« 1000 fanfares pour Florence et Hussein » : l’intervention de P. Allienne, président du Club de la Presse, et le texte du comité de soutien à Florence et Hussein - 12 mars 2005

Intervention de Philippe Allienne, président du Club de la presse, le 12 mars

La région est celle où, de très loin, nous avons le plus bougé ce 12 mars.

Cela étant, je suis convaincu que cette opération « 1000 fanfares » perdrait l’essentiel de son sens si nous en restions là. Il faut aller plus loin.

Je veux le croire très, très fort : Florence Aubenas reviendra parmi nous. J’espère aussi de toutes mes forces que son collaborateur Hussein Hanoun Al-Saadi, dont on est sans aucune nouvelle depuis leur enlèvement à tous les deux, sera lui aussi libéré.

Mais dès à présent, je souhaite, j’appelle à une mobilisation et à un éveil permanent pour que, d’une façon générale, les journalistes, et donc l’information, puissent aller et venir, aller et rendre compte partout dans le monde.

C’est cette idée, c’est cette exigence qu’il faut dorénavant défendre sans cesse. Et pour la défendre, il faut être bien conscient de l’enjeu que cela représente.

Hier soir, je regardais l’émission « Voix publique » de Martin Igier, sur France 3 Nord - Pas de Calais. « Voix publique », comme son nom l’indique donne la parole au public, c’est-à-dire aux citoyennes et citoyens que nous sommes. L’émission de ce 11 mars avait pour thème : « est-on convaincu qu’il faut se mobiliser pour la liberté de Florence et de Hussein ? »

J’ai relevé au moins trois interventions de téléspectateurs qui dénoncent l’ampleur médiatique donnée à ces prises d’otages, qui dénoncent le tapage médiatique pour des journalistes dont, après tout, c’est le métier de prendre des risques, pour des journalistes qui gagnent des « fortunes » en recherchant des reportages vendeurs et financièrement juteux, pour dire que le sort de ces journalistes ne les concerne pas. On connaît le refrain : « ils l’ont bien cherché, c’est leur faute, c’est leur métier, cessez de nous culpabiliser en répétant qu’ils sont partis pour nous. D’ailleurs, le président Chirac, lors de ses vœux à la presse, l’avait lui-même conseillé aux rédactions françaises : n’allez plus en Irak ! ».

Mon confrère Daniel Leau, interpellé hier dans cette émission, a préféré ne pas s’attarder en disant que chacun est libre de penser et de dire ce qu’il veut. Pour ma part, je serais moins politiquement correct.

C’est vrai, et fort heureusement, chacun peut penser et dire ce qu’il veut. Quitte à proférer des propos parfaitement scandaleux, voire honteux. Ici, on peut penser et s’exprimer sur une chaîne publique et dans les médias privés. On peut le faire, et c’est tant mieux. Mais il y a de multiples endroits dans le monde où, le seul fait de penser peut mener tout droit en prison ou à la mort.

Alors, de grâce, mesdames, messieurs, qui vous moquez du sort des journalistes retenus en otage, vous qui pensez que nous en faisons trop, pensez ce que vous voulez, dites-le, clamez-le ! Mais ayez conscience que si vous en avez la possibilité, tel n’est pas le cas pour tout le monde. Ne refusez pas aux autres ce que vous avez la possibilité de faire.

Or, justement, si l’on se moque de ce qui se passe en Irak ou ailleurs, du moment que c’est loin de nous, on peut tout aussi bien se moquer de ce qui se passe tout près. Que l’on demande à celles et ceux qui, à Outreau, au terme d’une instruction bâclée, ont perdu leur honneur et une part de leur liberté. Qu’on leur demande ce qu’ils pensent du travail et de l’écoute de la journaliste Florence Aubenas.

En Irak, s’il n’y a plus de journalistes, nous n’aurons plus, en guise d’information, que celles provenant des militaires américains. Ceux-là mêmes qui tirent sur les otages que l’on vient de libérer. Ceux-là mêmes qui, chaque jour, tuent plusieurs dizaines de civils, ceux-là mêmes qui, en participant à cette sale guerre devenue une sale occupation, participent à une opération d’apprentis sorciers qui nous dépasse.

