, quels que soient nos médias, nous avons tous la même carte de presse. On ne peut dissocier presse écrite et presse audiovisuelle. » Thomas Zlowodzki reprend : «  L’idée d’une telle niche a été rapidement abandonnée. Quant à dire oui ou non, l’AQIT attendra la publication du Livre Vert. En tout état de cause, toutes nos revendications n’ont pas été entendues. Notamment en ce qui concerne la nécessaire transparence des aides publiques, directes ou indirectes, celui de la formation à l’expertise sur certains sujets pointus. Les aides devraient être attribuées aux médias s’engageant à respecter certaines règles.  » Edwy Plenel s’emporte : « qui va déterminer quels seront les bons médias méritants et les moins bons ? ». Le ton monte : le représentant d’AQIT s’exclame : « si vous ne voulez pas des aides publiques ne les demandez pas ! Le problème de la presse est cette posture d’adolescent : la presse veut être indépendante, tout en bénéficiant des aides de l’Etat mais sans dépendre des acteurs économiques... » - « Mais je n’en veux pas ! Mediapart ne demande pas un centime à l’Etat. La presse française est la plus coûteuse pour les consommateurs, la plus en souffrance pour ses salariés et la plus subventionnée par l’Etat. La révolution numérique permet de sortir de ce chantage par les aides.  » Lorenzo Virgili réclame lui aussi plus de transparence sur ces aides publiques : « les entreprises réceptrices doivent s’engager à plus de transparence. Ces aides doivent privilégier les entreprises vde presse qui produisent du contenu plutôt que celles qui se contentent de le reproduire et les entreprises qui s’engagent dans la reconnaissance éditoriale de leurs rédacteurs. » Jean-Luc Martin-Lagardette les rejoint : « le total des aides publiques, ce sont environ 1,5 milliard € soit 15% du produit des médias. En France le système reste opaque quand en Belgique il est parfaitement transparent....  » Pour Pierre Le Masson, «  les aides doivent être soumises à l’acceptation d’un code déontologique  ».

La brochette des intervenants au débat organisé par le Club de la presse Nord-Pas de Calais. (Photo Gérard Rouy)

Mobiliser la profession

Pierre Le Masson rappelle que le groupe Hachette qui ne perd pas d’argent veut, via les NMPP, faire sauter le verrou de la loi Bichet qui garantit le pluralisme en obligeant les kiosquiers à distribuer tous les titres. Fernando Malverde constate chez les citoyens un climat d’inquiétude face à la mainmise (qui se dessine) sur l’information. Ce qui fait qu’un tas de gens et d’associations commencent à discuter des Etarts généraux, sur le web notamment. Pourtant, comme le remarque Lorenzo Virgili : « les journalistes ne se mobilisent pas ou trop peu. De très nombreux colloques ou débats sont organisés devant des salles peu remplies. Les journalistes préfèrent apparemment rester chez eux et ressaser seuls leurs souffrances. » Edwy Plenel pense que « le seul levier d’ancrage pour une mobilisation générale est que la profession parle ensemble au public en commençant à sortir du piège tendu par le pouvoir exécutif. L’économiste Paul Krugman témoigne de ces nouveaux pouvoirs dont le seul but est de durer. La crise de la presse est un enjeu clairement politique.  »
Jean-Luc Martin-Lagardette observe que grâce aux outils Internet « des gens qui ne sont pas journalistes peuvent faire du journalisme. Et que dans un conseil de presse tout peut être débattu publiquement ce qui permet de donner des avis. Mais il est vrai qu’il faut de la convergence et de la mobilisation. Lorenzo Virgili évite les divergences mais pense qu’il est bon de faire travailler simultanément un front syndical, un front associatif et un front citoyen. Pour l’association de préfiguration d’un conseil de presse, la mobilisation est là même si elle apparaît davantage citoyenne que journalistique. Le mot de la fin revient à Edwy Plenel qui semble se réjouir de ce que la situation de la presse soit redevenue un enjeu politique, ce qui n’était plus le cas depuis 1981 quand il y avait le slogan « Libérez l’information ».

(1) Ont participé ou participent encore aux Etats généraux :
- François Bonnet pour Médiapart
- Thomas Zlowodzki pour AQIT
- Daniel Deloit pour l’ESJ
- Eric Marquis et Alexandre Buisine pour le SNJ
- Dominique Candille pour le SNJ-CGT

(2) AQIT : Association pour la Qualité de l’InformaTion

(3) SNJ : Syndicat national des journalistes

(4) SNJ-CGT : Syndicat national des journalistes affilié à la CGT

(5) RAJ : Rassemblement des associations de journalistes

(6) APCP : Association de préfiguration d’un conseil de presse en France

(7) CSA : Conseil supérieur de l’Audiovisuel

(8) CPPAP : Commission paritaire des publications et agences de presse


 

 

 

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