« Lille Plus » change de look et ambitionne la place de leader (mars 2007)

« Lille Plus », le quotidien gratuit édité par le groupe Voix du Nord, a tenu à marquer son 3e anniversaire dans un bar lillois. Le journal adopte le 21 mars une nouvelle maquette et un nouveau fonctionnement pour les pages non réalisées à Lille. Son directeur opérationnel va même jusqu’à envisager la reprise de papiers parus dans La Voix du Nord et Nord Eclair, à l’image de l’accord rédactionnel passé par le gratuit parisien Matin Plus avec Le Monde et Courrier International.

« Lille Plus change de look le 21 mars… Nous voulons être leader des journaux d’information gratuits à Lille… La Voix du Nord reconnaît son produit, elle a envie de le développer. » Pour Sébastien Duprez, directeur opérationnel du quotidien gratuit lillois, ces arguments expliquent pourquoi le groupe Voix du Nord a tenu à marquer le troisième anniversaire du quotidien, alors qu’on fête d’ordinaire plutôt les 5, 10 ou 20 ans. Organisée le 14 mars dans un bar branché de Lille, la soirée a rassemblé une partie du monde lillois de la presse et de la communication. En plus du changement « de look » de Lille Plus, « la nouveauté réside dans le changement de maquette et de fournisseur », poursuit-il. Les pages communes (nationales, internationales, etc.) à toutes les éditions du réseau « Villes Plus » (Lyon Plus, Montpellier Plus, Bordeaux 7 et Marseille Plus), fournies jusqu’à présent par Le Progrès de Lyon, seront désormais réalisées par l’équipe de Matin Plus, le gratuit né (dans la douleur) de l’association Bolloré-Le Monde (lire la brève) et diffusé en Ile-de-France. Elles intégreront des articles réalisés par Le Monde et Courrier International, rappelle Sébastien Duprez. Ce dernier et l’équipe de Lille Plus sont cependant confrontés à un casse-tête, puisque le journal changera de maquette sans pour autant adopter le format (plus petit) du gratuit parisien, ni sa pagination (20 pages au lieu de 32).

« Lille Plus » pour les moins de 40 ans, « La Voix » pour les autres ?

Sébastien Duprez évoque d’autres perspectives. Selon lui, La Voix du Nord et Lille Plus agissent pour développer « une cohérence dans l’approche » de la presse par les lecteurs. En schématisant, les moins de 40 ans seraient plus concernés par la formule gratuite et l’audience du quotidien régional se situerait chez les plus âgés, les deux journaux étant présentés comme « complémentaires ». Selon le directeur opérationnel, « sur 150.000 lecteurs [du gratuit], 120.000 ne lisent pas La Voix du Nord ou Nord Eclair ». Les gratuits comme moyen d’accès à la presse payante, solution d’avenir pour celle-ci ? Sébastien Duprez se réfère à Jean-Marie Colombani, président du directoire du Monde, qui voit dans Matin Plus une opportunité d’être vu tous les jours par des lecteurs qui ne lisent jamais Le Monde (1) . Pourquoi pas d’ailleurs, s’interroge Sébastien Duprez, intégrer demain dans Lille Plus des articles de La Voix du Nord et de Nord Eclair, comme le fait Matin Plus avec Le Monde et Courrier International ?

Voilà qui alimentera peut-être le débat sur les gratuits, qui ciblent un lectorat urbain et dans lesquels sont investis des moyens considérables, tandis que la presse « payante » souffre et réduit la voilure, que ce soit en effectifs, en contenu ou en proximité. Sans même parler des aides publiques généreusement attribuées au titre de la « modernisation » (« modernisation » qui se traduit notamment par des plans sociaux), ni du sort réservé aux titres à faibles recettes publicitaires, relevant notamment de la presse d’opinion. Fuite en avant vers une presse considérée pour les parts de marché publicitaires qu’elle peut capter ? Pour mémoire, selon un sondage réalisé par La Voix du Nord, France 3 Nord-Pas de Calais et France Bleu Nord à l’occasion des récentes Assises internationales du journalisme, 68 % des personnes interrogées déclarent n’avoir « pas confiance » dans « une information dont le media est financé par la publicité uniquement (quotidiens gratuits, radios et chaînes privées) », quand 83% font « confiance à une information dont le media est financé par le consommateur uniquement (achat d’un journal sans publicité, accès payant à Internet, chaîne télé payante) ». A suivre…

Marc DUBOIS

(1) On se souvient que le livre de Pierre Péan et Philippe Cohen, La face cachée du Monde (Mille et une nuits, 2003), avait épinglé les ambiguïtés de Jean-Marie Colombani dans ses relations avec la presse gratuite. Alors qu’il avait négocié pendant de longs mois pour tenter – et échoué – de récupérer une partie de l’impression de 20 Minutes sur Paris, il signait en février 2002 un cinglant édito dans les colonnes de son journal pour fustiger ce type de presse. On y lisait ainsi : « Au-delà des arguments économiques, une question de principe est posée : n’est-ce pas dévaloriser l’information que de la rendre gratuite ? » Et plus loin : « Renoncer [aux recettes des ventes], c’est préparer le terrain d’une uniformité mortelle pour l’information. » Dans le magazine Stratégies du 5 avril 2002, Jean-Marie Colombani confiait même que « la presse gratuite provoque une distorsion de concurrence hallucinante. Elle se présente comme un dépliant publicitaire pour être distribuée dans les gares, les lieux pour nous [journaux payants, NDLR] inaccessibles à la vente à la criée… » Il faut croire que les choses ont beaucoup changé en cinq ans…


 

 

 

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