Regards de presse première

Le Club de la presse Nord – Pas de Calais et le Furet du Nord ont inauguré un nouveau format de rencontre consacré aux journalistes et à leur production littéraire ce lundi 30 mars. Ce rendez-vous mensuel, dont l’idée a germé peu après le 7 janvier, permettra « de montrer en quoi le métier de journaliste est essentiel à l’idée de démocratie » comme l’a défini en introduction Hervé Leroy, administrateur du Club de la presse. Dans sa présentation des deux invités du jour, Françoise Objois, animatrice du débat, a rappelé que, raison économique oblige, les journalistes se tournaient de plus en plus vers le format livre pour retrouver des formats longs, laissant suffisamment d’espace pour un travail d’investigation dans la durée. Une approche qui a mené Jordan et Leï Pouille en Chine pendant près de quatre ans, une découverte en profondeur de l’empire du Milieu relatée dans le livre « Le Tigre et le Moucheron », paru aux éditions les Arènes.

Hervé leroy, administrateur du Club de la presse, Françoise Objois, animatrice du débat, Jordan Pouille, journaliste en Chine pendant 4 ans, et sa femme Leï Pouille, journaliste chinoise

Les vies décrites dans Le Tigre et le Moucheron, un titre qui rappelle à la fois La Fontaine et un proverbe chinois, sont évidemment extrêmement difficiles mais elles montrent aussi l’optimisme et le recul du peuple chinois. C’est bien de lui qu’il est question dans les histoires ramenées par le couple, plus que d’une Chine fantasmée. On découvre par exemple la « Tribu des rats », près d’un million de personnes vivant dans d’anciens abris anti-aériens souterrains à Pékin, ce petit village dont 80 habitants sont paralysés suite à une pollution industrielle des eaux, cette jeune fille de 22 ans privée d’existence légale comme 13 millions de personnes car leurs parents n’ont pas les moyens de payer l’amende pour infraction à la règle de l’enfant unique, les conditions de vie des 340.000 ouvriers de la ville-usine Foxconn…

Dans un pays aussi vaste, comment un journaliste étranger peut-il trouver des sujets sortant des sentiers battus ? La rencontre de ces témoins était-elle contrôlée par les autorités ? Pour certains reportages, l’inspiration est venue en creusant des infos diffusées par des médias locaux, le reste se base sur le travail classique d’un journaliste : faire des rencontres, chercher des indices… Jordan Pouille confirme que les personnes qu’il a rencontrées sont souvent tiraillées entre l’envie de témoigner et la pression, plus ou moins marquée, du régime. Une pression qui prend la forme de filatures, de convocation régulière par la police pour Leï. Les journalistes sont alors forcés de la prendre en compte pour ne pas mettre les gens dans une situation délicate. D’où l’intérêt d’être officiellement accrédité, Jordan l’était par l’hebdomadaire La Vie, ce qui place le travail du journaliste dans une cadre légal. « Au pire, le journaliste étranger est expulsé » rappelle Leï, les Chinois eux pourraient être harcelés par la police, arrêtes, envoyés dans une « prison noire » ou dans une maison d’éducation… Dans ce climat de surveillance, le fait d’être un journaliste étranger a permis de recueillir des confidences qui n’auraient pas été faites à un journaliste local.

L’intérêt de la démarche de Jordan Pouille est ne pas s’arrêter à la surface de ces faits pour mettre en exergue l’humanité profonde de ces gens et montrer qu’ils sont loin d’être aussi résignés que dans notre représentation occidentale. «  Par peur de l’instabilité, les autorités répondent dès qu’elles le peuvent aux demandes pour garder le contrôle » explique-t-il. Conséquence de son développement économique et de sa modernisation rapide, « Quand la Chine s’éveillera... » elle pourrait bien en être la première bouleversée.

N.B.

Jordan et Leï Pouille

Originaire du Nord, Jordan Pouille a commencé à écrire comme correspondant de la Voix du Nord de Lambersart alors qu’il était étudiant. La routine d’un poste de localier à Var Matin lui donne des envies d’ailleurs et il s’envole pour la Chine, avec un visa de tourisme, pour suivre la préparation des Jeux Olympiques. De retour en France, il fait partie de l’équipe originelle de Mediapart. Lorsque se présente l’opportunité de repartir, il choisit la Chine à nouveau, embarquant son épouse Leï, chinoise rencontrée en France, dans une aventure qui durera de l’automne 2008 au printemps 2014. Durant cette période, Jordan est correspondant pour La Vie, Le Temps, Le Soir et Médiapart, Leï quant à elle est productrice pour le bureau de Pékin de Radio Canada. Une immersion de longue durée menée avec l’envie de « se protéger du regard occidental, la Chine qu’on clique est souvent très exotique. Plus on fait de rencontres, plus on capte des facettes différentes du pays ».


 

 

 

La Vie du Club

ESPACE PRESSE