Dans son enquête intitulée « Jeunes Journalistes, l’heure du doute », publiée aux Éditions Entremises, Jean-Marie Charon a donné la parole à une centaine de jeunes journalistes, âgés entre 22 et 30 ans, pour exprimer leurs sentiments sur la réalité du métier.
Le résultat met en lumière, selon le chercheur, un profond mal-être qui vient de plusieurs facteurs : « manque de préparation à l’entrée dans la vie professionnelle », « désillusion » face aux « difficultés hiérarchiques » qu’ils rencontrent dans quelques rédactions, « manque de reconnaissance » et enfin « la précarité du métier ».
Et pourtant, « on ne peut pas dire que le métier est en danger », assure le sociologue, car « les écoles de journalisme reçoivent toujours plus de candidatures pour le concours, chaque année ». Ces jeunes journalistes qui pour la plupart réalisent « leur rêve de longue date » ont des motivations diverses et variées. Ils évoquent entre autres « le fait d’être utile », « le désir d’aller vers les autres », en somme un journalisme de proximité…
Une conscience de la précarité
Le doute survient après l’entrée dans la profession et s’exprime à des degrés divers, explique l’invité du Club. Les jeunes journalistes rencontrent des difficultés à se projeter et ils sont aujourd’hui « conscients de la précarité du journalisme ». « Ils s’y confrontent dès leur entrée dans la profession », affirme Jean-Marie Charon. Enchaînement de CDD, rémunération faible, isolement des pigistes…, sont autant d’éléments qui accentuent la réalité de cette précarité. Il souligne que cette précarité creuse « le fossé entre la fin de l’alternance et l’entrée effective dans la profession ». Toutefois, il estime que l’alternance est un moyen qui permet aujourd’hui une « diversité sociale » dans le monde journalistique.
Outre les conditions de travail, les tâches confiées aux jeunes journalistes peuvent aussi poser problème. Certains évoquent, selon Jean-Marie Charon, « la perte de sens du métier, mettant l’accent sur un grand écart entre ce qu’ils aiment faire et ce qu’ils sont autorisés à faire dans les rédactions. » Les jeunes journalistes aimeraient mener « un travail de terrain et être en contact avec le public, etc. », poursuit le sociologue.
Ces inquiétudes que les jeunes journalistes ressentent par rapport à leur avenir surgissent dans un contexte particulier de fragilité économique des médias. Selon le chercheur, ils ont plus de chance de réussir leur insertion professionnelle lorsqu’ils se positionnent sur des niches, citant l’exemple du domaine « des Datas », ou encore « les médias sociaux ». Il estime par ailleurs que le rôle des écoles et instituts de journalisme est de préparer suffisamment ces futurs professionnels de l’information à l’entrée dans la profession en les armant d’outils nécessaires pour défendre leurs droits et devoirs en tant que journaliste.
Une reconversion est toujours possible
Partant de ce constat et en se comparant aux autres métiers, les jeunes journalistes, souvent après une mûre réflexion, décident de s’orienter vers d’autres professions. Une grande majorité, avec un très bon cursus universitaire qui leur permet de rebondir, choisissent de se diriger vers l’enseignement, l’éducation aux médias…
Ce qui frappe dans cette enquête, insiste l’universitaire, c’est « le retour vers le métier même après l’avoir quitté durant plusieurs années. Un fait propre à cette génération. »