La détresse psychologique des jeunes, les acteurs de terrains tirent la sonnette d’alarme

, par communication@clubdelapressehdf.fr

Les répercussions délétères de la crise sanitaire sur la santé mentale des jeunes continuent de se manifester de manière criante en France. C’est ce que mettait en lumière, dès mars 2023, un reportage percutant signé par la journaliste indépendante Clémence de Blasi. L’article soulignait l’appel au secours lancé par de nombreux adolescents en difficultés, qui se tournaient vers les Maisons des adolescents (MDA) pour trouver un soutien. Une réalité malheureusement confirmée par une étude, conjointe de France Inter et du magazine Marianne, qui révèle qu’actuellement « 4 jeunes âgés de 18 à 24 ans sur 10 souffrent de dépression modérée à sévère contre 26% avant la crise du Covid ».

Le Club de la Presse Hauts-de-France a organisé, mardi 12 mars, une table ronde rassemblant des acteurs de terrain et journaliste afin d’analyser la situation des jeunes depuis la fin de la crise et discuter de l’accompagnement dont ils bénéficient. Au tour de la table, Clémence de Blasi, journaliste indépendante en cours de réalisation d’un documentaire sur le sujet, entourée d’Estelle Bekebrede, directrice du pôle enfance thérapeutique, de Fanny Lamour et Cindy Baudry, deux psychologues cliniciennes et de Anaïs Lecoq, infirmière diplômée d’État, toutes des professionnelles de la Maison des Adolescents (MDA) du Valenciennes-Hainaut.

Les constats des professionnels de la MDA du Valenciennes-Hainaut

Tout commence quand une professeure d’espagnol de 53 ans a été poignardée en février 2023 par un élève dans un établissement de Saint-Jean-de-Luz, un adolescent de 16 ans. La journaliste se rapproche de la MDA de Valenciennes qui lui ouvre les portes pour une immersion pour mieux comprendre les raisons qui poussent un adolescent à agir de la sorte.
Le constat est sans appel, « suite à la crise Covid, le confinement a mis de nombreux jeunes à rudes épreuves  », explique Cindy Baudry, psychologue clinicienne. «  D’abord, il y a eu la transition brutale vers l’apprentissage à distance et l’isolement social. Ensuite, le retour aux cours en présentiel qui a augmenté la confrontation aux harcèlements scolaires. »
À l’origine de cette grande détresse se trouve la crise sanitaire de la COVID-19, mais pas seulement. Les professionnels pointent également du doigt d’autres facteurs anxiogène, tels que la guerre en Ukraine, l’inflation ou le réchauffement climatique. «  Le mal-être peut provenir également de la situation intra-familiale où des jeunes assistent à des violences récurrentes et cumulatifs  », précise Estelle Bekebrede, directrice du pôle enfance thérapeutique du Hainaut Cambrésis.

« Mettre l’ado au centre »

Pour réaliser son reportage publier dans l’hebdomadaire Le Point, Clémence de Blasi rentre dans l’univers de ces jeunes et cherche à comprendre les dispositifs d’accompagnement dont ils bénéficient. « Des MDA, il en existe plusieurs, mais il n’y avait une seule qui a accepté tout de suite de me permettre de rencontrer les jeunes qui frappent à sa porte », raconte la journaliste.
C’est une structure où une équipe de professionnels s’engage corps et âme pour proposer des solutions aux jeunes. «  Le reportage dure le temps d’une après-midi, et c’étaient les jeunes qui décidaient. L’idée était de les mettre au centre  », précise la journaliste, qui a recueilli leurs témoignages en les observant en toute discrétion.
Ce travail lui a permis de constater que « l’accompagnement réservé à chaque jeune est unique ». « Je suis sortie de là à la fois bouleversée par les situations rencontrées et impressionnée par l’équipe majoritairement composée de femmes, engagées et dévouées à cette cause », affirme Clémence de Blasi. Il s’agit là d’un sujet qui mérite toute notre attention, souligne la journaliste, qui se dit par ailleurs « surprise de la sous-médiatisation.

