Il y a deux ans, l’UPC découvrait avec stupeur le cahier des charges proposé aux photographes travaillant pour une publication éditée par la CCI de Lille. Ces contrats, imposés sans concertation ni recours, contournaient le Code de la propriété intellectuelle relatif au respect du droit d’auteur et instituaient le rapport de force comme règle commerciale.
Les futurs contrats prévoyaient une clause, ainsi rédigée : « Le marché conclu emporte cession à titre exclusif et irrévocable, pour la durée de protection légale des droits d’auteur, pour le monde entier, des droits afférents aux photographies, objet du présent contrat [...] sur tous supports de toute nature du choix de la personne publique [...]. Le titulaire garantit la personne publique contre toutes les réclamations, revendications, recours ou actions de toute personne [...]. Il garantit la personne publique contre tous recours de sociétés de perception de droits d’auteur. »
Un fond de concurrence suicidaire
En d’autres termes, expliquait alors l’UPC, cette clause signifiait que « le photographe vend les images qu’il réalise, avec tous les droits de reproduction afférents, pour une durée de 70 ans après sa mort, mais conserve tous les risques d’une utilisation préjudiciable sur le plan du droit à l’image » (1). Si ce modèle devenait la norme, il mettrait à terme le métier de photographe en danger, sur fond de concurrence suicidaire.
Cet exemple local n’est pas isolé. Une telle pratique a, au contraire, tendance à se multiplier, profitant des méconnaissances juridiques tant chez les utilisateurs d’images que chez les photographes. C’est pourquoi l’UPC-Nord a pris l’initiative de constituer un groupe de réflexion associant photographes et communicants concernés par ces dérapages, parmi lesquels Pascal Caillé (Agence Caillé associés), Nathalie Pauwels (EPSM agglomération lilloise), Hélène Fanchini (magazine Le Nord) et d’autres, tous conscients des enjeux liés à la dévalorisation de l’image photographique.
Faciliter la rédaction de contrats équilibrés
L’objectif est d’offrir aux photographes et aux utilisateurs d’images un cadre d’action qui replace la pratique photographique au point d’équilibre, en conciliant respect des droits d’auteur et attentes des communicants. Pour y parvenir, il a fallu repartir sur le terrain et tout remettre à plat. A commencer par une collecte d’informations (notamment sous forme de questionnaires envoyés à tous les protagonistes concernés) suivie d’un travail de synthèse (sous le regard scrupuleux d’un juriste), afin de faire émerger les points de « friction » importants.
Ensemble, le groupe a mis en forme ladite « Charte des usages en publication photographique », qui a pour objectif de faciliter la rédaction de contrats équilibrés entre les photographes et les diffuseurs d’images, en souhaitant qu’elle devienne une référence. Les motivations et les champs d’application de la charte seront prochainement précisés par l’exemple dans un livret d’accompagnement qui est préparé en parallèle. Gageons que cette charte des usages en publication photographique marque un premier pas vers une nouvelle qualité d’échange, revalorisée, entre créateurs et utilisateurs d’images.
Gérard ROUY
(1) Le débat ainsi soulevé avait permis d’engager une discussion entre la CCI et l’UPC. A ce sujet, lire l’article paru sur notre site et le droit de réponse que nous avait adressé la CCI de Lille.
L’Union des photographes créateursCréée en 1985 après la fusion de quatre associations de photographes (dont une association de photographes journalistes), l’UPC est composée de plus 1.500 photographes professionnels, tous genres confondus (photographes de presse, d’entreprise, de publicité, de mode, artistes…). Son siège est à Paris et elle possède des délégations régionales (dont une pour le Nord). Elle a pour vocation d’informer, de représenter et défendre les droits, les intérêts et le statut des auteurs photographes. Site internet : www.upc.fr |