Chesnot et Malbrunot libres ! Restons vigilants - Editorial - La Lettre du Club n°66 - décembre 2004

Nous ne pouvions mieux terminer l’année en décrochant de notre façade, 17 rue de Courtrai, l’affiche réclamant la libération de Christian Chesnot, Georges Malbrunot et Mohamed Al-Joundi. En dépit des propos rassurants de ce dernier, libre depuis le 11 décembre, personne ne s’attendait réellement à un dénouement heureux avant les festivités de fin d’année. Nos confrères auront passé quatre mois entre les mains du groupe terroriste islamiste qui, en août dernier, n’a pas hésité à assassiner Enzo Baldoni. Encore aujourd’hui , les revendications de l’Armée Islamique en Irak restent particulièrement obscures.
Avec beaucoup de sincérité et d’émotion, le Club de la Presse remercie toutes celles et tous ceux qui ont apporté leur soutien à nos confrères et qui se sont mobilisés contre la prise en otage de journalistes. Notre profession n’a pas été en reste. Elle a été rejointe par les élus, les syndicats, les militants associatifs et de nombreux citoyens anonymes. Aussi modeste qu’ait pu être notre action, elle a été importante. Jamais nous ne défendrons suffisamment la liberté d’expression, la liberté de la presse, la liberté de circuler et de travailler des journalistes.
La libération de Christian Chesnot et de Georges Malbrunot nous donne du baume au cœur. Elle adoucit un contexte qui n’est pas folichon. Hors ces horribles prises d’otages, que retenir de cette année ? D’abord, les autres otages, les détentions, les disparitions de beaucoup d’autres journalistes dans le monde. Parmi eux, le directeur du quotidien algérien Le Matin, Mohamed Benchicou, croupit en prison depuis le 14 juin et son journal ne paraît plus.
Début décembre, son épouse, Fatiha, est venue au Club de la Presse. Elle a rappelé les circonstances de la condamnation, à deux ans ferme, de son mari. Officiellement, la justice algérienne lui reproche des transferts illégaux de capitaux. En réalité, le pouvoir n’admet pas le ton de son journal, les mises en cause de l’actuel ministre de l’Intérieur, la place accordée au mouvement citoyen. Du reste, Mohamed Benchicou doit répondre, devant le juge, à de nombreuses autres accusations. Il n’est pas seul dans ce cas. Les journalistes et directeurs des journaux privés font régulièrement l’objet d’un harcèlement judiciaire sans précédent.
Fatiha Benchicou dénonce notamment les manipulations tendant à empêcher la mobilisation en faveur des journalistes. En Algérie, il n’est pas rare de ramener les « crimes de liberté » à des délits de droit commun. « Le pire, dit-elle, est l’oubli. C’est contre lui qu’il nous faut lutter ». Exactement comme ce fut le cas pour les otages en Irak. Nous continuerons, au sein de Club, à travailler dans ce sens.
Pour autant, nous n’oublions pas les attaques, certes d’un autre ordre, dont fait l’objet la presse française. Gardons à l’esprit trois déclarations entendues ces derniers mois : celle de Patrick Le Lay à propos de la disponibilité de cerveaux et celle - bien plus grave encore - de Serge Dassault concernant ces « idées saines » que doivent véhiculer les journaux. Parce qu’elle émane du leader de Reporters Sans Frontières, Robert Ménard, la 3e déclaration est tout aussi surprenante. S’agissant de la presse française, il a estimé, répondant à un auditeur de Radio France, qu’elle ne connaît aucun problème sérieux au regard de ce qui se passe ailleurs, dans le monde.
Considérer que le pire est forcément ailleurs n’est pas la meilleure manière d’améliorer les choses. C’est en revanche le meilleur service à rendre à tous ceux que la presse et les journalistes indisposent.■

Philippe ALLIENNE


 

 

 

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