Jordan Pouille avec Le tigre et le moucheron

Un livre qui touche au cœur... de la Chine profonde

Devant le fauve, que peuvent les millions d’insectes chétifs, excréments d’une terre de Chine meurtrie par la corruption, la pollution et l’urbanisation galopante ? Sauf qu’ici, il ne s‘agit pas de lion mais d’un tigre qui n’a rien de papier, espèce de « Parti-Etat », comme l’écrit Jordan Pouille, « égaré entre capitalisme sauvage et vide moral post-Mao ».

Dans Le tigre et le moucheron, l’écriture de Jordan Pouille fait mouche. Touche au plexus. Plonge le lecteur dans une réalité qui, parfois, dépasse l’entendement comme dans cette histoire de Wei Peng, pêcheur de cadavres dans les eaux du fleuve Jaune. Pas de sensationnalisme non plus. Simplement, Jordan Pouille a pris son bâton de pèlerin et de journaliste pour aller voir de l’autre côté du miroir. Que se cache-t-il derrière le boom économique d’une puissance, présentée désormais comme la première au monde ?

Nordiste grandi à Fournes-en-Weppes, finaliste du prix Albert-Londres 2014, correspondant en Chine de Médiapart, du Soir ou du Temps, Jordan Pouille a ouvert à Pékin le bureau de La Vie, juste après les Jeux Olympiques en 2008.
En compagnie de Lei qui est devenue son épouse, il a sillonné pendant six ans la campagne profonde, et ne s’est pas contenté du milieu de l’Empire.

Les portes se sont ouvertes.

Jordan Pouille lui-même a été touché par l’accueil, par les repas de peu partagés, par les confidences apportées à « l’étranger », en guise de dernière forme de résistance.

Les témoignages sont forts, prenants. Le livre de Jordan Pouille porte en sous-titre : « Sur les traces de Chinois indociles. » Le lecteur se retrouve aux côtés du prêtre de l’église souterraine qui se cache pour officier, d’une femme-prêtre catholique, d’un chef de « village du cancer » ravagé par la pollution, des ouvriers des usines Apple, des employés « rats » vivant sous terre à Pékin ou de ce livreur de bonbonnes d’eau qui vit dans une chambre de six mètres carrés sans lumière.

L’écriture est à hauteur d’homme. La vie saisie au jour au jour. Voilà de la belle ouvrage. Un livre de journaliste qui touche au plus près et qui, simplement, parle d’humanité.

Hervé LEROY

Le tigre et le moucheron. Sur les traces de Chinois indociles. Jordan
Pouille.
Editions Les arènes. Prix 19,80 euros (191 pages, avec photos et cartes de Chine).


 

 

 

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