Lagardère au « Monde », Rothschild chez « Libé » - La Lettre du Club 67 - juin 2005

« Libération » et « Le Monde »,
en difficultés financières, recourent tous deux à l’augmentation de capital.

Edwy Plenel, que la direction du Monde pousse aujourd’hui vers la porte (1), l’homme des « Irlandais de Vincennes » et du « Rainbow Warrior », avait d’abord décidé de « revenir aux joies simples de l’écriture ». Début janvier, Gérard Courtois, 55 ans, a pris sa succession à la direction de la rédaction du Monde. Entré au Monde en 1986, ce dernier est également membre du conseil de surveillance du Monde SA. Sa conception du journalisme est vue comme opposée à celle de son prédécesseur. Défenseur d’un certain « journalisme d’investigation », Edwy Plenel était amateur de manchettes fracassantes. Gérard Courtois est décrit comme un « homme de dossiers ». Dans une interview à Libération (21 janvier 2005), il expose son chantier prioritaire : redonner au Monde « sa place dans un univers où le rapport à l’écrit est en train de changer radicalement, notamment à cause d’internet et des gratuits ». De fait, le quotidien du soir a perdu beaucoup de lecteurs et de rentrées publicitaires. Une « nouvelle formule du Monde » est annoncée, « qui marquera un changement en profondeur de l’allure et du contenu ». En attendant, la une a été légèrement épurée depuis le 22 janvier.
L’autre souci du Monde, c’est de trouver de l’argent. Avec 63 M€ de pertes en 2004, le groupe a de gros besoins. Une recapitalisation a été approuvée par le conseil de surveillance le 16 mars. Lagardère (Le Journal du Dimanche, La Provence, Paris Match, Elle, Télé 7 Jours…) et Prisa (éditeur du quotidien espagnol El Pais) ont mis au pot chacun 25 millions d’euros. Des échanges ont également été effectués entre des parts qu’ils détenaient dans le groupe Journaux du Midi (Le Midi Libre) et des actions du Monde SA. Lagardère détient désormais environ 16% du Monde SA et Prisa 14%. Après des discussions animées, la Société des rédacteurs du Monde s’était résignée, le 8 mars, à approuver l’opération (63,5% des voix), tout en refusant de délivrer « un chèque en blanc ».

Rothschild et les Mao

A Libération (qui proclamait dans son manifeste de février 1973 : « pas de publicité, pas de banque »), on joue aussi la valse des millions. « Edouard de Rothschild se met au col Mao », titrait L’Humanité le 24 janvier. Après le retrait de Vincent Bolloré, c’est en effet le financier Edouard de Rothschild qui a souscrit à l’augmentation de capital : 20 M€ contre 39% du capital, qui pourraient bien devenir 49% si Libération n’atteint pas certains niveaux de rentabilité fixés par contrat. Côté projets, on évoque une baisse du prix de vente et le lancement de suppléments, sans plus de précisions. Serge July, qui a pris la plume dans son journal (Libération du 22 janvier 2005), y voit « les moyens d’entreprendre, de répondre aux défis que nous lance le big bang médiatique ». Les salariés ne partagent pas tous la sérénité de leur Pdg, qui a sécurisé son mandat jusqu’en 2012 (il aura 69 ans). Même si les droits de vote d’Edouard de Rothschild ont été limités à 40% (la Société civile des personnels de Libération conservera sa minorité de blocage), le vote n’est pas passé comme une lettre à la poste. Les journalistes se sont massivement prononcés pour, mais le vote du collège administratif s’est joué à une voix, tandis que les « fabricants » ont majoritairement rejeté cette arrivée.
Depuis, Evence-Charles Coppée, contesté par la rédaction, a quitté son poste de directeur général délégué, qu’il occupait depuis 1996. Il a été remplacé par Louis Dreyfus, qui était jusque là directeur général adjoint.■

L. F.

(1) Lire l’article sur notre site


 

 

 

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