Pourquoi croyez-vous que tant de monde se mobilise ainsi ? Quand ont dit qu’il n’y a pas vraiment de liberté sans la liberté d’informer, ce n’est pas une vaine expression. Ce n’est pas simplement une formule de communication ou une formule marketing.

Oui, il faut parler et se mobiliser pour ces journalistes. Giuliana Sgrena l’a dit : cette mobilisation a servi à sa libération. Enzo Baldoni, en août dernier, n’a pas eu cette chance.

Mais se mobiliser dans la durée, c’est aussi se mobiliser sur le fond. Pour avoir le droit d’être informé et pour refuser que des catégories de personnes soient isolées et abandonnées à leur misère et à leur exclusion, pour refuser que des peuples entiers soient isolés et abandonnés à leur misère et à la loi du plus fort.

Le droit à l’information est un tout. Il n’est pas négociable.

Outre ces villes de France mobilisées aujourd’hui, le Parlement européen, à Strasbourg, par la voix de son président, s’interroge sur la situation des journalistes en Irak. Les directeurs de journaux écrits, parlés et d’agence se sont unis pour demander la libération de Florence Aubenas et de son collaborateur. L’Institut du monde arabe s’est mobilisé. La presse marocaine aussi. La presse algérienne, qui a déjà payé le prix du sang pour sa liberté, est solidaire des journalistes otages.

Posons-nous la question de savoir pourquoi cette quasi-unanimité. Croyez-vous que ce soit simplement l’effet d’une émotion produite par des cassettes vidéo dont on sait qu’elles reposent sur une cynique mise en scène ? Non : C’est parce que tous sont convaincus que la démocratie et la liberté ne se négocient pas.

Or, dans ces prises d’otage de l’information et des journalistes, on a affaire à des gens sans scrupule que la démocratie et la liberté indisposent. Les islamistes et ceux qui les soutiennent ou les manipulent, quels qu’ils soient, sont des ennemis de la démocratie. Ce sont des ennemis de la liberté, ce sont des ennemis du genre humain. On n’a pas vu de projet aussi sombre, aussi dangereux, depuis soixante ans. Il y a certes eu des horreurs depuis le nazisme et le fascisme. Mais les projets islamistes veulent s’inscrire dans la durée. Et cela ne date pas du 11 septembre 2001 !

Voilà pourquoi il faut continuer à exiger la libération des journalistes, voilà pourquoi il faut demander qu’ils puissent travailler librement partout. Quand Florence sera libérée, il ne faudra pas s’arrêter là. Il faudra continuer à rester vigilants et à demander et exiger, encore et encore, que l’information puisse circuler absolument partout.

Pour qu’aucune partie de ce monde ne soit condamnée à l’obscurité.

Je vous remercie.

 

Retour à l’article

 

Texte du comité de soutien à Florence et Hussein
lu lors de la journée du 12 mars

« Giuliana Sgrena l’a dit après avoir été libérée à Bagdad : « Mes ravisseurs ont été surpris par la mobilisation en Italie. Dans mon cas, la solidarité a payé. La leçon à tirer est qu’il faut continuer à se mobiliser ! ».

« Libérez Florence et Hussein ! Le monde n’appartient pas aux chefs de guerre, quels qu’ils soient, petits ou grands. Nous avons besoin de témoins, nous avons besoin de journalistes. Votre liberté, Florence et Hussein, c’est la nôtre ! ».

« Que les pouvoirs publics et la France entière sachent que nous ne nous tairons pas. Chaque jour, nous répéterons combien Florence et Hussein nous sont précieux. »

Merci à tous, élus, bénévoles, musiciens, vous tous qui nous avez aidé à organiser cette opération « 1000 fanfares pour Florence et Hussein », pour que la musique de la liberté s’entende jusqu’à Bagdad ! Aujourd’hui, on a joué partout en France : à Paris et dans sa banlieue, à Marseille, Perpignan, Bordeaux, Tarbes, Brest, Strasbourg, Puy-en-Velay, Romilly-sur-Seine, Niort... sans oublier bien sûr les villes du Nord -Pas de Calais, sur tout le littoral, en Flandre intérieure, dans la métropole lilloise, le Valenciennois, la Sambre...

 

Retour à l’article


 

 

 

La Vie du Club

ESPACE PRESSE