Le Club accueille les journalistes écrivains

Parfois les journalistes troquent leur plume pour celle de l’écrivain. Le Club de la Presse ouvre régulièrement ses portes aux éditeurs et aux auteurs régionaux. Désormais, une rubrique leur est consacrée sur ce site.

L’un des fondateurs du Club de la Presse, François Schmitt, a montré la voie avec ses « Faits divers, criminels et insolites du Nord de la France ». L’ancien chroniqueur judiciaire de la Voix du Nord à Arras était – à nouveau – au Club en octobre 2011, avec d’autres confrères auteurs et éditeurs (1), dont Frédéric Lépinay (Les Lumières de Lille) et Gilles Guillon (Ravet-Anceau).

Comment sont-ils venus à cet autre mode d’écriture ? Les motivations des uns diffèrent de celles des autres. Journaliste à la Voix du Nord, Jean-Marie Duhamel, féru d’histoire, ne s’est pas fait prier quand sa direction lui a proposé d’écrire l’histoire du journal clandestin des années d’Occupation (1941-1944).

L’enquête, « un terrain encore en friche »

Frédéric Lépinay, ancien de la Voix, auteur en 2005 d’une enquête critique sur l’histoire de la Voix du Nord, s’était alors auto-édité pour « (démonter) le mythe du journal issu de la Résistance sur lequel s’est bâtie la fortune de l’orgueilleux groupe de presse lillois ». « Je ne trouvais pas de maison d’édition qui me convenait. Alors je l’ai créée », dit-il. Depuis, sa maison, Les Lumières de Lille, a publié d’autres essais, enquêtes et pamphlets. « Ce terrain est encore en friche  », observe Frédéric Lépinay, qui est aussi l’un des piliers de l’académie de Gondecourt, du nom de cette commune nordiste où est récompensé chaque année un travail d’enquête journalistique.

Connu pour être un touche-à-tout, Gilles Guillon est passé par la télé (France 3) et la presse écrite (Pays du Nord) avant d’envisager fonder sa propre maison. « J’en ai eu marre d’écrire. Je me suis tourné vers l’édition. Il y avait plein de choses à faire », se souvient-il. C’est à cette époque qu’il est recruté pour développer le polar et le livre régionaliste chez Ravet-Anceau à Villeneuve d’Ascq, alors plus connu pour ses cartes et plans de villes que pour ses livres.

Travail au long cours

Et le travail journalistique, dans tout ça ? L’édition permet à Frédéric Lépinay de faire travailler « au long cours » des journalistes indépendants « sur des thèmes traités par la PQR de manière saucissonnée ». Pour que le modèle fonctionne, « il faut des révélations, des infos inédites », ajoute-t-il.

Pas évident de cumuler les deux. « Florence Aubenas a quitté son journal pour travailler sur Quai de Ouisetreham (qui rend compte des conditions de travail des petites gens et leur quête d’un CDI, ndlr) », rappelle Geoffroy Deffrennes, ancien de la Voix du Nord, lui-même auteur d’une dizaine ouvrages. « Rares sont les journalistes en France qui peuvent se permettre de dégager du temps en plus de leur emploi ou de leurs piges. Au New York Times ou au Washington Post, on a les moyens de détacher des journalistes. »

« Le désir d’écrire est omniprésent chez chacun de nous », assure Jean-Marie Duhamel. « On s’organise en fonction de nos jardins secrets et des opportunités. »

Désormais chroniqueur à France Bleu Nord, Benoît Dequevauviller n’est plus chef des sports de Nord éclair. De cette ancienne fonction, il a pu côtoyer des sources qui lui permettent de «  rester au contact » du monde du foot lensois, dont il a tiré deux livres (édités aux Lumières de Lille) et en prépare un troisième. « Les joueurs de foot sont comme tout le monde. On n’obtient des confidences que quand on les fréquente et quand on les connaît ». « Etre journaliste avec une "étiquette", ça aide. Quand on est seulement auteur, c’est plus dur », observe Hervé Leroy, journaliste-écrivain (L’Equipe…) et organisateur de la rencontre.

MH
(Photos Gérard Rouy)

(1) (1) Etaient présents : Benoît Dequevauviller, chroniqueur à France Bleu Nord, Geoffroy Deffrennes, journaliste-auteur, Jean-Marie Duhamel (la Voix du Nord), Gilles Guillon (Ravet-Anceau), Eric Le Brun (Light Motiv), Frédéric Lépinay (les Lumières de Lille), Hervé Leroy, correspondant de l’Equipe et auteur de plusieurs livres, François Schmitt, journaliste retraité, auteur, Jean-Charles Terrier, journaliste aux Cahiers Techniques du Bâtiment et auteur d’un roman qui n’est pas encore publié. André Soleau, ancien dirigeant de la Voix du Nord, devenu auteur, avait finalement décliné.

Ecrire un article ou un livre, une même démarche ?

« Je ne suis pas écrivain. J’écris un article de 300.000 signes. » Ainsi Benoît Dequevauviller résume-t-il sa démarche d’écriture, qui privilégie l’enquête au récit littéraire. Jean-Marie Duhamel, lui, considère une vraie « différence  » entre les deux : « La finalité n’a rien à voir. »

Ecriture longue

Qu’il s’agisse de reportage, de livre enquête, la plupart des journalistes auteurs partagent le goût de «  l’écriture longue », celle qui complète le bref compte-rendu, le simple rapport des faits. Alors qu’on incite les professionnels à « faire court », à l’écrit comme à l’oral, certains retrouvent l’intérêt du développement. «  L’Ecole de journalisme de Lille (ESJ) a décidé de réapprendre l’écriture longue aux étudiants de deuxième année. Ce n’est pas évident pour eux », avance Geoffroy Deffrennes, auteur d’un récit avec Wali Mohamadi, un jeune migrant afghan rencontré dans la région, qui regrette que, à l’inverse des journaux américains, les français aient délaissé « l’écriture narrative, celle qui permet de raconter des histoires ».

Dommage : de par leur expérience les journalistes ont souvent « la capacité à se glisser dans la peau d’un autre avec empathie », estime Eric le Brun. « Ça, c’est un vrai talent littéraire. »

 

Edition : Les journalistes ignorent de quoi ils parlent

Il a connu les deux métiers, celui de journaliste (France 3, Pays du Nord…) et d’éditeur (Ravet-Anceau). Gilles Guillon est catégorique : la majorité des journalistes chargés de rendre compte de l’actualité littéraire ou de l’édition ne connaissent pas les titres dont ils parlent. « Ils ne lisent pas. Depuis que je suis éditeur, je découvre que la presse culturelle est pire que tout, assure-t-il. C’est affligeant ! » « Il faudrait ajouter la presse politique, les chroniqueurs judiciaires qui écrivent leurs articles dans les bureaux du tribunal, les faits-diversiers qui sont toujours au cul des flics dans les commissariats », lâche Frédéric Lépinay.

« Inquiétant »

« La réponse des journalistes est souvent : on n’a pas le temps », note Gilles Guillon. « Je trouve inquiétant qu’ils n’aient pas le temps de faire leur travail. (…) Nous travaillons donc beaucoup avec des amateurs, des lecteurs passionnés, qui parlent de leurs lectures sur des blogs, dans des librairies…  »


 

 

 

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