Les Maisons des Ados, des missions pour le bien-être des jeunes

Ces structures qui ont pour vocation de répondre aux interrogations des adolescents sur une variété de sujets tels que le harcèlement, les problèmes familiaux, le mal-être, la sexualité, le genre, la consommation de drogues, les dépendances aux écrans ou aux réseaux sociaux, entre autres fonctionnent grâce à l’aide de l’État et des institutions. Malheureusement, après la crise Covid, le nombre de jeunes qui s’adresse à ces établissements a augmenté considérablement, mais les moyens demeurent constants. « Aujourd’hui, nous avons besoin d’être plus soutenus », affirme Fanny Lamour, coordinatrice et psychologue clinicienne des Maisons des Adolescents (MDA).
La coordinatrice souligne par ailleurs, que les MDA ne fournissent pas d’accueil d’urgence et ne sont pas habilitées à offrir un suivi à long terme. En cas de situation d’urgence, elles dirigent les jeunes vers des interlocuteurs adaptés, entre autres, des pédopsychologues.

« Le concept des MDA a émergé en 1999, avec la première Maison des Adolescents inaugurée au Havre dans le but de soulager les services d’urgences pédiatriques », explique notre invitée. Ces structures accueillent les jeunes âgés de 11 à 21 ans, avec une tolérance jusqu’à 25 ans dans certains centres, comme la MDA de Valenciennes-Hainaut. Elles offrent un cadre où les adolescents peuvent se confier et se reconstruire, à l’abri des regards. La démarche d’accompagnement peut être initiée par le jeune lui-même ou par un adulte ayant constaté qu’un adolescent a besoin d’aide. « Dans 80 % des cas, ce sont les jeunes eux-mêmes ou leurs parents qui font appel à nous », souligne Fanny Lamour. De plus, ajoute-t-elle, « l’accueil a évolué depuis le confinement et n’est plus aussi spontané ».

Au fil des échanges, les professionnelles révèlent les besoins en ressources humaines actuels pour offrir un accueil encore plus complet aux adolescents. «  Aujourd’hui, les urgences orientent les jeunes en difficulté vers les Maisons des Adolescents, ce qui fait de nous une sorte de salle d’attente. En effet, au niveau des établissements spécialisés, il existe une liste d’attente pouvant aller jusqu’à 18 mois. Autrement dit, un jeune en détresse doit attendre cette période avant d’être pris en charge  », déplore Anaïs Lecoq, infirmière diplômée d’état à la MDA de Valenciennes-Hainaut.

Perspectives sur la détresse des jeunes

Cindy Baudry souligne un aspect positif du confinement : « la mise en lumière de la santé mentale ». Elle précise que la crise a sensibilisé l’opinion publique à l’importance de la santé mentale pour tous. La santé mentale est un sujet qui doit être de plus en plus mis en avant pour aider les jeunes à se confier et à recevoir l’aide dont ils ont besoin. Les invitées précisent par ailleurs que les préjugés autour de cette dernière s’estompent, car aujourd’hui, autant de jeunes garçons que de jeunes filles demandent de l’aide.

Une vague nationale

La sonnette d’alarme que tirent nos invitées ne concerne pas seulement notre région, la preuve qu’au lendemain de la table ronde organisée par le Club de la Presse, Marianne a publié un article, dressant un tableau sombre de la situation actuelle des jeunes. « La fragilité des jeunes pourrait se faire sentir pendant des décennies », a averti Christophe Tzourio, neurologue et professeur d’épidémiologie à l’université de Bordeaux, lors d’une interview accordée au magazine. Selon les données de l’étude, la santé mentale des jeunes n’a jamais retrouvé son niveau d’avant la pandémie. 41% des étudiants présentent des symptômes dépressifs, contre 26% avant la crise du Covid. Par ailleurs, le taux d’idées suicidaires chez les jeunes de 18 à 24 ans est passé de 21% à 29%. Ce qui est encore plus préoccupant, c’est la partie immergée de l’iceberg. Le professeur souligne un niveau élevé d’anxiété et de stress chez les jeunes, entravant leur capacité à interagir normalement avec autrui ou à se concentrer sur leurs études. Une situation qui laisse présager un risque de décrochage scolaire ou d’augmentation de comportements suicidaires, d’après l’expert. L’article souligne également le problème de surcharge des structures de prise en charge, que ce soit à l’hôpital, dans les centres médico-psychologiques ou chez les médecins libéraux. « Il y a trop de patients pour un nombre insuffisant de médecins et de structures spécialisées ».


 

 

 

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